mercredi 8 avril 2015

Le club de débat des Cayes gagne son premier pari….

C’est autour de l’énoncé qui stipule : « Exiger un quota de 30% de femmes dans les postes à responsabilité dans la fonction publique haïtienne est injustifié » que s’est déroulé le premier tournoi de débat du club des Cayes,  les 27 et 28 mars 2015. Durant ces deux journées de confrontation d’idées, mais surtout d’apprentissage, les jeunes des six équipes, se sont donné corps et âmes pour offrir ce qu’ils ont de meilleur comme réflexions.
Au tout début de l’après midi du vendredi, Jean-Gérard ANIS, le coordonnateur de programme, a animé une séance de brainstorming à tous les jeunes présents afin de déblayer le terrain et permettre aux débatteurs d’offrir une meilleure prestation. Cette activité a permis aux jeunes non seulement de mieux comprendre les mots-clefs mais aussi d’approfondir leurs réflexions sur le sujet autour duquel ils vont s’affronter.

Une fois le calendrier prêt,  trois séries de matchs furent programmées et les deux équipes qui auront gagné le plus de matchs allaient se rencontrer à la grande finale.

Un début assez difficile

Lors de la première série de match, certains jeunes ont éprouvé quelques petites difficultés surtout dans la formulation des arguments, le respect du format Karl Popper, la bonne gestion du temps et le respect du temps de parole de chaque orateur. Les juges qui étaient venus prêter leur concours à ce tournoi ont donc pris le temps de placer de sérieux commentaires afin d’aider ces jeunes, qui sont pour la majorité des débutants, à corriger certaines imperfections.
« Ces remarques sont d’une très grande importance pour vous les jeunes car on peut aussi apprendre de ces erreurs pour mieux grandir », a fait savoir Yvrose Guerrier, l’une des juges et ancienne débatteuse du club de débat de Jacmel dans les années 2000.

A la fin de cette série de match, les responsables ont décidé de ne pas publier les résultats afin de garder le suspense et motiver les jeunes à redoubler effort pour le second tour.

Quand le courant  passe…

Le lendemain de très tôt, les jeunes étaient déjà présents dans l’enceinte de l’église épiscopale des Cayes qui a accueilli le tournoi. Çà et là, ils formaient des petits groupes, discutaient, demandaient conseils. Ils voulaient à tout prix corriger les lacunes d’hier, et gagner leur match.

C’est ainsi que lors des deux dernières séries, les juges ont pu remarquer de sérieux changements et une parfaite amélioration dans les différents discours. L’un des points forts de ce moment fut la période des contre-interrogatoires. Les questions ont été mieux formulées. Les jeunes ne voulaient plus se laisser entraîner vers la faute par l’adversaire et évitaient de se faire prendre au piège. Ils commençaient déjà à comprendre l’importance de l’astuce. Les réponses ont été donc réutilisées à bon escient.
Parmi les six équipes qui ont pris part à ce tournoi, deux vont donc se distinguer et se hisser du même coup sur le podium de la grande finale. Si l’équipe EVOLUTION formée de Mikaela XAVIER, Kens SAMEDI, Fidécia BENJAMIN a gagné ses trois matchs, celle dénommée LES REALISTES composée de Mariette DORCEUS, Marie Angie DELERME et Marie Esther MON-JUSTE n’a gagné que deux.

Les femmes dans la fonction publique… une nécessité

Lors de cette grande finale, les REALISTES jouaient la négative. Leur premier argument laisse croire que les femmes possèdent une très grande capacité dans les affaires. «  Stéphanie Balmir Vildrouin est une femme exceptionnelle. Etant ministre du tourisme, elle a su montrer Haïti sous son meilleur jour en réhabilitant tant de sites touristiques comme la citadelle Laferrière », ont avancé les joueurs en guise de support. [Un autre cas d’argument fallacieux basé sur la généralisation hâtive : il fallait multiplier les exemples]

Leur deuxième argument a démontré que les femmes savent mieux organiser que les garçons. L’un des jeunes a donc fait savoir que « toutes les élections qui ont été réalisées durant les 25 dernières années ont été tous truquées, seule celle réalisée par la présidente [par intérim] Ertha Pascale Trouillot en 1990, ont été reconnues honnêtes libres et démocratiques. Voila une preuve du sens de responsabilité et d’organisation des femmes. »

Quant à EVOLUTION, elle défendait la position affirmative. Pour soutenir leur cas, l’équipe a avancé 3 arguments. Premièrement, elle croit que les femmes manquent de compétence. « Dans les postes à responsabilité, il est plus important de les confier aux hommes qui sont plus doués. »  

Leur deuxième argument dit que les femmes manquent d’honnêteté sur le plan financier. Pour corroborer cet argument, l’équipe a cité le cas de Lucie Tondreau, une immigrante haïtienne devenue maire de Miami (USA), arrêtée pour une question de fraude immobilière aux USA. Cette femme qui a réussi à se faire un nom dans la politique, a sali sa réputation en utilisant sa notoriété pour gagner illicitement de l’argent. [Un autre cas d’argument fallacieux basé sur la généralisation hâtive : la faute d’une seule femme ne peut pas devenir le trait caractéristique de toutes les femmes]
Ils ont voulu montrer plutôt que les femmes, dans les postes à responsabilité sont souvent soumises à la dépression. Ainsi ont-ils fait comprendre que les femmes portent déjà le lourd fardeau de la famille, ainsi que les exigences ménagères. Quand elles arrivent au travail, elles ne peuvent plus se concentrer et fournir le résultat escompté.
Des deux cotés, le travail de réfutation a été moyen. Mais cela n’a pas empêché au jury de voter en faveur de l’équipe affirmative qui selon leurs commentaires leur discours a été plus cohérent  et que l’équipe adverse n’a pas réfuté le troisième argument.

Entre joie et satisfaction !

Les jeunes, satisfaits de cette grande première ont pressé les responsables du club, Yvens Elizaire et Rose Angeline Chéry, de continuer l’expérience. Mikaela a été la meilleure débatteuse du tournoi. Elle rêve déjà de graver son nom parmi les meilleurs débatteurs du programme. « Je veux continuer et je sais que je vais réussir à tous les coups a-t-elle », a t-elle lâché avec ton sûr d’elle-même.

Quant à Rose Angeline, les résultats de ce tournoi sont l’accomplissement de sacrifices et de détermination des jeunes du club. Elle croit que les équipes doivent continuer à s’améliorer en réalisant des matchs d’exhibition et en participant à d’autres tournois de débat. «  Ce n’est qu’en débattant qu’on devient bon débatteur », a-t-elle déclaré.
« Soyez de jeunes débatteurs, mais soyez différents ». Tel est le vœu du coordonnateur du Programme Initiatives Jeunes à l’issue de ce grand tournoi. Des propos qui doivent entre autres servir de leitmotiv à ces jeunes qui ont pris part à ce weekend de débat.

Max Grégory SAINT FLEUR
Juge de débat
Animateur du club de Darbonne

2 avril 2015

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