C’est autour de
l’énoncé qui stipule : « Exiger un quota de 30% de femmes dans les postes à responsabilité
dans la fonction publique haïtienne est injustifié » que s’est
déroulé le premier tournoi de débat du club des Cayes, les 27 et 28 mars 2015. Durant ces deux
journées de confrontation d’idées, mais surtout d’apprentissage, les jeunes des
six équipes, se sont donné corps et âmes pour offrir ce qu’ils ont de meilleur
comme réflexions.
Au tout début de l’après
midi du vendredi, Jean-Gérard ANIS, le coordonnateur de programme, a animé une
séance de brainstorming à tous les jeunes présents afin de déblayer le terrain
et permettre aux débatteurs d’offrir une meilleure prestation. Cette activité a
permis aux jeunes non seulement de mieux comprendre les mots-clefs mais aussi
d’approfondir leurs réflexions sur le sujet autour duquel ils vont s’affronter.
Une fois le calendrier
prêt, trois séries de matchs furent programmées
et les deux équipes qui auront gagné le plus de matchs allaient se rencontrer à
la grande finale.
Un début assez difficile
Lors de la première
série de match, certains jeunes ont éprouvé quelques petites difficultés
surtout dans la formulation des arguments, le respect du format Karl Popper, la
bonne gestion du temps et le respect du temps de parole de chaque orateur. Les
juges qui étaient venus prêter leur concours à ce tournoi ont donc pris le
temps de placer de sérieux commentaires afin d’aider ces jeunes, qui sont pour
la majorité des débutants, à corriger certaines imperfections.
« Ces remarques sont d’une très grande
importance pour vous les jeunes car on peut aussi apprendre de ces erreurs pour
mieux grandir », a fait savoir Yvrose Guerrier, l’une des juges
et ancienne débatteuse du club de débat de Jacmel dans les années 2000.
A la fin de cette série
de match, les responsables ont décidé de ne pas publier les résultats afin de
garder le suspense et motiver les jeunes à redoubler effort pour le second tour.
Quand le courant passe…
Le lendemain de très
tôt, les jeunes étaient déjà présents dans l’enceinte de l’église épiscopale des
Cayes qui a accueilli le tournoi. Çà et là, ils formaient des petits groupes, discutaient,
demandaient conseils. Ils voulaient à tout prix corriger les lacunes d’hier, et
gagner leur match.
C’est ainsi que lors
des deux dernières séries, les juges ont pu remarquer de sérieux changements et
une parfaite amélioration dans les différents discours. L’un des points forts
de ce moment fut la période des contre-interrogatoires. Les questions ont été mieux
formulées. Les jeunes ne voulaient plus se laisser entraîner vers la faute par
l’adversaire et évitaient de se faire prendre au piège. Ils commençaient déjà à
comprendre l’importance de l’astuce. Les réponses ont été donc réutilisées à
bon escient.
Parmi les six équipes
qui ont pris part à ce tournoi, deux vont donc se distinguer et se hisser du
même coup sur le podium de la grande finale. Si l’équipe EVOLUTION formée de Mikaela
XAVIER, Kens SAMEDI, Fidécia BENJAMIN a gagné ses trois matchs, celle dénommée
LES REALISTES composée de Mariette DORCEUS, Marie Angie DELERME et Marie Esther
MON-JUSTE n’a gagné que deux.
Les femmes dans la fonction publique… une nécessité
Lors de cette
grande finale, les REALISTES jouaient la négative. Leur premier argument laisse
croire que les femmes possèdent une très grande capacité dans les affaires. «
Stéphanie Balmir Vildrouin est une femme
exceptionnelle. Etant ministre du tourisme, elle a su montrer Haïti sous son
meilleur jour en réhabilitant tant de sites touristiques comme la citadelle Laferrière », ont avancé les joueurs en guise de
support. [Un autre cas d’argument fallacieux basé sur
la généralisation hâtive : il fallait multiplier les exemples]
Leur deuxième
argument a démontré que les femmes savent mieux organiser que les garçons. L’un
des jeunes a donc fait savoir que « toutes les élections qui ont été réalisées durant les 25 dernières
années ont été tous truquées, seule celle réalisée par la présidente [par
intérim] Ertha Pascale Trouillot en 1990,
ont été reconnues honnêtes libres et démocratiques. Voila une preuve du sens de
responsabilité et d’organisation des femmes. »
Quant à EVOLUTION,
elle défendait la position affirmative. Pour soutenir leur cas, l’équipe a avancé
3 arguments. Premièrement, elle croit que les femmes manquent de compétence. « Dans les postes à responsabilité, il est
plus important de les confier aux hommes qui sont plus doués. »
Leur deuxième argument dit que les
femmes manquent d’honnêteté sur le plan financier. Pour
corroborer cet argument, l’équipe a cité le cas de Lucie Tondreau, une immigrante
haïtienne devenue maire de Miami (USA), arrêtée pour une question de fraude immobilière
aux USA. Cette femme qui a réussi à se faire un nom dans la politique, a sali
sa réputation en
utilisant sa notoriété pour gagner illicitement de l’argent. [Un autre
cas d’argument fallacieux basé sur la généralisation hâtive : la faute d’une
seule femme ne peut pas devenir le trait caractéristique de toutes les femmes].
Ils ont voulu montrer plutôt que les femmes, dans les postes à
responsabilité sont souvent soumises à la dépression. Ainsi ont-ils fait
comprendre que les femmes portent déjà le lourd fardeau de la famille, ainsi
que les exigences ménagères. Quand elles arrivent au travail, elles ne peuvent
plus se concentrer et fournir le résultat escompté.
Des deux cotés, le travail de réfutation a été moyen. Mais cela n’a
pas empêché au jury de voter en faveur de l’équipe affirmative qui selon
leurs commentaires leur discours a été plus cohérent et que l’équipe adverse n’a pas réfuté le
troisième argument.
Entre joie et satisfaction !
Les jeunes,
satisfaits de cette grande première ont pressé les responsables du club, Yvens
Elizaire et Rose Angeline Chéry, de continuer l’expérience. Mikaela a été la
meilleure débatteuse du tournoi. Elle rêve déjà de graver son nom parmi les
meilleurs débatteurs du programme. « Je
veux continuer et je sais que je vais réussir à tous les coups a-t-elle », a t-elle lâché avec ton sûr
d’elle-même.
Quant à Rose Angeline,
les résultats de ce tournoi sont l’accomplissement de sacrifices et de
détermination des jeunes du club. Elle croit que les équipes doivent continuer
à s’améliorer en réalisant des matchs d’exhibition et en participant à d’autres
tournois de débat. « Ce n’est qu’en
débattant qu’on devient bon débatteur », a-t-elle déclaré.
« Soyez de jeunes débatteurs, mais soyez différents ». Tel est le vœu du coordonnateur du Programme Initiatives Jeunes à
l’issue de ce grand tournoi. Des propos qui doivent entre autres servir de
leitmotiv à ces jeunes qui ont pris part à ce weekend de débat.
Max Grégory SAINT FLEUR
Juge de débat
Animateur du club de Darbonne
2 avril 2015
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