jeudi 30 octobre 2014

Hudenie Lourdes PHILISTIN, jeune débatteuse du Cap-Haitien, se dévoile


Une bonne élève

Hudenie Lourdes Philistin
Hudenie Lourdes PHILISTIN est une élève de seconde du collège Saint-François Xavier du Cap-Haïtien.  Passionnée d’écriture, elle dit passer la majeure partie de son temps à écrire des poèmes et des textes qui sont corrigés par sa mère qui est professeure de littérature et en même temps inspectrice de l’éducation nationale. Elle a un parcours brillant à l’école. « Grace à Dieu !», conclut-elle.

Elle a participé à la consultation des jeunes de cette ville que FOKAL a effectuée le 22 mai 2014, dans le cadre de son projet de livre blanc de la jeunesse haïtienne. 51 jeunes, dont 31 filles, issus de plusieurs établissements scolaires de la ville y ont pris part. Elle nous a livré ses impressions de l’exercice, du débat et ses réflexions sur l’avenir.

De la consultation

Hudenie a qualifié la consultation des jeunes du Cap de très instructive. « Cela m’a permis pour la première fois de ma vie de m’exprimer en tant que jeune, de dire ce que je pense, de parler de certaines situations qui se passent à travers le pays. Donc, pour moi, c’était une expérience inouïe ! ».

Du débat

Elle n’est pas membre du club de débat de FOKAL au Cap [c’était avant l’interview] parce que, dit-elle, elle n’a pas vraiment le temps d’y participer. « J’avais des activités que je menais bien avant l’invitation qui a été faite à mon école pour envoyer des élèves. Et je ne pouvais pas me défaire de ses responsabilités-là ». Mais elle a avoué que le débat est une activité qui l’intéresse beaucoup « à cause de l’interaction qui se fait entre les jeunes, et aussi à cause de la liberté qu’ils ont de pouvoir s’exprimer sans avoir personne pour leur dire qu’il ne faut pas dire ceci, qu’il ne faut pas faire cela. Ca leur permettra de s’épanoui, et en même temps de grandir ».

De son engagement

Hudenie est seulement impliquée dans son école et son église. « Cette année, je me suis engagée [dans son école] d’une manière toute particulière. D’abord, je participe à la rédaction du journal de mon école. Ensuite, je suis membre du cabinet du ministère de l’environnement [dans son école]. Et je suis conseillère de ma classe », toute heureuse de céder sa place de présidente à une autre camarade de classe.

De son avenir

« Après mes études secondaires, j’aimerais étudier la diplomatie. A Sherbrooke [ville du Canada] parce que ma mère a étudié là-bas. Donc, j’aimerais étudier dans la même université qu’elle. Mais après, je reviendrai dans mon pays pour servir ma patrie normalement ». Elle s’empressa d’expliquer qu’elle veut « rester en Haïti parce que Haïti a besoin de personnes qui l’aiment pour pouvoir se développer. Et moi, je veux faire partie de ces personnes-là ».
Hudemie au milieu de ses camarades lors de la consultation
Si elle est nommée ambassadrice d’Haïti dans un pays, Hudenie pense pouvoir aider son pays de deux manières. « Tout d’abord, je ne penserais pas à ce qui me serait bénéfique. Je penserais plutôt à ce qui serait bénéfique au pays. Je n’agirais pas non plus d’une manière égoïste. J’essaierais d’être consciente de ma responsabilité et de représenter d’abord mon pays, ma famille, l’école qui m’a formé, les gens qui ont participé à cette formation, et moi-même. Dignement.»

Aux jeunes

« Ce que je pourrais dire aux jeunes de mon milieu, c’est d’essayer, au lieu de regarder vers l’étranger, de regarder en Haïti. Au lieu de dire qu’Haïti n’offre rien, à l’instar de Jean Fitzgerald Kennedy [35e président des Etats-Unis, de 1961 à 1963. Il mourut assassiné durant son mandat] qui a dit : Ne demandez pas au pays ce qu’il vous offre, mais demandez à vous-même ce que vous allez lui offrir ».

