Le 4 octobre 2017, au lancement
de la Fondation Georges Séraphin Père, à l`auditorium du Lycée Nord Alexis de
Jérémie, l`animateur Waldinde Germain a profité de cette noble occasion pour présenter
le club de débat de Jérémie aux 54 directeurs d`école présents à l’événement. La
présentation a été faite sur ces 3 points : l`objectif du club, ses
activités et pourquoi débattre?
« L`objectif du club de débat, c`est d`inculquer aux jeunes des valeurs
leur permettant de s`intégrer dans le développement de leur communauté. A
travers le débat, ils développent leur esprit critique, leur capacité à
s`exprimer et à réaliser des recherches de façon indépendante », a avancé
l`animateur.
« L`activité primordiale du club n`est autre
que le débat. Toutefois, le club entreprend des activités ludo-éducatives qui
vont dans le sens de la finalité du débat », poursuit-il.
« On débat pour acquérir de nouvelles
connaissances, pour apprendre à convaincre et à communiquer en public, à
pratiquer une nouvelle expérience de vivre ensemble », a-t-il conclu
avant de faire place à six des jeunes du club pour un match d`exhibition.
Introduction
des jeunes
L`équipe affirmative est composée
de Kerby Joseph, Guy Marie Antoine et de
Immaculeuse Edouard; et la négative de Rose Staphanie Jean, Xavéry et Johnnica Décome,
la débatteuse espoir du tournoi
national mixte de 2017, à Jacmel. Le sujet est le suivant : « La société civile devrait créer et fournir
obligatoirement des projets d`éducation à l`État».
Résumé
du match
Kerby Joseph, la 1ère
affirmative a présenté son cas ainsi :
Nelson Mandela, le défenseur de
la liberté et de l`éducation eut à dire : «L`éducation c`est l`arme la plus puissante pour changer le monde ».
Beaucoup de personnes l`acceptent et aujourd`hui c`est quasiment tous les pays
du monde qui font de l`éducation leur priorité. La question qui se pose
maintenant c`est de savoir si les citoyens doivent créer et fournir des projets
d`éducation à l`État:
1er argument : l`implication de la société civile peut favoriser l`efficacité de l`État
en matière d`éducation. Selon le
https://pyramides.revue.org/439, à partir des années
1970, l`étude des relations entre les instances organisées de la société civile
et l`État a connu un développement important i.e c`est son devoir d`amener son pays à l`avance en organisant des
projets d`éducation. Le Professeur Jacky Lumarque a affirmé : « Le prix de la scolarité des écoles privées
et l`achat des matériels didactiques devraient être l`apanage de l`État et non
pas des parents pour la plupart qui frôlent l`extrême pauvreté. L`une des
fonctions de l`État c`est garantir
l`instruction publique à tous sans discrimination en mettant accent sur
la qualité de l`éducation ». Ce qui n`est pas fait dans sa plénitude.
Là, on comprend que les citoyens
de la société doivent forcer l`État à jouer son rôle en matière d`éducation. Ce
qui peut le forcer à faire son travail et à être efficace. En somme, l`État
jouera son rôle et pourra être efficace si la société civile joue
un rôle actif pour surveiller ses
actions et lui fournir des projets y relatifs.
2e argument : c`est
un devoir moral pour chaque citoyen d`aider son pays. Les sociétés civiles composées de citoyens jouent une place
de choix dans le pays car chaque citoyen doit aider son pays dont il est le
fondement et la base de la structure et de l`élargissement. Il ne peut donc
compter sur l`État simplement. D`après le docteur Charles Tardieu : « L`une
des figures emblématiques de l`éducation en Haïti, c`est le manque d`engagement
citoyen dans l`éducation en Haïti qui a occasionné une fuite de
600 000 000 de dollars chaque année vers la République Dominicaine.
Somme toute, nous déduisons que la participation des citoyens par le biais des
sociétés civiles serait plus propice au développement de l`éducation et
conséquemment à celui du pays.
1ère négative
Après avoir défini les termes et expressions-clés,
La 1ère négative, a réfuté le premier argument affirmatif : « L`implication
de la société civile favorise l`efficacité de l`État en matière d`éducation ».
Le fait que la société civile s`implique ne veut pas dire qu`elle va créer et
fournir des projets d`éducation à l`État. Donc, cet argument manque de
précision et ne va pas non plus dans le sens de la position de l`équipe
adverse. Ils ont avancé comme 2e argument que « c`est un devoir moral pour chaque citoyen
d`aider son pays ». Je suis parfaitement d`accord. Mais, est-ce que aider
son pays voudrait dire créer et fournir des projets d`éducation à l`État? Ou
est-ce que l`inverse est aussi vrai?
La 1ère Négative a
présenté son cas : « La société civile traduit une idée d`émancipation,
d`autonomie qui signifie que la société civile s`organise en dehors de
l`autorité publique. La société civil devrait créer et fournir obligatoirement
des projets d`éducation à l`État. Nos coéquipiers et moi sommes contre parce
que c`est à l`État de donner un
cadre légal à l`éducation, autrement dit les règles générales qui
s`appliquent à l`éducation. C`est à l’État de donner la direction que doit
prendre l`éducation dans le pays, mais pas à la société civile.
La société civile agit en aval
mais pas en amont. Elle ne peut pas indiquer l`État. A l`État de prendre les
dispositions pour l`éducation. Si le rôle de la société civile était de créer
et fournir obligatoirement des projets à l`État, on n`aurait pas besoin d`élire
des gens pour nous représenter, on pourrait se contenter de la société civile.
L`objectif de la société civile est le maintien d`un certain contrôle dans la
gestion des patrimoines sociaux. Elle apparait comme un instrument de la
critique de l`État.
Maintenant, créer et fournir
obligatoirement des projets d`éducation à l`Etat c`est contredire leur objectif
et le remplacer. Le faire, c`est constater un Etat faible qui soit incapable de
prendre des décisions et qui se laisse diriger par la société civile. Pierre
Rosanvallon, un professeur d`université en France a dit, dans un article publié
sur le fonda, que l`éclosion des mouvements sociaux qui ont occupé le devant de
la scène après 1968, mouvements qui se proposent de changer la société sans
passer par l`État, a favorisé la recherche de nouveaux modes d`organisations
sociales à égale distance de l`État (l`État devient faible et possède des
limites dans l`organisation sociale du pays). Rosancallon a poursuivi : « C`est pas bien de limiter l`État, c`est à l`État
de donner un cadre légal à quelque soit ce que sous-titré l`intérêt public ».
Enfin, nous maintenons notre
position à l`égard du sujet. La société civile n`a pas ce rôle et c`est l`État
qui détient toutes les directives dans quelque soit le domaine. Le rôle de la
société civile est de le critiquer pour qu`il prenne les bonnes décisions et
elle peut participer à la réalisation d`un projet créé par l`État mais elle ne peut
pas le créer personnellement.
Reconstruction du 2e
affirmatif
Avant de reconstruire son cas,
Antoine Guymarie, le 2e
Affirmatif a réfuté : «L`équipe négative
a avancé comme 1er argument : C`est à l`État de créer un
cadre légal. Cadre légal a directement rapport avec l`État : là où il y a
l`État, il y a toujours un cadre légal. Mais, est-ce que cela veut dire que là
où il y a l`État, il y a toujours un bon système éducatif. Nous disons non! Haïti
en est la preuve concrète. Il y a un cadre légal pour l`éducation en Haiti,
mais elle marche à reculons. On va avoir de bons résultats en éducation s`il y
a une instance qui aide l`État, qui l`encourage, le pousse à avancer, qui lui
fournit des projets d`éducation. D`où l`importance de la société civile. Créer
un cadre légal, c`est comme construire une maison, mais c`est à la société
civile de la meubler pour la rendre habitable. La société civile va rendre
effectif ce cadre légal en fournissant à l`État des projets d`Éducation.
Reconstruction d’A2
Premier argument : L`implication
de la société civile favorise l`efficacité de l`État en matière d`éducation. On
vient de dire que la société civile est une instance qui n`appartient pas à l`État,
qui est lui est opposée. Comme on aime à le dire, toute opposition qui vise une
fin positive permet de grandir. La société civile en créant et en donnant des projets
d`éducation, en critiquant et demandant à l`État d`améliorer telle ou telle
chose dans l`éducation, va le garder en éveil et cela va lui permettre d`être
plus efficace. Aux dires de Kesner Pharel, détenteur d`une maitrise en
Administration publique à l`université Howard: « L`État ne pourra pas être efficace si la société civile ne joue pas un
rôle actif pour surveiller les actions de ce dernier. Comment donc l`Etat
va-t-il être efficace s`il n`y a pas un organisme qui lui sert de booster pour
l`aider à faire des efforts? »
C`est une chose concrète : la
société civile doit remplir cette mission surtout qu`il s`agit d`éducation qui
est, selon Nelson Mandela, l`arme la plus puissante pour changer le monde.
L`Oide, une ONG travaillant de concert avec l`UNESCO, qui œuvre pour une pleine
reconnaissance des droits et libertés éducatives, l`éducation est une cause
commune qui implique que la formulation et la mise en œuvre des politiques
publiques soient un processus inclusif, i.e
qu`il est nécessaire que les organisations des sociétés civiles participent
à l`éducation. Donc, nous comprenons que la société civile doit s`impliquer
activement dans le domaine éducatif puisqu`il en est un véritable catalyseur.
Deuxième argument : c`est un
devoir moral pour chaque citoyen d`aider son pays. Peu importe son rang social,
on a tous un rôle à jouer. Et, en civisme, il nous est appris pour chaque
citoyen d`aider son pays. Victor Hugo a eu à dire : « L`éducation c`est la famille qui la donne, l`instruction c`est l`État
qui la doit ». Chacun des membres de ces organisations à savoir la famille,
les associations d`élèves et de professeurs a son rôle à jouer et ça doit être
un devoir moral pour elles. D`après une publication de la 31e
session des Droits de l`Homme organisée par l`Oide, publiée le 17 mars 2016,
dans tous les pays du monde, il faut promouvoir la participation de la société
civile; le secteur privé, les communautés, les familles, les jeunes et les
enfants ont tous un rôle important à jouer dans l`exercice du droit à
l`éducation de qualité. En définitive, nous disons que la conscience et le
devoir civique doivent obliger la société civile à créer et fournir à l`État
des projets d`éducation.
L`intervention du N2 (Staphanie)
La société civile est
indépendante de la société politique, c`est-à-dire entre la société civile et
l`État une coupure se dessine dans laquelle se repose une séparation entre
sphère privée et sphère publique. La société civile désigne alors des rapports
sociaux hors-État. La première question qui se pose à propos de la société
civile est de savoir si elle est une réalité objective et constatable ou si
elle implique un mouvement actif au sein de la société. Hegel place l`État au
sommet de la Société civile et il dit aussi que la société civile est rendue
possible par l`État. Ce qui prouve que la société civile n`a pas le rôle de
créer et de fournir des projets d`éducation à l`État. Si cela arrive, elle
réduit à l`extrême le rôle de l`État dans la société.
Le professeur Jackie Lumarque,
recteur de l`université Quisqueya, pour sa part estime que c`est la fonction de
l`État de garantir l`instruction publique à tous tout en mettant aussi l`accent
sur la qualité de l`éducation qu`il juge indispensable. D`après un article
publié par Rony Celicourt dans le quotidien haïtien, Le Nouvelliste, c`est à l`État
de donner les directives pour l`éducation. Pour cette raison notre argument
s`énonce ainsi : « C`est à l`État de donner un cadre légal à l`éducation».
La société civile n`a pas le rôle
de créer. Elle apparait comme un instrument critique de l`État. C`est un
contre-pouvoir qui contrôle les excès de l`État; elle surveille et contrôle les
dérives de l`État, les risques écologiques et autres. Mise en avant par les
grandes organisations internationales, comme l`ONU, la société civile désigne
l`ensemble des associations à caractère non-gouvernemental. Il s`agit de la
société en dehors de tout cadre institutionnel. La société civile est une
abstraction que nous pouvons connaitre qu`à travers des médiations.
Une pétition, une grève, une
manifestation peuvent être présentées comme des signes de l`existence de la
société civile. Elle n`a pas de siège ou de constitution de début ou de fin
d`activité.
3e Affirmative
Nos compétiteurs ont avancé,
selon nous, un argument trop large qui manque de précision; ils se basent
uniquement sur l`intérêt de la société civile sans pour autant comprendre
qu`elle se compose de toutes les couches sociales et qu`elle défend l`intérêt
collectif. Ils n`admettent pas les devoirs des citoyens de servir leur
communauté. Ils ont aussi mal défini l`expression créer des projets :
recevoir des conseils. Nous avons montré que c`est pas tellement ça et avons
montré qu`en le faisant, nous avons prouvé que cela va permettre à l`État
d`être plus efficace.
Mon équipe a bien expliqué ses
arguments : l`implication de la société civile favorise l`efficacité de l`État
et c`est un devoir moral pour chaque citoyen d`aider son pays. Quand c`est la
société civile qui fournit des projets d`éducation à l`État, il va toujours mieux
faire. De manière démocratique, cela requiert la participation de tous les
citoyens. Les dires de Kesner Pharel, du Docteur Charles Tardieu et de Nelson
Mandela soutiennent bien nos idées.
Bref, plus la société civile
fournit des projets d`éducation à l`État, plus on a la chance que l`éducation soit
meilleure. Plus c`est meilleur, plus les citoyens seront formés, et plus on
sera compétitifs.
Le 3e négatif a
conclu :
«L`équipe affirmative a essayé de
supporter ses arguments, mais n`a pas pu les expliquer correctement et mon
équipe les a rejetés par son seul argument. Nous avons réfuté ses définitions.
Le rôle de la Société civile est de critiquer l`État mais pas de créer et de
fournir des projets. En s`impliquant, elle ne crée ni ne fournit des projets
pour autant. Aider son pays ne sous-entend pas prendre des décisions par dessus
l`État, mais participer à la création et la réalisation des projets, ceux de
l`éducation surtout. Nous disons que c`est l`Etat qui donne un cadre légal à
l`éducation. Ce n`est donc qu`à lui de créer des projets d`éducation. Donc, la
société civile ne peut que forcer l`État à réaliser ou à mieux réaliser ses
projets».
Réactions
des directeurs et des membres de la Fondation Georges Séraphin Père :
Me Fito Léandre, président du
conseil exécutif de la Fondation a dit : « Franchement, les jeunes m`ont épaté. Je ne m`attendais pas à un tel
débat. Je me sentais dans un tribunal où les avocats avancent des arguments
pour convaincre le juge, lui montrer que leur client n`a pas tort. Par ce match
que viennent de nous présenter les jeunes, je me dis qu`il y a encore de
l`espoir. Merci Waldinde de nous avoir permis de gouter ce dessert intellectuel
et cette guerre d`idées. Je t`encourage à continuer le travail que tu fais avec
ces jeunes et, s`il le faut bien, à l`étendre dans toute la Grand`Anse».
Me Georges Séraphin Fils, fondateur
de la Fondation a abondé presque dans le même sens en disant : « Je me suis toujours dit qu`en Haïti, les
jeunes sont livrés à eux, les parents ne s`occupent presque plus de leurs
études… Mais, ce que je viens de vivre me prouve le contraire. Il y a encore
des instances qui encadrent les jeunes. Ce club qui est un projet de la FOKAL,
d`après ce que m`a dit Waldinde, en est la preuve vivante. Comme l`a dit mon
collaborateur Fito, un tel club devrait être présent dans toutes les communes
du département et pourquoi sur toute la presqu`ile d`Haïti. Waldinde, je
t`aurais suggéré d`inscrire élèves par
école dans le club, faire une formation pour eux et faire une compétition
interscolaire. La Fondation serait prête à subventionner ».
Comment peut-on préparer et jouer
un match de débat?, a agité Émile Belfort, le directeur du lycée Nord Alexis.
R : Pour préparer et un
match, il faut :
1- Un sujet controversé, connu
des jours à l`avance
2- deux équipes composées de
trois joueurs chacune
3- Préparer ensemble la position
pour et contre
Et pour jouer le match, il
faut :
4- deux équipes de 3 : une
affirmative (pour) et une positive (contre)
5- un tirage au sort pour
déterminer la position de chaque équipe…
6- un Jury d`un chiffre impair pour éviter le match nul
7- suivre la structure du format
de débat utilisé (Karl Popper)
Que peut-on faire pour s`inscrire
au club?
R : On n`a qu`à venir aux
réunions. Plus tard, vous remplirez un formulaire d`inscription actant votre
intégration au club
Combien de membres que comprend
le club?
R : Ils sont une cinquantaine
environ.
Un club si intéressant, pourquoi
n`y a-t-il pas plus de membres?
R : Selon moi, c`est parce
que les jeunes de Jérémie ne s`intéressent pas trop aux activités
intellectuelles qui puissent leur permettre de s`épanouir. Mais, nous essayons
toujours de les motiver et nous vous demandons, directeurs ici présents, de
nous aider à faire ce travail.
J`aimerais avoir un club pareil
dans mon école, est-ce possible? m`a
demandé la directrice de l`Institution Charlemagne Péralte, Madame Juin Alfred
Altagrace.
Absolument oui! Regroupez au
maximum une trentaine de jeunes. Après, on planifiera une séance de formation
pour eux.
Après avoir répondu aux
différentes questions qu`ont agitées certains directeurs, Waldinde a donné le
lieu et l`heure du rendez-vous de la rencontre du club, puis a remercié
l`assistance.
Waldinde GERMAIN
Animateur principal du club de
débat de Jérémie
Octobre
2017
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