La réunion des animateurs des clubs de débat
du programme Initiative Jeunes de FOKAL s’est tenue le samedi 12 décembre 2015,
au Centre Culturel Pyepoudre à Port-au-Prince. C’est une rencontre annuelle qui
rassemble les animateurs des clubs de débat implantés dans 6 départements du
pays. Ils étaient environs 25 sur 28 à y être présents cette année.
Les
objectif de la rencontre ont été de faire
ensemble le bilan des activités de l’année, de partager des témoignages
et des bons procédés, et proposer ensemble de nouvelles initiatives dans le
cadre du débat, et de discuter et développer de nouvelles stratégies pour le
programme.
Un rappel sur le bilan de l’année en
plusieurs étapes :
•
la phase de recrutement de
nouveaux membres prend trop de temps.
•
le processus de formation
au débat. La formation commence trop tard dans certains clubs car trop
d’animateurs pensent (encore) que la formation au débat n’est là que pour
préparer le tournoi des camps d’été du programme. « le
tournoi n’est pas une finalité en soi » ; c’est un moyen
d’évaluer, de voir si les jeunes ont bien assimilé les notions et les
techniques de débat. Selon des témoignages recueillis de jeunes dans des clubs
visités, certains montrent des difficultés pour comprendre certaines notions du
débat. L’idéal est de consacrer au moins deux mois à la formation.
•
certains animateurs ne font
pas les réunions hebdomadaires demandées, ne fournissent pas systématiquement les
comptes-rendus d’activités. De plus certains jeunes se plaignent de la routine
qui s’installe dans certains clubs. Il leur a été précisé qu’il est important
de communiquer ces documents afin d’évaluer l’activité du club et de partager
dans le réseau via le blog, des idées, des savoir-faire, des initiatives
intéressantes expérimentées par d’autres clubs, etc.
Deux
témoignages, deux partages d’expérience
Afin d’illustrer ce « partage de bons
procédés », deux animateurs de deux clubs différents ont témoigné sur la
façon dont ils ont géré leur club, comment ils ont surmonté certains problèmes,
comment ils ont motivé les jeunes.
-
Alfred Désir,
animateur du club de Christ-Roi. Il dispose d’un noyau dur de 45 jeunes sur un
effectif qui dépasse 80 membres. Alfred note qu’il y a un fort lien d’attache
entre les membres de son club. Afin de sensibiliser les jeunes et de permettre
aux parents de comprendre ce qu’ils font dans les clubs, son collègue et lui
organisent des réunions avec ces derniers, car il faut noter que la plupart des
parents sont réticents à laisser leurs enfants participer à une chose dont ils
ne comprennent pas l’utilité ni le fonctionnement, surtout en ce qui concerne
le camp d’été.
Alfred Désir utilise
un procédé pour éviter une certaine
routine et par conséquent le départ des jeunes. A part la formation continue au
débat, le club effectue entre autre d’autres activités telles que les tournois
interscolaires - qu’ils ont dû abandonner par la suite à cause des rivalités
entre les élèves de différents établissements scolaires. Les tournois entre
groupes au sein du club ont remplacé cette activité-; les conférences sur des
thèmes spécifiques, organisées par le club à l’attention des jeunes.
Alfred use d’un
autre procédé pour améliorer la performance de ses débatteurs : impliquer
des anciens débatteurs comme coaches pour les nouveaux membres du club.
Il a enfin créé un
groupe WhatsApp afin de rester connecté avec les jeunes. Il conseille à ses
pairs de rester à l’écoute des jeunes tout en gardant une certaine autorité.
En transition, le coordonnateur a rappelé
que le club de débat n’appartient pas à une école, il faut une diversité de
jeunes venant de différents établissements des environs du club. Si le club se
réunit dans une école et qu’une certaine exclusion ou discrimination est
remarquée, il faut le « délocaliser ».
- Réginal Raymond-Fils, co-animateur du club de débat de Jacmel dont l’effectif actuel est d’environ 45 jeunes. Ce club a connu avant son entrée en fonction en avril 2015 une sérieuse baisse de performance et d’effectif, parce que les précédents animateurs étaient accaparés par leur travail. Ils ont demandé eux-mêmes à être remplacés.
La première action des 2 nouveaux animateurs, Bettina Perono et lui, ont été de mettre en place un plan prévisionnel d’activités sur 3 mois pour préparer le camp d’été de fin d’année : 2 semaines de formation intensive au débat et 1 semaine consacrée à la projection de film sur le débat avec interaction avec les jeunes.
Pour le recrutement des jeunes, les animateurs ont d’abord voulu être à l’écoute des jeunes. Dans ils leur ont fait remplir un questionnaire, dont les réponses leur ont permis déterminé de nouveaux horaires de réunions (samedi et dimanche).
Afin de sensibiliser les jeunes mais aussi les parents et la communauté, ils ont organisé des matchs d’exhibition, des réunions avec les parents, et ont invité les médias de la ville. Des anciens débatteurs du club sont mis à contribution
Le point fort de ce club est l’organisation préétablie du mois : dans leur programme mensuel, les animateurs ont introduit une formation de débat en continu ; la préparation sur place de sujets de débat ; des tournois ; des conférences et des loisirs à la fin du mois.
