La hackathon, le marathon de
l’intelligence
Katie-Flore Fils-Aimé, Présidente du Groupe ECHO |
Groupe Echo, sous le leadership de sa présidente Katie-Flore Fils-Aimé, a réussi un gros événement le week-end dernier, et qui n’a pas été souligné suffisamment dans les médias, la première édition de hackathon en Haïti, HackFest 2016. Pourtant, aucun reportage, aucune interview, aucun bulletin de nouvelles, aucune brève dans l’actualité des médias de la capitale, excepté Le Nouvelliste et le journal en ligne Haiti Libre. A croire que ce qui les intéresse se réduit à la politique et tout le bataclan qui nous empêche de créer dans ce pays.
Pendant ce temps, 135 jeunes hommes et femmes, pour la plupart étudiants ou encore des jeunes professionnels, ont donné au pays la preuve et la mesure que l’intelligence n’est pas morte dans ce pays. Le hackathon organisé par groupe Echo a tenu bien de ses promesses, et montre aux jeunes la voie à prendre. Les 200 personnes constituant le public en ont eu pour leurs attentes. Un satisfecit mérité pour le Groupe Echo et à sa présidente, Katie-Flore.
Sur 27 équipes (de 5 personnes chacune) inscrites au départ, 9 ont été
retenues au final dans un processus de sélection. A l’hôtel Oloffson, ces
jeunes ont passé 2 jours et 2 nuits (20-21 mai), quasiment sans dormir, à
discuter de leur projet de solutions numériques à des problèmes réels du pays
selon les thèmes du concours, à écrire des codes informatiques, à tester leurs applications
naissantes sur différents terminaux informatiques, à peaufiner leur
présentation.
Une partie du public |
Un jury aux compétences
variées
Le jury constitué pour désigner, dans la soirée du dimanche 22 mai au
Mariott Hotel, l’équipe gagnante de cette première édition du hackathon était
formé d’Etzer Emile, économiste, directeur de programme à l’université
Quisqueya ; de Frantz Mathias, ingénieur en électronique, pdg de
E-Telinc ; de Sulette Emile, ingénieur en électronique, spécialiste en
base de données, directrice des applications bancaires à la Sogebank ; de
Kenny-Robert Philippe Auguste, Dr en informatique et directeur de programme à
l’Ecole d’Infotronique d’Haiti (ESIH); Patrick Attié, ingénieur en
électronique, directeur général de l’ESIH.
Les 5 juges ont été excellents dans leurs commentaires et dans leur
évaluation des projets présentés. Ils n’ont pas été tendres avec les compétiteurs :
souvent tranchants, mais toujours justes dans leurs observations, critiques et
recommandations. Une épreuve que la majorité des 9 équipes qui concourraient
n’ont pas affectionnée, au point même de vouloir polémiquer avec certains
membres. Mais ces jeunes doivent le savoir : un jury qui évalue un projet
est plus une cour d’accusation qu’une chambre d’enregistrement qui félicite ou
acclame. Un jury se doit donc d’être exigeant. A eux de se hisser à leur
hauteur pour le convaincre.
Les 5 membres du jury |
Le HackFest 2016, un système
en rodage
Trois faiblesses sont à noter dans la conduite du Haiti HackFest 2016,
ce dimanche 22 mai au Marriot Hotel, autant d’enseignements pour améliorer les
éditions à venir, si tel est le cas.
Les présentations des projets ont été maladroites en général, mal
négociées pour certains, ratées par d’autres, pour des raisons évidentes :
ils ne sont pas habitués à l’exercice (une faiblesse notable dans les
compétences fournies par les universités); ils sont passés à coté de
l’essentiel (ils perdent du temps dans des aspects techniques qui n’intéressent
guère le public); des exposés trop verbaux et pas assez démonstratifs (faire
une simulation de la façon qu’on utilise l’application était ce qui importait
surtout) ; une course contre la montre qui a rendus les jeunes fébriles
(eh oui ! le temps disposé n’est pas extensible).
Une équipe en train de présenter son projet |
Les applications, à vrai dire les solutions numériques proposées sont
réellement intéressantes, car elles ont
un fort potentiel d’attractivité et de développement (elles seraient vraiment
utiles pour les utilisateurs-cibles), mais elles sont trop complexes pour être
opérationnelles tout de suite (comprendre comment ça marche n’est pas du tout
aisé), et ne sont pas assez abouties : l’accès du service à tous n’est pas
concluant, le modèle économique n’est pas suffisamment démontré, la mise en
œuvre facile et rapide de la solution n’est pas garantie.
