Suite à plusieurs séances de
formation organisées sur le format Karl Popper consolidées par un match
d’exhibition à l’occasion de la Journée mondiale du créole, le club de débat de
Jérémie a réalisé son tout premier tournoi de débat mixte pour cette année, le
11 novembre dernier, autour de ces deux sujets:
-
On
devrait exiger un niveau intellectuel aux candidats en Haïti.
-
Le
parlement devrait être dissout en Haïti (finale).
Nouveautés :
1) Pour
la toute première fois, notre tournoi a été organisé en une seule journée.
C’était vraiment fatiguant. Cependant, cette manière intensive commence bien à
préparer nos débatteurs à la manière du tournoi régional et national de 2019.
2) Un
certificat de participation a été offert à chaque participant.
3) Seuls
les jeunes qui ont suivi toutes les séances de formation ont pris part à ce
tournoi (24).
Résumé de la
finale autour du sujet : Le parlement devrait être dissout en Haïti.
L’équipe affirmative était
composée de Alexis Hugor du collège Etzer Vilaire, Pierre-Louis Ruth Anaelle du
Collège Saint Louis et Laurent James Wesnerly du collège Saint Joseph et la
Négative de Jeanty Gaedick, Jean Mary Carla Maria et Jean Bart Michel du
collège Saint Louis.
1èrr
Affirmative : Pierre-Louis Ruth Anaelle
Après avoir fait une mise en
contexte et défini les termes clés, la
première Affirmative a avancé : « Notre premier argument : Le parlement
haïtien ne joue pas son rôle. Un pays où le chômage bat son plein et où
le peuple ne peut même pas manger, nous apprenons qu’on sait donner jusqu’à
5000000 de gourdes aux parlementaires
pour la fête pascale sans compter les différentes fêtes patronales de
leurs communes et arrondissements respectifs. N’est-ce pas de la
corruption ? Et même cette question du fond de petrocaribe, n’entend-on
pas des noms de parlementaires cités là-dedans ? Notre pays n’a pas besoin
de parlementaires corrompus qui ne jouent pas leurs rôles que nous résumons
dans les articles 111, 111-2 : voter des lois, contrôler le pouvoir
exécutif et surveiller la bonne marche des institutions étatiques.
Le parlement haïtien handicape
l’organisation administrative du pays. Pourtant, ils en jurent dans l’article
109 de la constitution : « Je
jure de m’acquitter de ma tâche, de maintenir et de sauvegarder les droits du
peuple et d’être fidèle à la constitution ». Les parlementaires ne
font que travailler à leur profit non pas au bénéfice du peuple ou de la masse.
Même le budget que vote le parlement ne permet pas au peuple de sortir dans la
misère ou de la réduire. Le pays est vassalisé par un parlement qui exerce son
pouvoir au profit de son intérêt mesquin et de celui d’un petit groupe. Le
parlement dans ses fonctions n’a pas pu répondre aux obligations qui lui sont
faites dans la Constitution haïtienne. Il n’a pas su harmoniser le système
législatif avec l’ordre démocratique préconisé par cette Constitution, avec
l’idée d’accéder à un développement durable. La faillite et l’incompétence du
parlement n’ont pu doter le pays d’un Etat moderne. Pour conclure, nous croyons
qu’il fait mieux de dissoudre le parlement puisque n’endosse pas ses
responsabilités et cela provoque des impacts négatifs sur tout le pays.
Notre deuxième argument est
le suivant: l’absence de ce parlement en
Haïti est une voie au développement. Les parlementaires coûtent trop au
pays. Leurs salaires, leurs bureaux, leurs vacances et loisirs sont trop
lourds. Selon les informations que nous transmet Samuel Celiné dans le
Nouvelliste paru le 25 juillet 2018, « Dès sa prestation de serment au Bicentenaire le 2e
lundi du mois de janvier, le député haïtien a droit à une somme de 700 000
gourdes comme « frais de première installation. Les déplacements des élus du
peuple sur le territoire sont aussi pris en charge : 29 000 dollars américains
leur sont alloués comme subvention pour l’achat d’un véhicule. 15 000 gourdes
mensuellement en coupon de carburant, 50 000 gourdes annuellement pour réparer
le véhicule et 75 000 gourdes toujours chaque année pour changer pneus et
batterie. À cela, on peut ajouter les 10 000 gourdes reçues en carte de
recharge chaque mois. a République octroie 100 000 gourdes annuellement à
chacun des 119 députés pour le loyer d’un local devant servir de bureau à l’élu
du peuple et, pour faire marcher ce bureau, 200 000 gourdes sont égrenées de la
caisse de l’État pour payer les employés de ce bureau ». Il y a encore d’autres frais inavoués. On pourrait investir tous ces fonds dans
l’éducation et des services d’assistance sociale aux plus démunis. En somme,
dissoudre le parlement, c’est mettre un terme à l’obscurantisme et l’extrême
pauvreté que connaissent les Haïtiens, c’est ouvrir une porte au développement.