Comme le club de Christ-Roi, le club de Jacmel possède un groupe WhatsApp pour communiquer et rester en contact.
En résumé, ces deux clubs ont choisi d’être
à l’écoute des jeunes et de diversifier les activités afin de les motiver. Il y
a aussi un vrai travail auprès des parents, des directeurs d’écoles, de la
communauté afin de faire connaître le programme débat. Enfin, les clubs ont
innové avec la mise en place d’une feuille de route et l’utilisation des
technologies et d’internet.
Nouvelles
dispositions
Les dispositions ont concerné 2 principaux points :
•
Le CUG, qui est un dispositif
qui permet aux animateurs de communiquer gratuitement entre eux, via le réseau
Digicel. Il est remarqué que ce réseau est sous-utilisé ce qui implique par
déduction que les animateurs ne communiquent pas entre eux. Le point à soulever
est de savoir s’il serait mieux de choisir d’autres applications gratuites ou
d’abandonner définitivement ce réseau CUG.
Un des animateurs
note qu’il est plus indispensable pour deux animateurs du même club de discuter
entre eux pour organiser les réunions. Etant donné que le réseau est limité aux
communications entre animateurs principaux, il n’est pas très utilisé pour
cette raison. Un autre souligne aussi le fait que certains animateurs ne se
connaissent même pas.
•
les allocations
attribuées aux clubs. Beaucoup de clubs gardent sur leur compte en banque ces
allocations sur de longues périodes, ce qui pose problème. L’administration de
FOKAL exige que les clubs fassent des activités en rapport avec l’idée
fondatrice du programme. Il faut donc que cet argent soit dépensé pour ces
activités. L’idée qui prédomine quand l’argent reste sur le compte, c’est que
le club ne fait aucune activité. En conséquence, la coordination du PIJ pense à
une nouvelle manière d’attribuer les allocations : elles seront accordées
quand le club proposera une activité.
S’il est vrai que
certains clubs économisent leurs allocations pour préparer une plus grande
activité prévue, il leur a été précisé que des allocations supplémentaires peuvent
leur être accordées si le club fait part de besoins spécifiques ou si leur
demande est raisonnable et justifiée.
Ateliers
de réflexion
Durant cette partie, 3 questions importantes
ont été abordées sous la forme d’ateliers de réflexion :
1.
Quel suivi à faire avec la
consultation nationale ?
2.
Quelles perspectives pour
le programme de débat ?
3.
Quelle programmation pour
les 20 ans du programme ?
Elisabeth Pierre-Louis Augustin, la directrice
des programmes de FOKAL, a tenu à animer ces ateliers. L’objectif a été, à
partir d’un brainstorming, dans 3 groupes de discussion constitués à cette fin,
de trouver des réponses, surtout des idées venant des acteurs du programme, correspondantes
à ces trois points.
De la consultation :
les différents groupes ont été d’accord sur le fait qu’il fallait valoriser le
livre « Paroles de Jeunes » et le rendre accessible au plus grand
nombre
• soit en le mettant
à disposition dans les bibliothèques, les écoles ;
• soit en organisant
des émissions radiodiffusées avec libre antenne sur les thèmes abordés dans le
livre ; etc.
D’autres idées ont
émergé comme la vulgarisation du libre dans une traduction en créole, ou encore
dans un élargissement de la consultation nationale aux jeunes qui ne sont pas
membres d’un club de débat.
Des perspectives du programme de débat.
Les animateurs ont soulevé que le programme de débat est bien mais qu’il est un
peu restreint. Pour certains, il manque une implantation plus forte, au sens de
plus visible, des clubs dans la communauté, avec par exemple des activités
civiques, ou encore une diversification des formations accordées aux jeunes.
D’autres soulignent le manque de suivi avec
les anciens débatteurs (on ne sait pas ce qu’ils sont devenus, quel a été leur
parcours après leur départ du club), ainsi que la demande pressante de création
d’un club de débat universitaire [Il en existe déjà dans certaines institutions
supérieures à P-au-P].
D’autres encore voudraient plus de formation
et de rencontres pour les animateurs, et surtout une implication des animateurs
dans la préparation du camp d’été.
Des 20 ans du programme de débat.
Une liste de propositions a été établie pour les 20 ans du programme de débat.
• Tout d’abord, le
lancement du livre blanc.
• Des activités de
sensibilisation dans les clubs ainsi que le suivi de ces activités (afin de
partager les difficultés rencontrées et les solutions trouvées).
• Le camp d’été deviendra un camp thématique que les
animateurs aideront à préparer. Une rencontre à cette fin est programmée au
mois de juin 2016.
A
la recherche d’un canevas de réunion hebdomadaire à l’intérieur d’un club
Dans la structuration actuelle des réunions
hebdomadaires des clubs de débat, chacun a développé sa propre méthodologie. Même
si les activités varient d’un club à l’autre, leur programmation se ressemble.
