Les 2
animateurs du club de Christ-Roi, Alfred Désir et sachernka Anacassis, ont
organisé le samedi 3 mai 2014, à l’école congréganiste de Christ-Roi, à la 1ère ruelle Nazon, le premier tournoi interscolaire de
débat de l’année. Cette compétition a opposé 8 établissements secondaires du
centre-ville de Port-au-Prince : 1 lycée public, (Lycée Marie Jeanne), 1
lycée dirigé par des Sœurs (Lycée technique Elie Dubois), 5 collèges privés
(Institut Orphée Noir, Institution mixte Sainte-Geneviève, Collège Mixte la
Bergerie, Collège du Canapé-Vert, Collège Cœurs Unis), 1 école congréganiste
(Ecole congréganiste de Christ-Roi).
Une débatteuse de l'équipe de l'école congréganiste de Christ-Roi en plein discours |
La
participation de quatorze jeunes du club de Martissant, conduits par
Jennyfer Desrosiers et Miranda Pierre-Louis, les animatrices de leur club et
également juges dans ce tournoi, a été grandement appréciée. Pour la plupart
novices dans le débat, ils étaient venus à ce tournoi pour parachever leur
formation au débat en observant la manière de faire des compétiteurs. Ils ne
furent pas déçus.
Un sujet de débat opportun
L’énoncé
du tournoi a été : « Les écoles
mixtes sont meilleures pour l’éducation des jeunes ». Ce sujet est
tombé à point nommé puisque 4 écoles mixtes et 4 écoles non mixtes
s’affrontaient autour de cette résolution. Le sujet offrait donc l’opportunité
de confronter, voire d’évaluer la formation académique donnée dans ces 2 sortes
d’établissement. L’école gagnante du tournoi allait-elle faire mentir ou conforter cette
affirmation ? Difficile à dire...
Les élèves du lycée technique Elie Dubois venues supporter leur équipe |
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débatteurs, dont 20 filles et 6 juges, étaient engagés dans ce tournoi. Le
public, d’une soixantaine de personnes approximativement, était constitué à 90%
de filles. À croire que les filles s’intéressent particulièrement au débat,
davantage que les garçons. Dans la plupart des tournois nationaux de débat
organisés par FOKAL, les filles remportent le titre de Meilleur débatteur. D’ailleurs,
des 8 équipes dans cette compétition interscolaire, 5 étaient exclusivement
composées de filles, sauf celles des collèges Cœurs Unis, du Canapé-Vert et de
la Bergerie où même là encore les garçons ont été minoritaires.
Bref,
le tournoi a tenu ses promesses : un public nombreux, des débatteurs
déterminés, du fair play entre les compétiteurs, de bons arguments des 2 cotés
opposés, des clashes d’arguments, du talent à ne pas douter, de l’éloquence à
revendre, des applaudissements de l’auditoire et des… larmes des perdants. La
palme des supporteurs revient au lycée technique Elie Dubois qui a emmené une
quarantaine d’élèves, uniquement des filles, pour soutenir leur équipe… de
filles. Elles en avaient pour leur compte.
Les gagnants ne sont pas toujours ceux que l’on
croit
L’équipe
la plus séduisante du tournoi a été incontestablement l’équipe du lycée Elie
Dubois. Emmenée par un trio de débatteuses talentueuses, faisant leur première
expérience au débat, cette équipe a perdu de peu la finale gagnée par l’équipe
de l’école congréganiste de Christ-Roi, plus expérimentée et qui est à leur 4e
tournoi d’envergure (cette même équipe a déjà participé en l’espace de 12 mois
à un tournoi dans leur club, un tournoi régional, un tournoi national). La forte
expérience des compétitions de débat de l’équipe de Chris-roi s’est révélée
payante. Une leçon à retenir par les autres débatteurs du réseau.
L'équipe du lycée technique Elie Dubois |
Cependant,
même si elle n’a pas été championne dans ce tournoi interscolaire, l’équipe du lycée
Elie Dubois a eu le mérite de remporter le titre du Meilleur débatteur (et du 2e
meilleur débatteur). Un tour de force majeur, une performance rare pour une
équipe qui perd sa finale de débat. Les filles d’Elie Dubois ont fait honneur à
leur école et à leurs camarades supporteurs venues les soutenir en grand
nombre.
Une
autre équipe qui a fait forte impression a été le lycée Marie-Jeanne, battu en
demi-finale par le lycée Elie Dubois. Défendant avec courage leur chance de
remporter le titre de champion, la persévérance de cette équipe a quelque faibli
face à des débatteuses d’Elie Dubois qui sont montées en puissance de match en
match. Leur fureur de gagner s’est émoussée en demi-finale, due probablement à
la fatigue ou au stress de l’enjeu. Nul ne saura. Mais le lycée Marie-Jeanne a
laissé la compétition la tête haute.
Filles et garçons à l’école ne font pas bon ménage,
croit-on.
Les
arguments les plus remarquables sur l’énoncé en faveur ou contre les écoles
mixtes, définies couramment par les débatteurs comme « des établissements scolaires où l’on admet
les filles et les garçons dans la même classe pour une formation collective »,
ont été les suivants :
Une débatteuse de l'Institut Orphée Noir interrogeant son adversaire |
1.
Les écoles mixtes aident à combattre la discrimination sexuelle en milieu
scolaire, car les préjugés sexuels et les attitudes sexistes tombent, ou bien
régressent fortement. La mixité révèle que les filles sont aussi douées dans
les matières scientifiques (maths, physique, chimie) prétendument considérées
de l’apanage des garçons. Un argument qu’a
voulu minimiser une équipe négative qui a soutenu que les écoles mixtes ne
combattent pas les autres discriminations sociales ni les préjugés. Au
contraire, les écoles mixtes augmentent la discrimination sexuelle à cause de
la différence de traitement des professeurs, plus à l’avantage des garçons.
2.
Les écoles mixtes rétablissent l’égalité intellectuelle entre filles et garçons,
car en recevant une même formation, en fréquentant les mêmes cours, les jeunes
des 2 sexes aboutissent à une égalité de droit à la connaissance. Les filles et
les garçons ont le même parcours académique en sciences, lettres et sciences
sociales que leurs camarades masculins. Ce
contre quoi des débatteurs adverses se sont insurgés en démontrant que ce
parcours identique évoqué est factice, car en classe les filles se consacrent davantage
à leur beauté physique et au jeu des rivalités et de la séduction pour capter
l’attention des garçons, qui aboutit à des rapports sexuels précoces ayant
pour conséquences des grossesses non désirées ruinant leurs ambitions scolaires.
Contre-interrogatoire entre le collège mixte la Bergerie et celui du Canapé-Vert |
3.
Les écoles mixtes rétablissent l’équilibre social entre les jeunes des 2 sexes.
Les filles ont davantage d’estime d’elles-mêmes, ne se sentant plus minimisées par
rapport à leurs camarades masculins. Elles rejettent plus volontiers la
domination des garçons puisque la mixité leur fait rendre compte qu’elles ont
les mêmes capacités de réflexion, et d’exceller que les garçons dans n’importe
quelle discipline. Cet argument a été
rejeté par une équipe négative qui a stipulé que les écoles mixtes favorisent
les garçons au détriment des filles, car on remarque que les enseignants
consacrent en classe davantage de temps aux garçons (56%) qu’aux filles (44%),
selon une étude d’une psychologue allemande que les débatteurs ont cité souvent.
4.
Les jeunes des écoles mixtes réussissent mieux que dans les écoles non mixtes,
car une saine compétition s’installe entre filles et garçons, laquelle incite à
un effort scolaire plus important de leur part afin d’obtenir de meilleurs
résultats. Ainsi filles et garçons dépassent les préjugés des premiers par
rapport aux secondes, et donc s’épanouissent intellectuellement mieux. Les garçons s’imposent plus en classe que
les filles, habituellement plus passives, a rétorqué une équipe adverse, et les
profs interrogent les garçons plus régulièrement et sont plus attentifs à leurs
interventions.
Contre-interrogatoire entre le collège Coeurs Unis et le lycée Marie Jeanne |
5.
Les écoles mixtes contribuent à l’égalité des chances de réussite des filles et
des garçons, car filles et garçons ont la possibilité de s’orienter vers la
profession de son choix sans discrimination. Cet argument a été réfuté par un débatteur opposé qui a affirmé que les
faits en Haïti démentent ce résultat, où les professions libérales les plus
prometteuses et les mieux rémunérées sont monopolisées par les hommes.
Ainsi,
si pour les équipes affirmatives, les écoles mixtes contribuent à promouvoir
une société plus égalitaire, plus équilibrée, plus juste, leurs adversaires pensent
au contraire que les études à ce sujet en Europe et en Afrique ont remis en
question l’efficacité de la mixité dans les résultats scolaires, qui ne fait
que renforcer les stéréotypes sexuels entre filles et garçons, au détriment des
premières. L’éducation en paie le prix.
Que disent les faits de nos jours ?
La
grande majorité des écoles en Haïti et dans la quasi-totalité des pays dans le
monde (sont mixtes. Seules les écoles congréganistes ou confessionnelles et des
pays fondamentalistes musulmans et arabes comme l’Afghanistan, le Pakistan,
l’Arabie Saoudite tendent à donner une éducation séparée aux filles et aux
garçons.
L'équipe du lycée Marie Jeanne |
En
Haïti, l’équité de genre n’est jusqu’ici pas
atteinte : les taux de scolarisation sont de 10% plus élevés chez les garçons
que les filles, indépendamment du secteur de résidence. Source
UNFPA
Les filles
ont un taux de fréquentation scolaire légèrement plus élevé que les garçons,
mais un décrochage se fait à partir de 17 ans. Le décrochage est particulièrement net
à partir de 19 ans. Le taux de fréquentation scolaire des filles passe en
dessous de celle des garçons avec des écarts croissants jusqu’à 24 ans. Source
IHSI.
En
Haïti, les filles réussissent davantage le baccalauréat que les garçons, toutes
proportions gardées. Source MENFP
Effectivement,
les garçons s’orientent davantage vers les études scientifiques que les filles
dans le monde.
Les leçons du débat
sur la mixité à l’école
Les préjugés ont la vie dure en Haïti.
Et ce genre de débat devrait se répéter dans les écoles pour rompre le cou aux
discriminations sexuelles en classe et ailleurs. Le débat est formateur. C’est
une évidence. Il forge le caractère des débatteurs (en faisant tomber le masque
du commun), renforce les capacités de réflexion (en décuplant leur esprit
critique), leur inculque des habiletés (à communiquer en public notamment).
Bravo les filles! |
Les filles ont non seulement un talent
fou pour débattre, mais encore elles se montrent beaucoup plus déterminées pour
convaincre. La vigueur, pour ne pas dire la fureur dont elles ont fait montre
pour défendre souvent avec brio leurs positions pour ou contre, est révélatrice
d’un fort caractère que l’école haïtienne n’est pas en mesure de faire émerger
chez elles.
On aimerait croire que le débat est
l’arme qui permet aux filles de prendre leur revanche sur les garçons, l’outil
qui brise les préjugés sexistes au détriment des filles, et surtout le moyen
qui permet rapprocher les êtres même quand ils ont des opinions opposées. Les
expériences de ce programme ne cessent de le démontrer.
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du PIJ
1 commentaire:
Teès bien, trop long.
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