Très en verve sur ce point, Hudenie a ajouté que les jeunes « …pourraient essayer de s’arranger, de savoir ce qu’ils peuvent faire pour le pays au lieu de dire que le pays n’offre rien, et de partir à l’étranger. Je leur demanderai d’être sérieux et de s’impliquer activement dans les activités patriotiques ».

Propos recueillis par
Yvens RUMBOLD et Jean-Gérard ANIS
22 mai 2014

lundi 27 octobre 2014

Une nouvelle animatrice dans le Programme Initiative Jeunes


Une nouvelle animatrice vient d’intégrer le staff des animateurs du Programme Initiatives Jeunes depuis 2 semaines. Il s’agit de Madrine GAY.

Madrine GAY devient la nouvelle animatrice adjointe du club de Jérémie, en remplacement de Joanna Barthélémy démissionnaire. Diplômée au Centre de Formation pour l’Enseignement Fondamental, Madrine est professeur de Littérature et de Sciences sociales dans sa ville. Elle est aussi animatrice culturelle dans sa communauté.

Madrine connait le format Karl Popper. Elle se passionne pour l’éducation et l’émancipation des jeunes. C’est dans cette perspective qu’elle inscrit sa mission d’animatrice au sein du club de débat Jérémie.
Bienvenue à Madrine !

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du PIJ

mardi 21 octobre 2014

Témoignage de Paule Danescar Mauclair, débatteuse du club de Jérémie


Elle partage son expérience au tournoi national de débat de FOKAL, qui a eu lieu du 21 au 25 juillet 2014, aux Gonaïves.

Paule Danesca Mauclair
Le camp d’été auquel j’ai pris part aux Gonaïves a été une expérience très enrichissante pour moi. J’ai eu la chance de faire connaissance avec un échantillon des jeunes de tous les autres clubs de débat dans le pays. Le tournoi de débat a été le fleuron de cette expérience. Mon équipe a raté le premier match à cause du manque d’esprit d’équipe. Et, nous avons joué une place avec laquelle nous ne sommes pas habitués. Les Cayes ont  gagné. J’ai failli être emportée par le découragement, mais je me rappelle une pensé que mon père a partagé avec moi : Tomber est humain, se lever est divin. Je me suis réconfortée. C’est ainsi qu’on est arrivé jusqu’à la demi-finale bien qu’on n’ait pas eu d’ordinateur et de documents pour préparer le sujet surprise. On a donc gagné 3 matchs sur 4. On a été tous surpris d’apprendre que Jérémie est retenu pour la semi finale. J’ai éliminé Santo qui nous a promis de nous donner quelques euros si nous arrivons à la battre. Ensuite, BMC nous a battus. Et j’étais consciente qu’ils ont mieux joué que nous. En somme, ce fut une expérience que vous tous devriez faire : Participer au tournoi de débat national.


Suite à son témoignage, Bazard, son camarade de club, lui demanda: Quelle leçon as-tu tirée de ce tournoi national ?

Les gens sont à jour. Ils sont de maniaques interlocuteurs. Quand on donne une information, on demande des sources. Jouer une place que je ne savais pas jouer c’est aussi une leçon car maintenant, je me suis fait avec les autres places.

En quoi les matchs joués dans le club t’ont-ils aidé au tournoi national ? lui a demandé Dina

En plein de choses, comme le training, le respect de la structure du format Karl Popper, les recherches qu’on savait faire pour préparer les matchs… Bref, tout ce qu’on a fait dans le club a contribué à notre performance au cours du tournoi.

Propos recueillis par Waldinde Germain
Animateur du club de Jérémie

mercredi 15 octobre 2014

Jeunesse et santé mentale, les jeunes de Christ-Roi font le point


Nous serions tous des fous qui s’ignorent !


La salle d’animation Friznel Fanfan Morisseau de la Bibliothèque Pyepoudre, à Bourdon (P-au-P) fraîchement reconstruite, a accueilli le mardi 12 août 2014 les jeunes du club de débat et ceux du club de lecture de la dite bibliothèque (environ 80), à une conférence-débat sur la santé mentale.