Il faut donc dissoudre le parlement pour un avenir meilleur.
1ère
Négative : Jeanty Gaedick
La première négative a
réfuté ainsi: « Dissoudre le
parlement ce n’est pas la solution idéale aux problèmes qu’Haïti confronte
aujourd’hui, nous avons plutôt besoin d’une prise de conscience commune avec un
solide parlement. La société civile doit exiger aux parlementaires de faire ce
que la loi les exige de faire ».
Après sa réfutation, il a
introduit son cas ainsi : « Force est de constater que le système
politique haïtien est composé de trois pouvoirs. Et, le rôle de chaque pouvoir
est bien défini par la Constitution haïtienne. En effet, ces trois pouvoirs
doivent interagir pour assurer le bon fonctionnement du pays. Les principales
composantes du système politique haïtien sont : le pouvoir exécutif, le
pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Les trois sans distinction forment
notre système politique». Maintenant, il nous est demandé de dissoudre le
parlement haïtien. Mon équipe s’y oppose,
parce que c’est anticonstitutionnel. L’article 111-8 de la constitution
stipule : « En aucun cas, la
chambre des députés ou le sénat ne peut être dissout ou ajourné, ni le mandat
de leurs membres prorogé ». Comment maintenant se mettre à faire
quelquechose qui est interdit par la loi-mère du pays : notre
constitution.
L’obligation du parlement en
matière législative c’est de faire des lois selon les prescrits de l’article
111. Sans le parlement, pas de constitution et c’est la constitution qui
règlemente le pouvoir politique du pays. Dans son ouvrage Change-toi
toi-même et change ton pays , Henry Dorléan a dit : « Il n’y a pas de moyen pour un pays de
progresser sans des lois et des règlements ». Maintenant, si on
l’élimine, on va avoir un pays sans lois, sans principes. A ce moment-là, les
gens feront ce qu’ils veulent et ce sera l’anarchie, le désordre, le chaos et
l’on ne pourra jamais atteindre le développement. C’est comme cela a été le cas
sous le gouvernement dictatorial de Duvalier. Dissoudre le parlement, c’est
rendre le pays vulnérable, le mettre en position d’incapacité de prendre de
bonnes décisions. Le plus important c’est de conscientiser le peuple, nos
dirigeants pour qu’ils prennent enfin conscience de l’enjeu de l’avenir de
notre pays, et qu’ils décident enfin à travailler pour le bonheur de la nation et
que chacun jouisse pleinement de ses droits.
Donc, sans le pouvoir
législatif, il n’y aura pas de constitution et le pouvoir politique du pays ne
sera pas règlementé ».
Réfutation
du 2e Affirmatif : Alexis Hugor
La première négative n’a pas
avancé l’argument de mon équipe. Elle s’est contentée de réexpliquer pourquoi
son équipe est contre le sujet. Cela prouve que notre argument est bien accepté.
Elle n’a pas centré le débat sur la
dissolution du parlement haïtien. Au contre-interrogatoire, elle admet que les
parlementaires haïtiens sont des corrupteurs et se met donc d’accord avec les
explications de mon équipe. Elle a dit que la dictature des Duvalier a plongé
le pays dans le cahos. Je n’en disconviens pas. Cependant, sous Duvalier, le
pays semblait prendre la voie du développement : il y avait des industries
qui avaient créé beaucoup d’emplois et il éliminait la corruption pour faire
progresser l’économie du pays.
