Entre
match de débat et conférence sur les relations haïtiano-dominicaines
Les sociétés développées
ont toujours accordé une place de choix à l'éducation, car elle élève une
nation. Le débat est une activité éducative, qui permet à bon nombre de jeunes de
développer leur esprit critique, de cultiver la tolérance et confronter leurs
idées et opinions.
Avec le débat, la construction d'une autre société haïtienne est possible, c'est
en se sens que le club de débat de Christ-Roi / PyePoudre se donne pour tache, d'étendre
cette activité à beaucoup plus de jeunes.
De ce fait, en prélude
à la 5ème édition du tournoi de débat inter-scolaire prévu en 2018,
le club a organisé un match d'exhibition et une conférence sur le massacre des
Haïtiens en 1937 en Rep. Dom., pour les nouveaux inscrits. Le nombre de
personnes présentes à cette activité avoisinait la centaine, dont 61 filles et
30 garçons ajoutés à eux les parents et
autres invités. Grâce a l'appui des anciens débateurs du club de débat de
Christ-Roi, de BMC, de Camp Perrin, des juges dans le programmes tels que Michelet Joseph, Nerline Toussaint, Fritz
Jean, et Mlle Stanley Jean de L’Office de la Protection du Citoyen, cette
initiative a été rendue possible.
Recrutement
de nouveaux débatteurs
En effet, le club
avait procédé en tout début du mois, le samedi 07 Octobre 2018, au recrutement
des nouveaux inscrits qui étaient au nombre de 512 élèves pour 12 écoles de la
zone métropolitaine. Suivant nos critères de recrutement, les élèves du nouveau
secondaire I et II sont prioritaires pour participer au prochain tournoi de
débat interscolaire. Les meilleurs élevés ont été retenus pour représenter leur
établissement dans le tournoi, après une série de tests, écrit et oral. Le
nombre d'élèves retenus est de 68 jeunes, 54
filles et 14 garçons.
Ce déséquilibre au
niveau des jeunes retenus pour le tournoi est dû à plusieurs facteurs tels que,
premièrement, l'intérêt des jeunes pour ce genre d'activité, deuxièmement,
l'implication des responsables d'écoles dans la réalisation de cette activité,
troisièmement, 9 sur les 12 écoles
retenues qui ont rempli les critères de sélection sont majoritairement des
écoles non mixtes. Voici la liste des écoles retenues: Cœur
Immaculé de Marie, Collège BIRD, Lycée Technique Elie Dubois, Collège
Saint-Louis de Bourdon, Lycée
Antênor Firmin, Collège Le Normalien, Lycée Marie Jeanne, Collège Marie Anne,
Ecole Congréganiste Christ-Roi
et l'Institution
du Sacré-Cœur.
Une rencontre avec les
parents de ces jeunes a été organisée ensuite au centre culturel PyePoudre, le
samedi 21 Octobre 2017 dans l'objectif de leur présenter le débat, les
activités qui précéderont le tournoi interscolaire, et du coup permettre aux
parents de ces jeunes de s'impliquer beaucoup plus dans les activités du club.
Certains ont manifesté le désir d’être juges de débat.
Vu notre objectif qui
est d'étendre le projet de débat à plus de jeunes élèves possible dans la zone
métropolitaine, nous avons, de concert avec les établissements scolaires les
plus intéressées, implanté une cellule du club de débat dans leur espace. Ce
qui sera très bénéfique dans un premier temps, pour les élèves en secondaire
III et IV qui n'ont pas été retenus pour le tournoi. De là, ils pourront
apprendre sans aucun problème les techniques du débat dans le format Karl
Popper et autres formats prévus au cours de cette période de formation.
Et dans un deuxième temps, cela facilitera le processus de recrutement des élèves pour les tournois de débat interscolaire à venir. Trois écoles sont déjà en train de mettre en place les ressources nécessaires pour l'implantation de ces cellules de débat (nous nous gardons de citer leur nom jusqu'à la finalisation du processus).
Et dans un deuxième temps, cela facilitera le processus de recrutement des élèves pour les tournois de débat interscolaire à venir. Trois écoles sont déjà en train de mettre en place les ressources nécessaires pour l'implantation de ces cellules de débat (nous nous gardons de citer leur nom jusqu'à la finalisation du processus).
Le
match d’exhibition : une plongée dans le
débat
Le sujet choisi pour
le match d'exhibition a été le suivant: "Pour sauver l'environnement l'action individuelle est préférable à
l'action gouvernementale”. Six
jeunes anciens du club de Christ-Roi, 5 filles et 1 garçon, se sont opposés dans
ce match. L’équipe affirmative (qui
soutient l’énoncé) était composée de Damondy Prophète, Darline Cadet, Alissa
Jean, face à l’équipe négative formée de
Peterline Veillard, Kaicha Jeanty, Cendia Marcelin.
