mercredi 8 novembre 2017

Lancement de la 5e édition du tournoi de débat inter-scolaire par le club de Christ-Roi

Entre match de débat et conférence sur les relations haïtiano-dominicaines
Les sociétés développées ont toujours accordé une place de choix à l'éducation, car elle élève une nation. Le débat est une activité éducative, qui permet à bon nombre de jeunes de développer leur esprit critique, de cultiver la tolérance et confronter leurs idées et opinions. Avec le débat, la construction d'une autre société haïtienne est possible, c'est en se sens que le club de débat de Christ-Roi / PyePoudre se donne pour tache, d'étendre cette activité à beaucoup plus de jeunes.
De ce fait, en prélude à la 5ème édition du tournoi de débat inter-scolaire prévu en 2018, le club a organisé un match d'exhibition et une conférence sur le massacre des Haïtiens en 1937 en Rep. Dom., pour les nouveaux inscrits. Le nombre de personnes présentes à cette activité avoisinait la centaine, dont 61 filles et 30 garçons ajoutés  à eux les parents et autres invités. Grâce a l'appui des anciens débateurs du club de débat de Christ-Roi, de BMC, de Camp Perrin, des juges dans le programmes tels que Michelet Joseph, Nerline Toussaint, Fritz Jean, et Mlle Stanley Jean de L’Office de la Protection du Citoyen, cette initiative a été rendue possible.

Recrutement de nouveaux débatteurs

En effet, le club avait procédé en tout début du mois, le samedi 07 Octobre 2018, au recrutement des nouveaux inscrits qui étaient au nombre de 512 élèves pour 12 écoles de la zone métropolitaine. Suivant nos critères de recrutement, les élèves du nouveau secondaire I et II sont prioritaires pour participer au prochain tournoi de débat interscolaire. Les meilleurs élevés ont été retenus pour représenter leur établissement dans le tournoi, après une série de tests, écrit et oral. Le nombre d'élèves retenus est de 68 jeunes, 54  filles et 14 garçons.
Ce déséquilibre au niveau des jeunes retenus pour le tournoi est dû à plusieurs facteurs tels que, premièrement, l'intérêt des jeunes pour ce genre d'activité, deuxièmement, l'implication des responsables d'écoles dans la réalisation de cette activité, troisièmement,  9 sur les 12 écoles retenues qui ont rempli les critères de sélection sont majoritairement des écoles non mixtes. Voici la liste des écoles retenues: Cœur Immaculé de Marie, Collège BIRD, Lycée Technique Elie Dubois, Collège Saint-Louis de Bourdon, Lycée Antênor Firmin, Collège Le Normalien, Lycée Marie Jeanne, Collège Marie Anne, Ecole Congréganiste Christ-Roi et l'Institution du Sacré-Cœur.

Une rencontre avec les parents de ces jeunes a été organisée ensuite au centre culturel PyePoudre, le samedi 21 Octobre 2017 dans l'objectif de leur présenter le débat, les activités qui précéderont le tournoi interscolaire, et du coup permettre aux parents de ces jeunes de s'impliquer beaucoup plus dans les activités du club. Certains ont manifesté le désir d’être juges de débat.

Vu notre objectif qui est d'étendre le projet de débat à plus de jeunes élèves possible dans la zone métropolitaine, nous avons, de concert avec les établissements scolaires les plus intéressées, implanté une cellule du club de débat dans leur espace. Ce qui sera très bénéfique dans un premier temps, pour les élèves en secondaire III et IV qui n'ont pas été retenus pour le tournoi. De là, ils pourront apprendre sans aucun problème les techniques du débat dans le format Karl Popper et autres formats prévus au cours de cette période de formation. 
Et dans un deuxième temps, cela facilitera le processus de recrutement des élèves pour les tournois de débat interscolaire à venir. Trois écoles sont déjà en train de mettre en place les ressources nécessaires pour l'implantation de ces cellules de débat (nous nous gardons de citer leur nom jusqu'à la finalisation du processus).

Le match d’exhibition : une plongée dans le débat

Le sujet choisi pour le match d'exhibition a été le suivant: "Pour sauver l'environnement l'action individuelle est préférable à l'action gouvernementale”. Six jeunes anciens du club de Christ-Roi, 5 filles et 1 garçon, se sont opposés dans ce match. L’équipe affirmative  (qui soutient l’énoncé) était composée de Damondy Prophète, Darline Cadet, Alissa Jean,  face à l’équipe négative formée de Peterline Veillard, Kaicha Jeanty, Cendia Marcelin.

