L’histoire des
droits de l’homme n’est ni l’histoire d’une marche triomphale ni celle d’une cause perdue
d’avance : elle est l’histoire d’un combat.1
Nombreux sont les organismes en Haïti qui
embrassent la cause des droits humains, cependant leur présence n’empêche qu’on
assiste à des situations continuelles de dégradation continue des conditions
d’existence de la personne humaine. Ce qui parfois nous pousse à questionner la
mission de ces organismes qui est de promouvoir et de protéger les droits de
tout individu. En conséquence, parfois nous avons l’impression que les efforts de
ces instances organisationnelles n’aboutissent pas à des résultats susceptibles
d’améliorer les conditions de vie des individus.
Selon le dernier rapport de développement
humain publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD),
Haïti est chuté d’une place (167 à 168) dans le classement des Indices de
Développement Humain(IDH). Ainsi, affichant un score de 0.498, le pays reste
encore figé dans le rang des pays à faible développement humain. Avec une
espérance de vie fragilisée, n’atteignant même pas 65 ans, 5 ans de
scolarisation en moyenne et d’un revenu national brut per capita de 1665 USD,
presque l’équivalent du coût d’entretien d’un chien en dehors des aléas
vétérinaires2 (1270 euro
équivalent à 1460 USD) dans un pays développé. Voilà l’état de vie d’un haïtien.
Tandis que tout près de nous sur la même île en République Dominicaine, le
revenu national brut per capita d’un dominicain s’estime à 13.921 USD.3
De tels indices pourraient nous inciter à
remettre en question le résultat du travail de ces organismes. Et cette remise
en question s’avère importante, par le fait qu’elle nous permettra de jauger
qualitativement leur travail et leur méthode d’y procéder. Par rapport à ce
constat, (au constant déclin des
conditions de vie du peuple haïtien), devrions-nous plus faire acte foi dans la
crédibilité de ces organisations et groupes d’intérêt ou du moins devrions-nous
continuer d’apprécier leur travail tout en essayant de leur convaincre de
changer de méthode ?
Quoi qu’il en soit, on ne saurait ignorer
l’importance d’une société organisé en pleine modernité. Cependant les groupes
organisés de la société civile haïtienne font preuve d’une grande faiblesse,
celle de se montrer incapable de se converger autour d’un projet social commun.
Ils se repoussent et se méprisent sans même parfois se rendre compte, en
oubliant qu’ils travaillent tous au profit d’une société meilleure et d’un
avenir prometteur. Par exemple comment comprenez-vous la froideur des
organisations féministes envers les mouvements de revendications des syndiqués
salariés, ou du moins comment comprenez-vous l’indifférence des syndiqués
salariés aux mouvements revendicatifs des étudiants. Pourtant, ils pourraient
tous se prêter main forte en vue de se renforcer dans la défense de leur cause.
Mais, comment s’attendre à des résultats efficaces dans le cadre de la
lutte des Droits de l’homme, pendant que ces vagues mouvements ne sont
accompagnés d’aucun projet de société, autrement dit, sans une vision
cohérente ou même partielle de l’organisation et du fonctionnement de la
société, soutenue par des valeurs morales ou éthiques, formulant des principes
et des orientations ? En fait, C’est comme vouloir faire de l’omelette
sans casser des œufs.
Sachant que la société est un système
complexe, constitué de phénomènes sociaux inter-reliés, la démarche compréhensive d’un phénomène
social ne saurait ignorer la pertinence de cette interrelation. En effet, Il
est évident que dans la dynamique réflexive sur les droits humains, le droit
est l’élément dominant, cependant il y a d’autres éléments qui entrent en jeu.
Car ce n’est pas le droit en tant que tel, qui protège les droits de l’homme,
ce qui compte, c’est le contenu de ce droit lequel dépend à son tour des
facteurs : sociaux, politiques, idéologiques, extérieurs au champ
juridique4.
Par conséquent, il est inconcevable d’appréhender les
droits de l’homme sans un projet social partagé par l’ensemble de la société
civile, celle-ci constituée par l’ensemble des acteurs : des associations,
des organisations, des mouvements, des lobbies, des groupes d'intérêts, etc…
plus ou moins formels qui ont un caractère non gouvernemental et non lucratif, constituant
ainsi une forme d'auto-organisation de la société.5 Elle se veut
comme un instrument porteur d’un projet alternatif en réaction au statut quo. Ayant
des objectifs fondés sur l’intérêt de la collectivité, elle englobe des
domaines divers et sert de moyen de pression contre l’Etat.
Etant une dimension de l’Etat de droit, les droits de l’homme ne peuvent se
concevoir ni d’avoir de réalité en dehors de l’Etat de droit. Celui-ci, étant
le lieu où l’autorité s’exerce conformément à des règles connues d’avance, reconnait
aux citoyens des droits qu’ils peuvent faire valoir à l’encontre de l’Etat.
Donc, il serait maladroit de concevoir les
droits humains dans une atmosphère sociétale dysfonctionnelle. Toutefois,
entant qu’entité impersonnelle, l’Etat tient son essence d’une bonne
organisation sociétale, des individus bien éduqués et conscients de la réalité
de la société à laquelle ils appartiennent, à savoir que ces derniers ne sont
pas les fruits du hasard, mais les fruits d’une société bien organisée, ou les groupes
organisés quel que soit leur secteur d’appartenance et leur centre d’intérêt, soient
capables de se mettre ensemble sur un modèle sociétal axé sur le respect de la
dignité humaine, la solidarité, la justice sociale etc…, car ceux qui auront le privilège d’accéder au sommet
de l’Etat, parviendront de la société, ils seront le reflet de celle-ci, et
agiront au profil de leur éducation.
Les mouvements sociaux revendiquant le
respect des droits de l’homme s’avèrent importants, mais, ils n’aboutiront à aucune
finalité s’ils sont conçus en dehors d’un projet de société soutenu soit par
des partis partageant un même projet de société, ou par d’autres groupes
organisés au sein de la société qui sont conscients des problèmes sociaux, aux
fins de se concerter et s’entraider vers
l’obtention des justes solutions tendant vers une amélioration à tous égards.
Car, la lutte pour le respect de la dignité humaine est notre chemin, la cohésion
sociale notre seul moyen de nous projeter vers l’avant et le changement via un
projet commun est notre destinée. Luttons
pour atteindre cette destinée !
Animateur
du club de Diquini
Novembre 2018
Références Bibliographiques
1.- Danièle LOCHAK, Les droits de l’homme, La
Découverte, Paris 2002, p.117.
3.-PNUD, Human rights report, 2017.
4.-Danièle LOCHAK, loc. cit.