L’équipe affirmative a
donné un seul argument: " l’action individuelle présente beaucoup plus d'avantages non négligeables". Selon elles les petites actions
ont beaucoup plus d’impact sur la sauvegarde de l'environnement, par exemple
dans la gestion de l'eau du robinet, des déchets, l'entretien du milieu
résidentiel, le contrôle du chauffage... Le plus souvent, poursuivent-elles,
les Etats n'ont toujours pas un contrôle sur la totalité de leur territoire, ce
qui montre que les petites actions individuelles sont préférables à l'action
globale. Les individus doivent s'impliquer davantage pour sauver
l'environnement, d'où la création d'une meilleure société.
De son coté l'équipe
négative leur a opposé un seul argument aussi. Ils pensent que "l'action individuelle se révélera
insuffisante", parce que d'abord « la volonté de chacun seule ne suffit pas, d'autant plus que tous les
individus ne veulent pas sauver l'environnement et que les individus limitent
leur utilisation de l'eau par exemple pour des raisons économiques » ;
ensuite « l'action gouvernementale
sera plus rapide », grâce à ses importants moyens. De plus, « l'action gouvernementale prônera un
développement durable », car selon www.viepublique.fr, des emplois se
créent en protégeant l'environnement.
Cela a été un match
très riche en intensité et en rebondissements, au niveau des
contre-interrogatoires, des plaidoyers de chaque équipe. Le travail de chaque débatteur
était présenté avec soin. Tout cela pour le bien du débat, au plaisir du public
et des nouveaux recrutés.
La
conférence : un acte de mémoire
Suite au match, a fait
place tout de suite à la conférence avec la Présidente de FOKAL, Michèle
Duvivier PIERRE-LOUIS autour du thème "les relations Haïtiano-Dominicaines
et le massacre de 1937". 80 ans après que des milliers de nos
compatriotes Haïtiens des 2 sexes ont été lâchement assassinées, largement à
l'arme blanche, le long de la frontière haïtiano-dominicaine sous les ordres du président Rafael Leonidas Trujillo y Molina. C'est une nécessité
pour nous jeunes d'Haïti de connaitre cet épisode tragique de l’histoire de
notre peuple pour tenter de mieux en saisir la signification, l’impact et la
portée. C'est dans ce but de mémoire que le club a organisé cette conférence.
L'exposé de Michèle Pierre-Louis
comprenait trois grandes parties : dans la première partie, elle a fait l'historicité
des relations haïtiano-dominicaines. Elle est remontée jusqu'à la période
coloniale, ou l'île était divisée en deux par le Traité de Ryswick par lequel les
colonisateurs espagnols avaient décidé d'occuper seulement la partie Est de
l’ile, et de céder la partie Ouest à la France. La question de la frontière ne
s’était pas posée à ce moment-là. C’est seulement en 1929 que les deux
présidents de l'époque Louis Borno (Haïti) et Horacio Vásquez (Rép. Dominicaine)
vont s'entendre sur la question de la frontière. Mais elle va être une cause de
conflit entre les 2 pays héritiers de l’ile pendant plus d'un siècle.
Dans la deuxième
partie de son exposé, Michèle Pierre-Louis a abordé le massacre de 1937. Tout a commencé avec le départ massif
des Haïtiens/Haïtiennes, pendant une certaine période, vers la République
Dominicaine à la faveur de l'implantation son industries sucrière. Celle-ci
nécessite une grande force de travail. Comme il est relaté dans "Gouverneurs de la rosée", les
Haïtiens partaient soit en Rép. Dom., soit à Cuba. Les registres officiels
Dominicains vont faire apparaitre les premiers coupeurs de canne en 1919,
pendant la période de l'occupation américaine. Quelques années après, les
Dominicains vont se plaindre des Haïtiens dans les champs de canne, les accusant
de voleurs de bétail. Suite à l'accession au pouvoir de Trujillo en 1930, le 2
octobre 1937, il se rend à Dajabón pour tenter de dominicaniser la frontière.