Nous gardons nos arguments. Le
premier : Le parlement haïtien ne joue pas son rôle. La dissolution
du parlement mènera le pays sur la route du développement. Les avons trois
pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ils forment un système. Et,
dans un système, chaque élément doit jouer sa partition. Sinon, il ne pourra
foctionner correctement. Nos parlementaires haïtiens ont échoué dans leur
mission envers le peuple. Pourtant, ils nous coutent énormément d’argent. A
chaque sortie, pour chaque fête il leur faut des milions de gourdes. Le salaire
d’un sénateur est énorme. Dans son édition du
8 Mars 2016, le Nouvelliste nous explique comme suit les dépenses d’un
sénateur :
·
Salaire mensuel : 121.000 gourdes par mois,
·
3 Consultants à 60.000 gourdes par mois chacun,
·
Une franchise douanière qui les exonère de toutes les
taxes,
·
$35.000 (dollars US) pour l’achat d’un véhicule,
·
1 million de gourdes de frais annuels pour les activités
culturelles et sportives en été,
·
000 gourdes par mois pour la location d’une résidence
dans la capitale. À cela s’ajoute un montant supplémentaire (non défini), pour
un bureau dans leur département et le personnel payé par l’Etat,
·
1 million de gourdes pour la rentrée des classes,
·
1 Million gourdes pour les fêtes de fin d’année,
·
$700 (US Dollars) de per diem pour les voyages à l’extérieur
du pays en plus des billets d’avion,
·
000 gourdes de per diem pour les déplacements à
l’intérieur du pays.
Le
journaliste rédacteur a ajouté : « Outre ces divers frais et
subventions, les parlementaires ont leurs propres projets qu’ils exécutent
parfois avec l’appui financier de certains ministères. Chercher des fonds dans
les administrations, au Palais national, à la Primature, dans les entreprises
publiques et auprès des particuliers constitue des « plus » qui s’ajoutent aux
largesses du budget officiel. »
Notre 2e argument : l’absence de ce parlement en Haïti est une voie au développement.
Tout l’argent que nous coûte un sénateur, on ferait mieux de l’investir dans des secteurs sociaux :
éducation, santé…Ils ne respectent pas la constitution. Eux qui devraient être
des modèles. Cela engendre une véritable menace de leurs droits.
« La République dans laquelle on ne respecte pas les lois et les règlements est condamné au
sous-développement. Dans un pouvoir législatif mal organisé, il y a beaucoup de
gaspillage de temps, d’énergie et d’argent. Comme il y a peu de production, la
misère s’installe », tiré de Nous les citoyens de demain d’Odette
Roi Fombrun. C’est le cas de notre chère Haïti. Nos législateurs oublient leur
mission qui est de voter les lois dont le pays a grand besoin pour harmoniser
les relations entre les citoyens.
Donc, à la place du parlement, il
aurait été mieux de former des Etats-Généraux avec des hommes et des femmes honnêtes,
justes et intègres pour représenter le peuple, parce qu’avec un parlement
corrompu qui nous coute les yeux de la tête, le pays restera figé dans le
sous-développement. Ne sont-ils pas aussi mêlés dans le dossier de la
dilapidation des fonds Petrocaribe ?
Réfutation
de la 2e Négative : Jean
Mary Carla
Avant de reconstruire son cas,
Carla a avancé : « Il n’y a pas
que le parlement qui ne joue pas son rôle. Si l’exécutif jouait son rôle, le
peuple se conspirerait-il contre lui ? De très souvent, n’entend-on pas
des juges prendre de l’argent entre les mains d’un coupable pour lui donner
gain de cause ? Donc, comme l’a souligné ma coéquipière, il faut une prise
de conscience commune avec un solide parlement. La société civile doit exiger
aux parlementaires de faire ce que la loi les exige de faire ».
Perspectives
Nous avons à réaliser dans les
prochains jours:
1- Des
matchs d’exhibition dans quelques écoles de la ville;
2- La
formation au format WSDC;
3- Un
tournoi de débat interscolaire sur le format WSDC en janvier 2019 ;
4- Faire
faire la partition de l’hymne des débatteurs et son enregistrement au
studio ;
5- Confectionner
de maillots pour les membres réguliers du club ;
6- Mise
sur pied d’un comité dans le CDJ.
Voilà donc tout ce que nous
avons réalisé et à réaliser dans les jours à venir. Vos conseils nous seront
très utiles.
Waldinde GERMAIN
Animateur du club de débat de Jérémie
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