En effet, cela a été la Journée internationale de la Jeunesse dont le thème a été « Jeunesse et santé mentale ». Madame Paula Clermont Péan, directrice de la bibliothèque Pyepoudre, de concert avec le club de débat de Christ-Roi, se sont mis d’accord pour que cette journée soit l’occasion idéale pour rassembler les jeunes et leur offrir cette conférence. L’objectif a été de les aider à comprendre et à réfléchir sur le thème international ‘’les jeunes et la sante mentale’’ qui les concerne tout particulièrement en Haïti.

« Qu’entendez-vous par santé mentale ? » a questionné la conférencière, Jessy Muscadin, psycho-pédagogue et ancien chef de cabinet du Secrétaire d’État pour les personnes Handicapés, aux quatre vingt (80) jeunes. Au vu des réponses que les jeunes ont donné, elle a remarqué quelqu’un d’entre eux ne savait auparavant ce qu’était la santé mentale.
Jessy Muscadin
Parmi les définitions apportées par Jessy Muscadin: ''La santé mentale, c’est de trouver un juste équilibre dans tous les aspects de votre vie :social, physique, spirituel, économique et mental'', elle a retenu celle établie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « un état de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Pendant les échanges, les jeunes n’ont pas manqué de mettre en évidence leur confusion, tant il a été difficile pour eux d’établir une différence nette entre santé mentale et maladie mentale, une différence qui, selon la conférencière, se situe dans les nuances.  La santé mentale étant un état de bien-être total, tout souci, aussi insignifiant soit-il, y constitue un obstacle. Ainsi avoir des troubles mentaux fait qu’automatiquement un individu a des problèmes de santé mentale, alors que avoir ces problèmes de santé mentale ne traduit pas forcément la présence de troubles mentaux.

L’intervention-choc de ce débat a été le commentaire d’un jeune du club de débat.  Pour lui, « être haïtien veut dire être sujet aux problèmes de santé mentale ». Selon lui, on est vulnérable à tous les niveaux dans ce pays ou l’on manque de tout  même des besoins primaires. 

Après la conférence, on a eu le temps de discuter là dessus au cours des deux ateliers de réflexion qui ont suivis, sur deux sujets chacun :

Sujet 1 : Quels sont les éléments pouvant garantir une santé mentale équilibrée pour la jeunesse Haïtienne ?  Pour les jeunes de cet atelier, les réponses ont été :
  • la liberté d’expression
  • la jouissance de loisirs
  • une politique de santé mentale
  • la stabilité familiale
  • la création d’emplois

Sujet 2 : Quel rôle joue selon vous la famille dans l’équilibre mental des jeunes d’aujourd’hui ?
Selon eux, la famille est pour beaucoup dans l’équilibre mental des jeunes d’aujourd’hui. Ils ont présenté des cas souvent rencontres au sein des familles. Par exemple :
  • les problèmes économiques de certaines familles
  • les parents perfectionnistes
  • les parents trop tolérants vis-à-vis des enfants

Atelier 2
Sujet 1 : Pensez-vous que la situation actuelle d’Haïti favorise une sante mentale équilibrée ?

« NON ! » ont-ils tous répondu en chœur. Puis, ils ont proposé de réfléchir plutôt sur les solutions qui les aideront à changer la situation du pays, et par là favoriser une santé mentale équilibrée pour tous. Les jeunes ont préféré abandonner le deuxième sujet, « la jeunesse est-elle plus sujette à développer des problèmes de santé mentale? » car sans le savoir on en avait déjà  discute dans le premier sujet. Parmi les solutions, le jeune Joe du club a déploré que « Dans la situation actuelle, nous sommes, nous les jeunes, en manque de modèles. On vit dans un pays avec plein de problèmes politiques, économiques et sociaux. La solution serait que désormais eux-mêmes se constituent en modèles, qu’ils soient leurs propres modèles. Qu’ils apprennent à s’engager dans des actions communautaires ! ».