L’équipe affirmative a donné un seul argument: " l’action individuelle présente beaucoup plus d'avantages non négligeables". Selon elles les petites actions ont beaucoup plus d’impact sur la sauvegarde de l'environnement, par exemple dans la gestion de l'eau du robinet, des déchets, l'entretien du milieu résidentiel, le contrôle du chauffage... Le plus souvent, poursuivent-elles, les Etats n'ont toujours pas un contrôle sur la totalité de leur territoire, ce qui montre que les petites actions individuelles sont préférables à l'action globale. Les individus doivent s'impliquer davantage pour sauver l'environnement, d'où la création d'une meilleure société.
De son coté l'équipe négative leur a opposé un seul argument aussi. Ils pensent que "l'action individuelle se révélera insuffisante", parce que d'abord « la volonté de chacun seule ne suffit pas, d'autant plus que tous les individus ne veulent pas sauver l'environnement et que les individus limitent leur utilisation de l'eau par exemple pour des raisons économiques » ; ensuite « l'action gouvernementale sera plus rapide », grâce à ses importants moyens. De plus, « l'action gouvernementale prônera un développement durable », car selon www.viepublique.fr, des emplois se créent en protégeant l'environnement.

Cela a été un match très riche en intensité et en rebondissements, au niveau des contre-interrogatoires, des plaidoyers de chaque équipe. Le travail de chaque débatteur était présenté avec soin. Tout cela pour le bien du débat, au plaisir du public et des nouveaux recrutés.

La conférence : un acte de mémoire

Suite au match, a fait place tout de suite à la conférence avec la Présidente de FOKAL, Michèle Duvivier PIERRE-LOUIS autour du thème "les relations Haïtiano-Dominicaines et le massacre de 1937".  80 ans après que des milliers de nos compatriotes Haïtiens des 2 sexes ont été lâchement assassinées, largement à l'arme blanche, le long de la frontière haïtiano-dominicaine sous  les ordres du président  Rafael Leonidas Trujillo y Molina. C'est une nécessité pour nous jeunes d'Haïti de connaitre cet épisode tragique de l’histoire de notre peuple pour tenter de mieux en saisir la signification, l’impact et la portée. C'est dans ce but de mémoire que le club a organisé cette conférence.
L'exposé de Michèle Pierre-Louis comprenait trois grandes parties : dans la première partie, elle a fait l'historicité des relations haïtiano-dominicaines. Elle est remontée jusqu'à la période coloniale, ou l'île était divisée en deux par le Traité de Ryswick par lequel les colonisateurs espagnols avaient décidé d'occuper seulement la partie Est de l’ile, et de céder la partie Ouest à la France. La question de la frontière ne s’était pas posée à ce moment-là. C’est seulement en 1929 que les deux présidents de l'époque Louis Borno (Haïti) et Horacio Vásquez (Rép. Dominicaine) vont s'entendre sur la question de la frontière. Mais elle va être une cause de conflit entre les 2 pays héritiers de l’ile pendant plus d'un siècle.

Dans la deuxième partie de son exposé, Michèle Pierre-Louis a abordé le massacre de 1937. Tout a commencé avec le départ massif des Haïtiens/Haïtiennes, pendant une certaine période, vers la République Dominicaine à la faveur de l'implantation son industries sucrière. Celle-ci nécessite une grande force de travail. Comme il est relaté dans "Gouverneurs de la rosée", les Haïtiens partaient soit en Rép. Dom., soit à Cuba. Les registres officiels Dominicains vont faire apparaitre les premiers coupeurs de canne en 1919, pendant la période de l'occupation américaine. Quelques années après, les Dominicains vont se plaindre des Haïtiens dans les champs de canne, les accusant de voleurs de bétail. Suite à l'accession au pouvoir de Trujillo en 1930, le 2 octobre 1937, il se rend à Dajabón pour tenter de dominicaniser la frontière.
En 1937, à l'instigation du président Trujillo, l'armée dominicaine se livre à un véritable nettoyage ethnique à l'encontre des Haïtiens établis du côté dominicain de la frontière. Entre 13 000 et 17 000 ont été tués dans la nuit du 2 au 3 octobre 1937. La presse américaine sera pour beaucoup dans l'éclatement de cette affaire qui du coup poussera le gouvernement Haïtien à porter plainte a l'Union Panaméricaine (organisation ancestrale à l'OEA) afin que la Rép. Dominicaine puisse répondre de ces actes. Une somme de 750 000 dollars américains a été promise par l’Etat dominicain à Haiti, mais seule une partie de cette somme a été réellement fournie. Depuis il existe une certaine animosité entre la République Dominicaine et Haïti.

