Fond
Parisien, un club jeune
Le samedi 28 novembre 2015, le coordonnateur du Programme Initiative
Jeunes (PIJ) de FOKAL, Jean-Gérard Anis et deux de ses collègues, ont rendu
visite au club de débat de Fond Parisien, à 1h de route à l’est de
Port-au-Prince, dans la commune de Ganthier. La rencontre a eu lieu dans les
locaux de la bibliothèque Jean Valbrun Brésil, du réseau des bibliothèques de
proximité que soutient FOKAL, en présence de plus d’une quinzaine de jeunes, en
majorité des filles, qui sont pour la plupart des nouveaux membres du club, et
les deux animateurs.
La rencontre a commencé avec l’intervention d’un des animateurs du
club qui a fait un bref résumé de ce qu’est le club de débat de Fond Parisien.
Créé en 2009, c’est l’un des clubs du PIJ. En 2013, le club a changé d’animateurs :
Geordanis Joseph et Dieufaite Joseph encadrent désormais les jeunes. Selon
Geordanis, le club rassemble les jeunes de la communauté qui partagent une passion
pour les activités intellectuelles, le but étant de leur apprendre les
techniques d’argumentation et en même temps les valeurs de la démocratie. Ils
participent à différentes activités comme les rencontres hebdomadaires, les
tournois nationaux ou régionaux, les séminaires de formations organisées par
FOKAL.
Les emblèmes
féminins de la lutte pour le droit des femmes
Par la suite, a été introduite la présentation de Nelto Févry,
ancien membre du club de débat, étudiant finissant à la faculté d’ethnologie de
Port-au-Prince et étudiant à la faculté de droit des Gonaïves. Nelto Févry a
fait un exposé pour les membres du club sur la lutte pour les droits des
femmes et la violence sur les femmes. Sa présentation s’est faite en 2 parties:
d’abord un historique de la lutte des femmes sur le plan international et
national pour la revendication de leurs droits, in fine un retour sur les violences subies par les femmes.
C’est à travers différentes figures féminines que Nelto Févry nous
conte que la lutte des femmes pour leurs droits n’est pas l’apanage d’un seul
pays : il y a eu des féministes en France dès 1791, particulièrement Olympe de Gouges qui a écrit La Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne en réaction à la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen, un ouvrage qui posait déjà le problème de
l’exclusion des femmes dans la politique et la société, de la condition
féminine et de l’égalité des sexes. Elle fut guillotinée.
L’Allemagne a eu Marie Wollstonecraft et son ouvrage Défense des droits de la femme, publié
en 1792, qui insiste sur une éducation égale entre les sexes. La lutte a eu comme
porte-drapeau Clara Zetkin au Danemark et Simone de Beauvoir en France avec son
livre Le deuxième sexe dans lequel
elle a eu cette phrase devenue célèbre : « On ne naît pas femme, on le devient ».
Nelto Févry donna des exemples de l’aboutissement de ces luttes
des femmes pour leurs droits comme la consécration de la journée du 8 mars
comme Journée Internationale du droit des femmes en 1921 par Lénine,
l’obtention du droit de vote par les Françaises en 1945. Vint ensuite la question de la lutte des
femmes en Haïti : Févry a choisi de mettre en avant Madeleine Sylvain
Bouchereau et la Ligue Féminine d’action sociale qui a consacré leurs actions
pour une amélioration de la vie physique, économique et sociale des femmes en
Haïti, mais aussi qui a lutté contre l’occupation américaine de 1915. Le droit
de vote fut accordé aux femmes en 1950.
« Un consensus naturel entre les hommes et les femmes »
Afin d’introduire la question de la violence sur les femmes, Nelto
Févry parla de l’origine de la consécration de la journée du 25 novembre comme
journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des
femmes : une journée dédiée à l’assassinat des sœurs Mirabal en 1960 en
République Dominicaine. Puis il a insisté sur le fait que sa présentation se
portera non pas sur la violence physique, mais de préférence sur la violence
symbolique.
Reprenant la définition du sociologue Pierre Bourdieu, N. Févry
expliqua que « la violence
symbolique est une violence invisible, spirituelle, douce, subie
inconsciemment par les femmes». Afin d’étayer son raisonnement, il a
pris comme exemple la société haïtienne. Selon lui, cette violence symbolique provient
« d’un consensus naturel entre
l’homme et le femme » qui « place
l’homme supérieur de la femme ».
Il a donné des exemples concrets comme le fait que dans un couple la
femme préfère que l’homme soit plus âgé qu’elle ; ou encore le fait que
les hommes ne fassent pas les tâches ménagères ; la division sexuelle du
travail ; le fait que l’homme soit placé naturellement dans un rôle de
protecteur de la femme ; etc. Par analogie à la réflexion du sociologue haïtien
Alain Gilles qui affirme que « la
violence est un instrument pour les politiciens », Nelto Févry a avancé
l’affirmation que la violence est aussi un instrument des hommes envers les
femmes.
Pour conclure cette présentation, il a abordé la situation
paradoxale qui montre que, malgré les droits et les lois juridiques qui
protègent les femmes de la violence, cette violence symbolique continue. Selon
lui, l’explication vient du fait que les femmes participent à la violence qui
leur est faite, ce qui a comme conséquence un blocage au respect de leurs
droits. Un véritable sujet à débat.
Les filles
du club ont raté le coche
Face à cette présentation enrichissante, qui aurait dû amener la
controverse parmi les membres présents, il y a eu malheureusement très peu de
réactions et quasiment pas de débat sur le sujet. Les filles en majorité dans
la séance ont raté l’occasion de s’exprimer sur ce brulant sujet. Nous n’avons
eu droit qu’à la réaction de l’animateur Dieufaite Joseph ainsi que de trois
autres membres du club, dont une jeune fille prénommée Farah qui a conseillé à
ses camarades de ne pas se laisser violenter par les hommes à l’avenir.
Nous avons conclu cette rencontre avec plusieurs points :
tout d’abord une brève présentation de feu monsieur Jean Valbrun Brésil (10
octobre 1951- 26 août 2010), un éducateur dont la bibliothèque où le club se
réunit porte le nom, et considéré comme le bienfaiteur de la communauté de Fond
Parisien ; un mot du coordonnateur du programme sur la possibilité
d’organiser l’année prochaine un tournoi régional de débat à Fond
Parisien ; la distribution d’un questionnaire afin de recueillir les avis
des jeunes sur le fonctionnement du club ; finalement le témoignage de
jeunes les plus actifs du club sur leur expérience du débat, des camps de
débat, des savoirs qu’ils ont acquis et de leur attachement à FOKAL.
Malgré les difficultés auxquelles le club de débat de Fond
Parisien fait face - membres actifs en baisse, méfiance des parents à laisser
leurs jeunes filles participer aux rencontres, parfois le découragement de
certains jeunes, difficulté de l’accès à internet - les animateurs
semblent vouloir remonter cette pente et permettre aux jeunes de Fond Parisien
de découvrir tous les atouts et bénéfices que le débat pourrait leur apporter.
Nous avons hâte de découvrir les efforts qu’ils feront pour
remédier à ces problèmes, ainsi de voir les résultats qu’on espère.
Jessica Saint-Louis
Etudiante en 3e année à Sciences-Po
Université
de Rennes -France
Stagiaire à
FOKAL
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