Même si toutes leurs questions n’ont pas été satisfaites au cours de la journée, les réunir ensemble, voir de nouvelles relations d’amitiés se créer, nous portent à penser qu’on a quand même été fidèle à l’esprit de la Journée Internationale de la Jeunesse qui est avant tout de réunir  des jeunes pour discuter ensemble.

Sachernka ANACASSIS, animatrice
Club de débat de Christ-Roi

lundi 13 octobre 2014

Forum international sur la Justice juvénile à Istanbul: FOKAL y était


Un forum international sur la Justice des mineurs a été organisé par Open Society Foundations (OSF), et Education Development Centre (EDC), du 10 au 12 septembre 2014, à Istanbul en Turquie. L’objectif du Forum a été de réunir de jeunes militants, des associations dirigées par des jeunes, des responsables gouvernementaux et des spécialistes de la justice pour mineurs de divers pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe, des Amériques, pour discuter des questions liées et à et mettre en valeur les meilleures pratiques à la croisée de la sécurité des jeunes et de la justice.
Open Society Foundations, est la maison-mère de FOKAL basée à New-York. C’est son programme Youth Exchange qui a été le promoteur du forum.

Education Developpement Centre, INC, basé à Washington D.C., conçoit des systèmes visant à appuyer et à maintenir une éducation de base de qualité, en fournissant des solutions innovatrices à des problèmes apparemment insolubles. Elle aide ses partenaires locaux dans plus de 35 pays à travers cinq continents à améliorer l’enseignement et l’apprentissage chez des enfants, des jeunes et des adultes à travers des interventions allant de l’élaboration des normes nationales à la formation des enseignants.

Soixante dix-neuf (79) participants, venant de 32 pays dont Hongrie, Afrique du Sud, Géorgie, Ouganda, Sénégal, Arménie, Uruguay, Espagne, Royaume Uni, Swaziland, Moldavie, Kenya, Pakistan, Tanzanie, Mongolie, France, Thaïlande, Brésil, Guyane, Haïti (FOKAL), Mexique, Indonésie…, représentent des secteurs divers tels que des fondations, des universités, des ONG de droits humains, des associations de jeunes engagés, des organisations internationales, des institutions gouvernementales, des organismes culturels…

Une plate-forme d’échanges

L’évènement est considéré par OSF comme une plate-forme de collaboration peer to peer pour s'engager avec de jeunes leaders en devenir afin de relever les défis d'une société ouverte par la mise en œuvre de projets innovants dans le domaine de la justice juvénile. Le forum a été également un espace de réseautage, de partage de méthodes, de stratégies, de pratiques, et une pépinière d’idées pour les praticiens de la justice juvénile.
Les 2 premières journées ont débuté par une session plénière animée par un panel d’experts dans le domaine de la justice qui ont fourni un cadre conceptuel commun pour les trois jours. Les conférenciers se sont engagés sur les normes et les cadres qui ont émergé pour guider la conception et la mise en œuvre des systèmes de justice pour les jeunes adultes, ainsi que les forces et les développements clés qui ont façonné les réponses de l'État pour les jeunes en conflit avec la loi.

Partenariats novateurs pour générer un impact: Meilleures pratiques & Défis

Les différentes présentations et discussions ont porté après sur des préoccupations suivantes: la loi, le contrôle social et la criminalisation des jeunes ; la résilience chez les jeunes dans le système de justice pour mineurs ; les relations entre les jeunes et la police; des techniques et méthodes de travail avec les populations des jeunes à risque dans les sociétés en transition ; les jeunes dans les prisons et anciennement détenus; quand des interventions du secteur de la justice des mineurs sont nécessaires et quand elles ne le sont pas.
Des ateliers parallèles de travail en groupe se sont ensuivi sur des questions précises auxquelles chaque participant était libre de suivre. Ces séances ont cherché à montrer (et à expérimenter du coup) comment des groupes de la société civile - incluant des ONG, des associations dirigées par des jeunes, des chercheurs - encouragent le changement pour améliorer les politiques et les approches liées à la jeunesse à travers la recherche, la justice, le plaidoyer, le lobbying, la collaboration et la formation.