Enfin, dans la dernière partie de son exposé, Michèle Pierre-Louis a mis l'accent sur l'arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine en 2013. Les Haïtiens sont considérés comme des boucs émissaires aux problèmes dans la société dominicaine. En conséquence, ils font l’objet de persécutions de toutes sortes : discriminations, exclusion sociale, assassinats, déportation massive, emprisonnements abusifs…  L’arrêt TC/0168/13 n’est qu’une goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En fait, l’arrêt est illégal, inconstitutionnel, au regard de la législation dominicaine, car  non conforme au droit positif dominicain qui consacre la non-rétroactivité de la loi.

Verbatim

Voici les réactions de quelques jeunes après cette activité :

Peterline Veillard :" La conférence avec Mme PIERRE-LOUIS a été le moment pour moi spécialement de faire le plein sur les relations entre Haïti et la République Dominicaine et le massacre qui depuis Octobre 1937 fait toujours l'objet de nos conversations. Cette situation remonte à très longtemps pendant la colonisation en 1492.
Avec le concours de la presse américaine une indemnisation a été fixé à 750 000 dollars us mais avec nos dirigeants incompétents ou magouilleurs, on a eu que 520 000 dollars us. J'ai appris que cette histoire de massacre était très profonde et pendant les 30 ans de Trujillo au pouvoir, il a conforté le racisme et provoqué  l'expansion du préjugé de couleur  envers  les haïtiens. Nous sommes perçus par eux comme mauvais, qui font tout ce qui est mal dans leurs pays".
Doodley Cassamajor : "La séance de ce samedi était très attendue, car c'est la première fois que nous allons assister a un match de débat. Le match était super, j'ai vu chaque équipe défendre son point de vue de manière acceptable.
Pour la conférence, ça a été bien, j'ai beaucoup apprécié. J'ai plus appris surtout dans la partie où elle faisait l'historicité dans les relations haïtiano-dominicaines, même si j'ai quelques réserves par rapport à la façon dont elle a peint Jean Pierre Boyer. Son niveau de patriotisme me surprend. Ce fut super le match et la conférence.
Je pense que ce genre d'activités aide à perfectionner davantage nos réflexions et aussi à construire avec plus de solidité notre esprit critique."

Marie-Carly Lafontant : "J'ai apprécié le match, j'ai aime particulièrement l'argumentation de l'équipe négative, je crois qu'ils m'ont convaincu un peu. Je tiens à féliciter les jeunes, car j'ai senti le challenge entre les joueurs. Je crois qu'ils ont très bien joué leurs rôles. Pour une première fois j'étais satisfaite. Je souhaite que la prochaine fois soit meilleure.
J'étais profondément touchée par l'histoire qu’a relatée Mme Duvivier, le massacre de 1937, la gestion de cette situation par nos dirigeants, l'attitude raciste du peuple dominicain. Je suis frustrée par cette situation, et je me sens humiliée par la façon dont on a traité les Haïtiens, surtout les nouveau-nés. Et ce qui est extrêmement grave,  cette situation n'a pas changé jusqu'à aujourd'hui."

Conclusion

Cette activité a été une réussite, dans le sens où les jeunes ont suivi avec attention le match, manifesté leur intérêt et participé  activement dans les séances de questions dans la conférence. Nous avons remarqué l’amour du débat naissant chez eux et l'intérêt que portent les nouveaux à cette première activité. 
Je félicite et remercie mon collègue Alfred DESIR, sans qui cette activité n’aurait pas lieu. Et aussi merci à Jean-Gérard ANIS, coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL, pour son soutien dans la réussite de cette activité.

Joël LAZARD
Animateur du club de débat de Christ-Roi
Tél. : +(509) 3129-5808

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