Pour lire les résultats du HackFest, aller à http://www.haitilibre.com/article-17534-haiti-technologie-gagnants-de-la-1ere-edition-du-haiti-hackfest.html ou bien à
Trois points forts
Premièrement, réussir un tel pari semblait une gageure:
développer en 48 heures chrono des applications pour des solutions numériques à
des problèmes récurrents relève du sprint davantage que de la course de fond. Or,
ces jeunes ont réussi l’épreuve avec courage, abnégation et détermination. Cette
expérience est un bon exemple de sacrifice à mettre au service d’une grande
cause nationale.
Deuxièmement, l’enthousiasme des participants qui se sont frottés à cet
exercice pour la première fois de leur vie, était évident au point qu’ils
donnaient l’impression d’être capables d’aller au-delà de 48 heures prévues.
Chaque équipe était fière de son œuvre et faisait montre d’une très grande
solidarité. L’esprit d’équipe était manifeste entre eux.
Troisièmement, les résultats de leur travail ne demandent qu’à prendre
leur envol, car il y a matière à développer de multiples applications
numériques pour les citoyens haïtiens, pour divers problèmes liés à la
création, à la diffusion et au partage d’informations, divers besoins de
services dans tous les domaines. Loin d’être la panacée, la technologie a de
bon qu’elle permet de prendre des raccourcis pour faciliter la résolution de
certains problèmes que les moyens traditionnels ne peuvent pas.
Créer des espaces ouverts
dans une société fermée
FOKAL a soutenu cette initiative de Groupe Echo pour 3 raisons
majeures :
Primo, sa foi que la jeunesse est une force de propositions pour le
pays. La fondation veut aider ces énergies, ses intelligences à s’exprimer et à
se libérer. Elle l’a déjà expérimenté avec son programme national de débat
qui a fait émerger les talents des
jeunes dans l’argumentation, où 450 jeunes du pays ont collaboré ensemble pour
produire des propositions ou pistes de solutions à des problèmes qui rongent le
pays et qui affectent leur vie et leur communauté.
Nous l’avons déjà vu également avec Elan Haiti 2014 de Groupe Echo, un
forum international de jeunes étudiants et professionnels à Limonade, dans le
Nord, duquel sont sorties 4 projets novateurs, concrets, réalistes et en cours
d’exécution, dans le domaine de l’éducation, de l’entreprenariat, de
l’environnement, et de la coopération internationale.
L'équipe Code 9, championne du Hackathon 2016 |
Secundo, cette initiative s’inspire du hackathon organisé par le
programme Youth Exchange d’Open Society Foundations, en septembre 2015, à
Istanbul (Turquie), auquel FOKAL avait convié Katie-Flore Fils-Aimé. Des jeunes
de toutes nationalités ont imaginé et créé en 2 jours des applications web
fournissant des solutions, immédiatement opérationnelles, à des problèmes de la
société (l’équipe dans laquelle était Katie-Flore a eu le prix de l’application
la plus utile). Il était logique, juste et nécessaire que FOKAL appuie et
contribue à cette initiative qu’a voulu reproduire Groupe Echo en Haiti.
En dernier lieu, FOKAL croit au potentiel de ce que font ces jeunes
développeurs et informaticiens dans ce hackathon. C’est concret, innovant et
immédiatement disponible ou exécutable. Ces projets peuvent effectivement
apporter beaucoup de changement. Nous en sommes convaincus. Que les jeunes en
soient convaincus eux-mêmes, eux qui sont les initiateurs et acteurs de ce
mouvement.
L’une des missions de FOKAL et d’Open Society Foundations est d’ouvrir,
grâce aux supports et subvention accordés à des initiatives jeunesse, des
espaces de réflexion, de création, d’innovation pour les jeunes afin qu’ils
expriment leurs talents, et développent leur potentiel, dans une société haïtienne
hésitante aux changements et réfractaire aux évolutions du monde.
Jean-Gérard Anis, coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL |
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes
FOKAL – Open Society
Foundations Haiti
30 mai 2016