Divergences

Cependant des divergences se sont révélées entre les participants Africains et les Occidentaux, européens et américains, sur 3 fronts, au gré des conversations informelles entre les participants.

Les Africains ont déploré que les interventions soient trop centrées sur des expériences et conceptions occidentales, et que les exemples (les bavures policières aux USA et en Angleterre), les problèmes (rapports conflictuels entre les jeunes et la police dans les quartiers et les cités difficiles, profilage ethnique des minorités visibles) et les projets examinés ne répondent pas vraiment aux réalités des pays africains représentés.
La 2e chose est le fait que les représentants africains et asiatiques n’ont pas eu l’opportunité de parler ni de partager directement avec leurs collègues leurs expériences ou leur compréhension de la justice juvénile dans leur propre pays. Les intervenants étaient souvent américains ou européens, et les africains comme les asiatiques étaient davantage consommateurs qu’acteurs des conférences  ou des ateliers. Dommage !

Le 3e point délicat a été la divergence de vue concernant la perception de la police que l’on soit un jeune en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis ou bien que l’on soit un jeune en Afrique.

Police occidentale et police en Afrique

La police aux USA comme en Europe est vue par les jeunes comme une force de répression, pour ne pas dire d’agression, sous bien des caractères. Aux USA, elle est militarisée car son arsenal répressif se rapproche de l’équipement d’un soldat, et ses règles d’engagement sont proches du code militaire car toujours prête à faire feu au moindre geste d’un suspect. D’où des bavures policières à répétition souvent couvertes par la hiérarchie (le cas du jeune noir abattu par un policier blanc à Ferguson aux USA, en septembre dernier).

En France comme en Angleterre, la police procède secrètement, comme l’a insinué une activiste française d’une association de jeunes, à du profilage ethnique qui établit une sorte délit de faciès dans le traitement des cas de justice. Cela débouche sur une discrimination raciale de facto envers les citoyens issus des minorités visibles de ces pays, source de frustration et de méfiance du coté des victimes de la police, et des émeutes à la mort d’un membre d’une communauté.
Si la police occidentale compte sur l’effet de repoussoir ou de peur pour imposer la loi et l’ordre, la police en Afrique (Nigeria, Ouganda, Sénégal, Swaziland par ex.) parait davantage une police de proximité qu’une force dissuasive (comment pourrait-elle être autrement car elle est mal armée, mal payée, pas assez professionnelle). Elle est plutôt perçue comme un service public comme un autre. Elle ne fait pas peur et elle est complètement intégrée dans la population qui coopère avec elle, comme en Haïti  dans les poursuites de bandits, voleurs et kidnappeurs.

Approches de la société civile pour améliorer la justice juvénile

Néanmoins, ce forum international a généré des informations intéressantes et des connaissances utiles :

1) dans la compréhension des conséquences de la détention sur les mineurs. Les politiques qui enferment plus les jeunes n'améliorent pas nécessairement la sécurité publique. Les jeunes en détention ont des taux élevés de récidive. Des études estiment que la majorité des jeunes qui viennent en contact avec le système de justice pour mineurs ont un certain type de traumatismes. Ces défis ne peuvent être relevés si elle est abordée dans une perspective multi objectifs qui favorise la collaboration entre les acteurs traditionnels et non traditionnels et permet aux systèmes de travailler plus efficacement à traiter les causes profondes.
2) dans la constitution de projets innovants, reproductibles, contre la récidive des jeunes détenus, comme des approches tenant compte des traumatismes de la justice pour mineurs. Par exemple en Guyane, un programme financé par l’USAID fournit un accompagnement aux jeunes détenus en créant et en mettant en œuvre un système de peines de substitution et de détournement pour de nombreux délinquants; en fournissant un soutien aux jeunes, sortant du nouveau corps de possibilité de réintégrer la société et le marché du travail ; ou bien une éducation, de l'information et du soutien pour développer leur propre entreprise.