Cependant certains problèmes ont été soulevés, par exemple la difficulté
d’agencer la formation entre les nouveaux membres du club et ceux qui ont déjà
suivi la formation, mais aussi d’intéresser les anciens membres à des sujets
nouveaux.
Pour pallier à ce problème, les animateurs
ont décidé d’impliquer les anciens dans le processus de formation en tant que
coaches. Un canevas général sera fourni à tous les animateurs pour harmoniser
et formaliser la méthodologie des réunions dans les clubs avec les débatteurs.
Les autres problèmes soulevés se rapportent
surtout au manque de communication dans le réseau, à l’absence d’une base de
données recensant l’effectif des clubs
et les sujets de débat. Enfin les animateurs recommandent que le guide du
débat soit mis à jour.
Retour
sur les perspectives à venir et les recommandations des jeunes
Le coordonnateur est revenu sur ce besoin de
débat universitaire. En effet, on constate que ceux qui sont à l’université aimeraient
beaucoup faire partie d’un club de débat. C’est bien pour cette raison que des
étudiants de l’Université Quisqueya ont mis en place un club de débat
universitaire. FOKAL va voir dans quelles mesures la fondation pourra soutenir
ces initiatives. Dans cette perspective de débat universitaire pourrait aussi
émerger un partenariat plus approfondi avec Dominicana Debate, l’association de
débat de la République dominicaine, dans l’objectif de faire pour eux des
formations de débat.
Le rappel s’est achevé sur les
recommandations des jeunes qui ont envoyé une pétition à la directrice des
programmes de FOKAL et au coordonnateur, afin de demander plus de débats dans
leur club, plus d’activités et une promotion du programme auprès de leurs
parents et dans leur ville.
Témoignage
de Dangelo Néard
Afin de sensibiliser davantage les
animateurs sur comment le débat peut transformer les jeunes, Dangelo Néard, un
ancien débatteur du programme Living Together réalisé avec IDEA NL dans 6 lycées de
Port-au-Prince, de 2008-2009, a été invité. Son équipe
avait gagné la finale du tournoi de débat, dans le format Public Forum, entre ces différents lycées de
la capitale (Toussaint, Pétion, Firmin, du Cent cinquantenaire, Marie-Jeanne,
Jean-Jacques) en mars 2009, match qui a été filmé par FOKAL.
Dans l’échange avec les animateurs, Dangelo
a expliqué que le débat lui a beaucoup apporté : il a libéré sa parole. Il
a acquis une compétence certaine notamment dans l’art de parler au public, de
mobiliser le langage dans la communication publique. Il a développé un
véritable talent dans l’art d’argumenter et convaincre ses adversaires.
Dans sa vie professionnelle, Dangelo a
démontré comment intérioriser les techniques de débat l’a beaucoup aidé dans sa
vie d’enseignant e surtout d’animateur pour aborder les écrivains dans son
émission du dimanche sur le livre et la lecture, sur télé Caraïbes.
Une expérience l’a beaucoup marqué dans ce
programme : son ami Léxima et lui perdaient leurs moyens quand ils se
rendaient compte qu’ils allaient perdre un débat. Il ne s’est jamais laissé
abattre même quand son ami lui disait à l’oreille qu’ils vont perdre. Il a
appris à garder confiance en son discours.
La question de l’éloquence est aussi
importante pour lui dans le débat. Au lycée Toussaint, il a suivi des cours
d’éloquence et d’improvisation. Le coté théâtral et la mémoire sont aussi
importants : « il faut toujours
se souvenir » pour pouvoir gagner un débat et contrecarrer les
arguments d’un adversaire.
Conclusion
A la fin de la rencontre, un lot
d’exemplaires du livre « Parole de Jeunes », a été remis aux
représentants des clubs de province, afin qu’ils le distribuent à tous les
jeunes ayant participé à la consultation au sein de leur communauté. Un
document de présentation de notre partenaire IDEA leur a été
également distribué.
En préparation pour les animateurs :
• une feuille de
route qui servira de guide aux animateurs dans leurs taches,
• un calendrier
d’activités pour l’année 2015 auquel ils pourront greffer leur propre agenda,
• un canevas de
réunion,
• un plan de
formation au débat.
Cette journée s’est achevé par le duel de
débat entre Martissant, champion national au camp d’été, et Camp-Perrin,
champion régional du tournoi du grand Sud. Plus de 60 jeunes venant des clubs de Christ-Roi, de Darbonne,
de BMC et de Martissant y ont assisté. A l’issue du match arbitré par un jury
de 5 animateurs, le club de Martissant a gagné le titre de « Champion des
champions 2015 » des tournois de débat organisés par FOKAL pendant l’année
2015.
Compte-rendu
effectué par :
Jessica
Saint-Louis
Étudiante
en 3e année à Sciences -Po
Rennes
(France)
Stagiaire à FOKAL
|
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur
du PIJ
Décembre
2015
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