Un forum international sur la Justice des mineurs a été organisé par
Open Society Foundations (OSF), et Education Development Centre (EDC), du 10 au
12 septembre 2014, à Istanbul en Turquie. L’objectif du Forum a été de réunir de
jeunes militants, des associations dirigées par des jeunes, des responsables
gouvernementaux et des spécialistes de la justice pour mineurs de divers pays
d’Afrique, d’Asie, d’Europe, des Amériques, pour discuter des questions liées et à
et mettre en valeur les meilleures pratiques à la croisée de la sécurité des
jeunes et de la justice.
Open Society Foundations, est la maison-mère de FOKAL basée à New-York. C’est son programme Youth Exchange
qui a été le promoteur du forum.
Education Developpement Centre, INC, basé à Washington D.C., conçoit des systèmes visant à
appuyer et à maintenir une éducation de base de qualité, en fournissant des
solutions innovatrices à des problèmes apparemment insolubles. Elle aide ses partenaires
locaux dans plus de 35 pays à travers cinq continents à améliorer
l’enseignement et l’apprentissage chez des enfants, des jeunes et des adultes à
travers des interventions allant de l’élaboration des normes nationales à la
formation des enseignants.
Soixante dix-neuf (79) participants, venant de 32 pays dont Hongrie, Afrique
du Sud, Géorgie, Ouganda, Sénégal, Arménie, Uruguay, Espagne, Royaume Uni,
Swaziland, Moldavie, Kenya, Pakistan, Tanzanie, Mongolie, France, Thaïlande,
Brésil, Guyane, Haïti (FOKAL), Mexique, Indonésie…, représentent des secteurs
divers tels que des fondations, des universités, des ONG de droits humains, des
associations de jeunes engagés, des organisations internationales, des
institutions gouvernementales, des organismes culturels…
Une plate-forme d’échanges
L’évènement est considéré par OSF comme une plate-forme de
collaboration peer to peer pour
s'engager avec de jeunes leaders en devenir afin de relever les défis d'une
société ouverte par la mise en œuvre de projets innovants dans le domaine de la
justice juvénile. Le forum a été également un espace de réseautage, de partage
de méthodes, de stratégies, de pratiques, et une pépinière d’idées pour les
praticiens de la justice juvénile.
Les 2 premières journées ont débuté par une session plénière animée par
un panel d’experts dans le domaine de la justice qui ont fourni un cadre
conceptuel commun pour les trois jours. Les conférenciers se sont engagés sur
les normes et les cadres qui ont émergé pour guider la conception et la mise en
œuvre des systèmes de justice pour les jeunes adultes, ainsi que les forces et
les développements clés qui ont façonné les réponses de l'État pour les jeunes
en conflit avec la loi.
Partenariats novateurs pour
générer un impact: Meilleures pratiques & Défis
Les différentes présentations et discussions ont porté après sur des
préoccupations suivantes: la loi, le contrôle social et la criminalisation des
jeunes ; la résilience chez les jeunes dans le système de justice pour
mineurs ; les relations entre les jeunes et la police; des techniques et
méthodes de travail avec les populations des jeunes à risque dans les sociétés
en transition ; les jeunes dans les prisons et anciennement détenus; quand
des interventions du secteur de la justice des mineurs sont nécessaires et quand elles ne le sont pas.
Des ateliers parallèles de travail en groupe se sont ensuivi sur des
questions précises auxquelles chaque participant était libre de suivre. Ces
séances ont cherché à montrer (et à expérimenter du coup) comment des groupes
de la société civile - incluant des ONG, des associations dirigées par des
jeunes, des chercheurs - encouragent le changement pour améliorer les
politiques et les approches liées à la jeunesse à travers la recherche, la
justice, le plaidoyer, le lobbying, la collaboration et la formation.
Divergences
Cependant des divergences se sont révélées entre les participants
Africains et les Occidentaux, européens et américains, sur 3 fronts, au gré des
conversations informelles entre les participants.
Les Africains ont déploré que les interventions soient trop centrées
sur des expériences et conceptions occidentales, et que les exemples (les
bavures policières aux USA et en Angleterre), les problèmes (rapports
conflictuels entre les jeunes et la police dans les quartiers et les cités
difficiles, profilage ethnique des minorités visibles) et les projets examinés
ne répondent pas vraiment aux réalités des pays africains représentés.
La 2e chose est le fait que les représentants africains et
asiatiques n’ont pas eu l’opportunité de parler ni de partager directement avec
leurs collègues leurs expériences ou leur compréhension de la justice juvénile
dans leur propre pays. Les intervenants étaient souvent américains ou
européens, et les africains comme les asiatiques étaient davantage
consommateurs qu’acteurs des conférences
ou des ateliers. Dommage !