3) dans la prévention de la violence. Un criminologue mexicain a fait une présentation sur les interventions ciblées pour réduire et prévenir le crime. Trois choses  que nous devons savoir de la violence : 1. La violence est concentrée géographiquement là où il y a un manque d’éducation, où la justice a échoué ; 2. Les victimes et les agresseurs se concentrent de manière disproportionnée dans un groupe démographique ; 3. Elle est surtout basée dans des groupes dynamiques : gangs, dealers de drogue, mafia. 75% de la violence est causée par 0.5% de la population d’une ville donnée.
Le criminologue propose le mapping, un procédé de cartographie de la violence, développé avec la Banque mondiale et Yale University, utile pour prendre des décisions sociales, pour implémenter des projets, pour promouvoir l’engagement communautaire dans les villes.

Conclusion

Les enseignements de ce forum international sont que 1o) les jeunes en conflit avec la loi représentent un grand défi dans toutes les sociétés ; 2o) il n’y a pas de solution-miracle pour résoudre les problèmes des jeunes en rupture avec la loi ; 3o) connaitre les questions de justice juvénile dans d’autres pays peut nous aider à relativiser  nos problèmes ou à trouver les voies et moyens pour fonder notre propre politique.

On ne réinvente pas la roue !

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes

mercredi 1 octobre 2014

Débattre en créole, un nouveau pari pour les clubs de débats


Lors de la rencontre annuelle des animateurs du Programme Initiative Jeunes, le samedi 27 septembre dernier, FOKAL a proposé à ces derniers d’expérimenter le débat en créole dans son réseau de clubs. C’est un projet qui cristallisait déjà une forte attente, pour ne pas dire une grande impatience, chez les jeunes débatteurs du Programme Initiative Jeunes, mais qui a engendré pas mal de remous parmi les responsables des clubs. 
Intervention de Elizabeth Pierre-Louis, directrice des Programmes à FOKAL
Le projet de débat en créole a suscité énormément de réactions des 24 animateurs présents à la rencontre, représentant les 14 clubs de débat du réseau de la fondation. Car l’enjeu est de taille. Un brainstorming inattendu s’est emballé entre ceux qui soutiennent absolument l’idée et ceux qui y montrent des réticences.

Démocratisation du débat et égalité entre débatteurs

Les farouches défenseurs de cette idée ont commencé par déminer la controverse en écartant toute idée d’un combat de langue. Ils ont soutenu que faire débattre les jeunes en créole engendrerait une démocratisation du débat. Le débat serait plus populaire et attirerait davantage de jeunes amateurs. Non seulement, il décomplexerait le créole face au français dans le débat, mais encore cela mettrait fin à une injustice envers le créole dans le programme de débat.

Intervention de Edwin Berly Pierre-Louis, animateur du club du Cap
Un autre avantage du créole est qu’il ferait fonction de désinhibiteur pour les timides qui auraient peur de prendre la parole en français. Des animateurs ont affirmé que des jeunes de leur club montrent un talent certain à discuter en créole. Mais quand on les choisit pour intégrer une équipe de débatteurs pour défendre les couleurs du club dans un tournoi, ils se rebiffent.

Intervention  de Richardson Cadet, animateur du club de Jacmel
Ils se sont insurgés également contre le (mauvais) procès d’un nivellement par le bas des débatteurs, en expliquant que la traduction nécessaire et obligatoire des supports documentaires, du français au créole, par les débatteurs lors des débats ne rendra pas la chose aisée pour eux.

En dernier lieu, débattre en créole offrira un choix plus ouvert dans la sélection des débatteurs pour participer à un tournoi. Des débatteurs moins talentueux mais s’exprimant bien en français sont plus souvent choisis à la place de camarades maitrisant pourtant moins bien le français. Cela promouvrait ainsi des critères plus égalitaires lors de la constitution des équipes du club.