En
1937, à l'instigation du président Trujillo,
l'armée dominicaine se livre à un véritable nettoyage
ethnique à l'encontre des Haïtiens établis du côté dominicain de la frontière. Entre
13 000 et 17 000 ont été tués dans la nuit du 2 au 3 octobre 1937. La presse
américaine sera pour beaucoup dans l'éclatement de cette affaire qui du coup
poussera le gouvernement Haïtien à porter plainte a l'Union Panaméricaine
(organisation ancestrale à l'OEA) afin que la Rép. Dominicaine puisse répondre
de ces actes. Une somme de 750 000 dollars américains a été promise par l’Etat
dominicain à Haiti, mais seule une partie de cette somme a été réellement fournie.
Depuis il existe une certaine animosité entre la République Dominicaine et
Haïti.
Enfin,
dans la dernière partie de son exposé, Michèle Pierre-Louis a mis l'accent sur l'arrêt
de la Cour constitutionnelle dominicaine en 2013. Les Haïtiens sont
considérés comme des boucs émissaires aux problèmes dans la société dominicaine. En conséquence, ils font l’objet
de persécutions de toutes sortes : discriminations, exclusion sociale, assassinats,
déportation massive, emprisonnements abusifs…
L’arrêt TC/0168/13 n’est qu’une goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
En fait, l’arrêt est illégal, inconstitutionnel, au regard de la législation
dominicaine, car non conforme au droit
positif dominicain qui consacre la non-rétroactivité de la loi.
Verbatim
Voici
les réactions de quelques jeunes après cette activité :
Peterline
Veillard :" La conférence avec Mme
PIERRE-LOUIS a été le moment pour moi spécialement de faire le plein sur les
relations entre Haïti et la République Dominicaine et le massacre qui depuis
Octobre 1937 fait toujours l'objet de nos conversations. Cette situation remonte
à très longtemps pendant la colonisation en 1492.
Avec le concours de la presse
américaine une indemnisation a été fixé à 750 000 dollars us mais avec nos
dirigeants incompétents ou magouilleurs, on a eu que 520 000 dollars us. J'ai
appris que cette histoire de massacre était très profonde et pendant les 30 ans
de Trujillo
au pouvoir, il a conforté le racisme et provoqué l'expansion du préjugé de couleur envers les haïtiens. Nous sommes perçus par eux comme
mauvais, qui font tout ce qui est mal dans leurs pays".
Doodley Cassamajor : "La séance de ce samedi était très attendue,
car c'est la première fois que nous allons assister a un match de débat. Le
match était super, j'ai vu chaque équipe défendre son point de vue de manière
acceptable.
Pour
la conférence, ça a été bien, j'ai beaucoup apprécié. J'ai plus appris surtout
dans la partie où elle faisait l'historicité dans les relations haïtiano-dominicaines,
même si j'ai quelques réserves par rapport à la façon dont elle a peint Jean
Pierre Boyer. Son niveau de patriotisme me surprend. Ce fut super le match et
la conférence.
Je
pense que ce genre d'activités aide à perfectionner davantage nos réflexions et
aussi à construire avec plus de solidité notre esprit critique."
Marie-Carly
Lafontant : "J'ai apprécié le match,
j'ai aime particulièrement l'argumentation de l'équipe négative, je crois
qu'ils m'ont convaincu un peu. Je tiens à féliciter les jeunes, car j'ai senti
le challenge entre les joueurs. Je crois qu'ils ont très bien joué leurs rôles.
Pour une première fois j'étais satisfaite. Je souhaite que la prochaine fois soit
meilleure.
J'étais profondément touchée
par l'histoire qu’a relatée Mme Duvivier, le massacre de 1937, la gestion de
cette situation par nos dirigeants, l'attitude raciste du peuple dominicain. Je
suis frustrée par cette situation, et je me sens humiliée par la façon dont on
a traité les Haïtiens, surtout les nouveau-nés. Et ce qui est extrêmement
grave, cette situation n'a pas changé
jusqu'à aujourd'hui."
Conclusion
Cette
activité a été une réussite, dans le sens où les jeunes ont suivi avec
attention le match, manifesté leur intérêt et participé activement dans les séances de questions dans
la conférence. Nous avons remarqué l’amour du débat naissant chez eux et
l'intérêt que portent les nouveaux à cette première activité.
Je félicite et remercie mon collègue Alfred DESIR, sans qui cette activité n’aurait pas lieu. Et aussi merci à Jean-Gérard ANIS, coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL, pour son soutien dans la réussite de cette activité.
Je félicite et remercie mon collègue Alfred DESIR, sans qui cette activité n’aurait pas lieu. Et aussi merci à Jean-Gérard ANIS, coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL, pour son soutien dans la réussite de cette activité.
Joël LAZARD
Animateur du club de débat de Christ-Roi
Tél. :
+(509) 3129-5808
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