Le 3e point délicat a été la divergence de vue concernant la
perception de la police que l’on soit un jeune en Europe de l’Ouest et aux
Etats-Unis ou bien que l’on soit un jeune en Afrique.
Police occidentale et police
en Afrique
La police aux USA comme en Europe est vue par les jeunes comme une
force de répression, pour ne pas dire d’agression, sous bien des caractères. Aux
USA, elle est militarisée car son arsenal répressif se rapproche de
l’équipement d’un soldat, et ses règles d’engagement sont proches du code
militaire car toujours prête à faire feu au moindre geste d’un suspect.
D’où des bavures policières à répétition souvent couvertes par la hiérarchie
(le cas du jeune noir abattu par un policier blanc à Ferguson aux USA, en
septembre dernier).
En France comme en Angleterre, la police procède secrètement, comme l’a
insinué une activiste française d’une association de jeunes, à du profilage
ethnique qui établit une sorte délit de faciès dans le traitement des cas de
justice. Cela débouche sur une discrimination raciale de facto envers les citoyens issus des minorités visibles de ces
pays, source de frustration et de méfiance du coté des victimes de la police,
et des émeutes à la mort d’un membre d’une communauté.
Si la police occidentale compte sur l’effet de repoussoir ou de peur
pour imposer la loi et l’ordre, la police en Afrique (Nigeria, Ouganda,
Sénégal, Swaziland par ex.) parait davantage une police de proximité qu’une
force dissuasive (comment pourrait-elle
être autrement car elle est mal armée, mal payée, pas assez professionnelle).
Elle est plutôt perçue comme un service public comme un autre. Elle ne fait pas
peur et elle est complètement intégrée dans la population qui coopère avec elle,
comme en Haïti dans les poursuites de
bandits, voleurs et kidnappeurs.
Approches de la société
civile pour améliorer la justice juvénile
Néanmoins, ce forum international a généré des informations
intéressantes et des connaissances utiles :
1) dans la compréhension des conséquences de la détention sur les
mineurs. Les politiques qui enferment plus les jeunes n'améliorent pas
nécessairement la sécurité publique. Les jeunes en détention ont des taux
élevés de récidive. Des études estiment que la majorité des jeunes qui viennent
en contact avec le système de justice pour mineurs ont un certain type de
traumatismes. Ces défis ne peuvent être relevés si elle est abordée dans une
perspective multi objectifs qui favorise la collaboration entre les acteurs
traditionnels et non traditionnels et permet aux systèmes de travailler plus
efficacement à traiter les causes profondes.
2) dans la constitution de projets innovants, reproductibles, contre la
récidive des jeunes détenus, comme des approches tenant compte des traumatismes
de la justice pour mineurs. Par exemple en Guyane, un programme financé par
l’USAID fournit un accompagnement aux jeunes détenus en créant et en mettant en
œuvre un système de peines de substitution et de détournement pour de nombreux
délinquants; en fournissant un soutien aux jeunes, sortant du nouveau corps de
possibilité de réintégrer la société et le marché du travail ; ou bien une
éducation, de l'information et du soutien pour développer leur propre
entreprise.
3) dans la prévention de la violence. Un criminologue mexicain a fait
une présentation sur les interventions ciblées pour réduire et prévenir le
crime. Trois choses que nous devons
savoir de la violence : 1. La violence est concentrée géographiquement là
où il y a un manque d’éducation, où la justice a échoué ; 2. Les victimes
et les agresseurs se concentrent de manière disproportionnée dans un groupe démographique ;
3. Elle est surtout basée dans des groupes dynamiques : gangs, dealers de
drogue, mafia. 75% de la violence est causée par 0.5% de la population d’une
ville donnée.
Le criminologue propose le mapping,
un procédé de cartographie de la
violence, développé avec la Banque mondiale et Yale University, utile pour
prendre des décisions sociales, pour implémenter des projets, pour promouvoir
l’engagement communautaire dans les villes.
Conclusion
Les enseignements de ce forum international sont que 1o) les
jeunes en conflit avec la loi représentent un grand défi dans toutes les
sociétés ; 2o) il n’y a pas de solution-miracle pour résoudre
les problèmes des jeunes en rupture avec la loi ; 3o) connaitre
les questions de justice juvénile dans d’autres pays peut nous aider à
relativiser nos problèmes ou à trouver
les voies et moyens pour fonder notre propre politique.
On ne réinvente pas la roue !
Jean-Gérard
Anis
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes