vendredi 17 mai 2019

De la détention préventive prolongée…


Par Nishina PREVILON. Juge de débat – 16 mai 2019

Compte-rendu du débat entre les clubs de Santo et de Jacmel sur la motion : « Cette chambre pense que tout prévenu ayant passé un an en détention préventive prolongée doit être automatiquement libéré».

Le sixième tournoi régional de débat du Grand Sud, ayant lieu à Jacmel les 11 et 12 mai 2019, s’est déroulé sur 3 motions différentes. La motion traitée par ce compte-rendu stipulait : « Cette chambre pense que tout prévenu ayant passé un an en détention préventive prolongée doit être automatiquement libéré. » Revisitons les arguments apportés, d’une part avec le match opposant le club de Jacmel au club de Santo, dans un premier round, d’autre part avec le club de Jérémie versus le club des Cayes, dans un second round.

Dans le duel opposant le club de Santo au club de Jacmel, l’équipe de la Proposition a suggéré des mesures pour remplacer la détention préventive : la mise en place de maisons de détention, l’utilisation de bracelets électroniques pour la géolocalisation des prisonniers. S’appuyant sur ce modèle, l’équipe a avancé 4 arguments. Elle soutient que le prévenu doit être libéré parce que cette mesure va assurer de meilleures conditions de vie en milieu carcéral et que la détention préventive prolongée est une violation des droits humains. Les statistiques concernant la surpopulation carcérale sont choquantes : 75% des hommes détenus n’ont pas été jugés, contre 82% pour les femmes et 85% pour les adolescentes. De plus, cette surpopulation entraîne des maladies comme pneumonie, tuberculose, gale…, à cause de la forte promiscuité dans la vie carcérale. 

Egalement, l’équipe de la Proposition croit que la détention préventive prolongée sape les valeurs d’un bon système judiciaire et est un lourd fardeau pour la société. La détention préventive prolongée est injuste et illégale. L’ignorance de la décision du juge met les prévenus en situation de détresse et de plus, la loi prévoit un canevas pour la résolution de l’enquête.  De plus, elle entraine un coût pour l’Etat qui est payée par les contribuables.

Pour soutenir leur position, le club de Jacmel qui représentait l’Opposition, a déclaré que la libération automatique du prévenu en situation de détention préventive prolongée engendre l’impunité. C’est un risque d’obstruction à l’enquête et enfin entraine la non-sureté de leur personne. Relâcher le prévenu signifie le déclarer non coupable, ont-ils expliqué. De plus, leur relâchement peut permettre l’assassinat des témoins, directement et indirectement, d’où l’inefficacité du bracelet électronique. Enfin, la population frustrée de n’avoir pas pu obtenir justice, peut lyncher ces prévenus relâchés.
 
Dans le 2e round, le club de Jérémie jouant la Proposition a affronté le club des Cayes. Se fondant sur le respect des droits humains, l’équipe jérémienne a fermement déclaré qu’il faut protéger le droit des personnes arrêtées et que la détention préventive prolongée traduit une violation de la loi. L’habeas corpus prévoit un délai de 48h à 72h maximum pour qu’un juge se prononce sur le cas d’un prévenu. De plus, la loi prévoit une durée de 2 mois additionnels en plus des 3 mois réglementaires pour trouver des preuves consistantes pour l’enquête. Donc, un an est déjà trop.

A cela, l’Opposition cayenne a répliqué en défendant une position montrant la nécessité du jugement et non la libération automatique. Elle explique que la libération automatique du prévenu après un an est aussi une violation de la loi. En effet, la loi prévoit une peine de 1 à 3 ans d’emprisonnement pour un cas de vol. Cette libération automatique met et la communauté et les témoins en danger.

Les réfutations et les points d’information, ont intensifié les matchs, balançant le résultat final d’une équipe à l’autre. L’enthousiasme et l’engagement des jeunes étaient au rendez-vous, ce qui a permis de voir les efforts de préparation, la rigueur dans les exemples et la profondeur des recherches.
Les juges auteurs des comptes-rendus des débats
De g. à d: Stanley Pierre-Jean, Nishina Previlon, Jothsaïna Pierre.


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