Paresse intellectuelle et stigmatisation de débatteurs

Les animateurs réticents à l’idée ont soulevé un écart dans l’accomplissement des objectifs de FOKAL à travers son programme de débat. Selon l’un d’entre eux, si FOKAL vise l’excellence des jeunes, elle doit encourager la maîtrise de langues autres que le créole dans le débat. Cette initiative risquerait selon eux de ruiner l’effort d’appropriation et de maîtrise du français chez les débatteurs, et pourrait conduire certain(e)s à une forme de paresse intellectuelle consistant à vouloir débattre seulement en créole, se délestant peu à peu du besoin d’avoir des débats en français.

Intervention de Pierre Sony Daudier, animateur du club de Camp-Perrin
Ils ont aussi pointé l’important déficit de ressources documentaires en créole, de nature ou de qualité scientifique, que les débatteurs doivent utiliser comme supports ou pour construire un argument. À cela, ils ont ajouté le manque évident de mots précis et techniques en créole pour désigner justement les choses, à la différence du français qui dispose d’une pléthore. Ils ont pris en exemple le mot passe-partout du créole bagay que les haïtiens ont la fâcheuse manie d’utiliser pour désigner toute sorte de choses et d’idées, alors que l’argumentation aime la précision.

Trop de risques liés à l’utilisation de la langue créole affaibliront l’expérience, selon eux. Ils ont anticipé le risque de diglossie, c’est-à-dire une utilisation hiérarchisée des deux langues dont l'une est socialement dévalorisée par rapport à l'autre. Ils pensent aussi qu’il y a un risque de problème de registre de langue en créole, se manifestant soit par des malentendus entre les débatteurs à cause des différences entre le créole parlé dans le nord et celui dans le reste du pays, soit par de l’incompréhension entre juges et débatteurs si ces derniers utilisent un créole argotique propre aux jeunes.
Intervention de Miranda Pierre-Louis, animatrice du club de Martissant
Ils ont enfin perçu un danger de dévalorisation et de stigmatisation des débatteurs voulant s’exprimer uniquement en créole, par leurs camarades, une manière honteuse de discriminer les gens par leur capacité à parler français, et qui aurait pour conséquence une démobilisation, ou pire un retrait des jeunes des activités du club.

Une expérimentation, mais avec des garde-fous

Néanmoins, un consensus s’est dégagé entre les 2 parties. Même si tous les animateurs sont d’accord pour expérimenter le débat en créole dans leurs clubs respectifs, ils ont demandé à ce que FOKAL fixe les principes du débat en créole et valide ces préalables.

Premièrement, ils préfèrent l’alternance français/créole dans les compétitions de débat. Un nombre de matches serait joué en créole, une autre série en français, de manière alternée dans un même tournoi. Il n’y aurait pas de tirage au sort pour le choix de langue avant un match. Tout serait déterminé à l’avance. Pas de mélange de créole et français à l’intérieur d’un même match de débat.
Intervention de Jonathan Vilmeus, animateur du club de Gros Morne
Deuxièmement, il faudrait que les notions-clés, le langage technique du débat, particulièrement du format Karl Popper utilisé dans le programme, ou bien par exemple, le glossaire à la fin du guide du débat édité par FOKAL, soient traduites en créole. La fondation se chargerait de ce travail.

Troisièmement, FOKAL organise un match officiel débat en créole, avec des jeunes débatteurs, en présence de tous les animateurs, pour tirer après les enseignements nécessaires avant l’officialisation et la généralisation de ce modèle.

« Ce qui est le plus important dans le débat, c’est la construction de la réflexion et de l’argumentation », conclut Elizabeth Pierre-Louis, la directrice des programmes de FOKAL, qui animait la séance. Et un débatteur du programme doit être capable de le faire dans n’importe quelle langue qu’il est appelé à utiliser pour s’exprimer, que ce soit le créole, ou le français.

Le créole et le français, les 2 langues officielles du pays, n’ont pas fini d’en découdre. Ala bagay mesye dam !

Jean-Gérard ANIS
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes
FOKAL

Une année à la tête du PIJ

  cher.es ami.es, Depuis janvier 2022, je suis appelé par la direction de la FOKAL à assumer la charge de la coordination du Programme Initi...