Lors de la rencontre
annuelle des animateurs du Programme Initiative Jeunes, le samedi 27 septembre
dernier, FOKAL a proposé à ces derniers d’expérimenter le débat en créole dans son
réseau de clubs. C’est un projet qui cristallisait déjà une forte attente, pour
ne pas dire une grande impatience, chez les jeunes débatteurs du Programme
Initiative Jeunes, mais qui a engendré pas mal de remous parmi les responsables
des clubs.
Intervention de Elizabeth Pierre-Louis, directrice des Programmes à FOKAL |
Démocratisation du débat et égalité entre débatteurs
Les farouches défenseurs de
cette idée ont commencé par déminer la controverse en écartant toute idée d’un
combat de langue. Ils ont soutenu que faire débattre les jeunes en créole
engendrerait une démocratisation du débat. Le débat serait plus populaire
et attirerait davantage de jeunes amateurs. Non seulement, il décomplexerait le
créole face au français dans le débat, mais encore cela mettrait fin à une
injustice envers le créole dans le programme de débat.
Intervention de Edwin Berly Pierre-Louis, animateur du club du Cap |
Un autre avantage du créole
est qu’il ferait fonction de désinhibiteur pour les timides qui auraient peur
de prendre la parole en français. Des animateurs ont affirmé que des jeunes de
leur club montrent un talent certain à discuter en créole. Mais quand on les
choisit pour intégrer une équipe de débatteurs pour défendre les couleurs du
club dans un tournoi, ils se rebiffent.
Intervention de Richardson Cadet, animateur du club de Jacmel |
En dernier lieu, débattre
en créole offrira un choix plus ouvert dans la sélection des débatteurs pour
participer à un tournoi. Des débatteurs moins talentueux mais s’exprimant bien
en français sont plus souvent choisis à la place de camarades maitrisant pourtant
moins bien le français. Cela promouvrait ainsi des critères plus égalitaires
lors de la constitution des équipes du club.
Paresse
intellectuelle et stigmatisation de débatteurs
Les animateurs réticents à
l’idée ont soulevé un écart dans l’accomplissement des objectifs de FOKAL à travers
son programme de débat. Selon l’un d’entre eux, si FOKAL vise l’excellence des
jeunes, elle doit encourager la maîtrise de langues autres que le créole dans
le débat. Cette initiative risquerait selon eux de ruiner l’effort
d’appropriation et de maîtrise du français chez les débatteurs, et pourrait
conduire certain(e)s à une forme de paresse intellectuelle consistant à
vouloir débattre seulement en créole, se délestant peu à peu du besoin d’avoir
des débats en français.
Intervention de Pierre Sony Daudier, animateur du club de Camp-Perrin |
|
Ils ont enfin perçu un
danger de dévalorisation et de stigmatisation des débatteurs voulant s’exprimer
uniquement en créole, par leurs camarades, une manière honteuse de discriminer
les gens par leur capacité à parler français, et qui aurait pour conséquence
une démobilisation, ou pire un retrait des jeunes des activités du club.
Une expérimentation, mais avec des garde-fous
Néanmoins, un consensus
s’est dégagé entre les 2 parties. Même si tous les animateurs sont d’accord
pour expérimenter le débat en créole dans leurs clubs respectifs, ils ont
demandé à ce que FOKAL fixe les principes du débat en créole et valide ces
préalables.
Premièrement, ils préfèrent
l’alternance français/créole dans les compétitions de débat. Un nombre de
matches serait joué en créole, une autre série en français, de manière alternée
dans un même tournoi. Il n’y aurait pas de tirage au sort pour le choix de
langue avant un match. Tout serait déterminé à l’avance. Pas de mélange de
créole et français à l’intérieur d’un même match de débat.
Intervention de Jonathan Vilmeus, animateur du club de Gros Morne |
Troisièmement, FOKAL
organise un match officiel débat en créole, avec des jeunes débatteurs, en
présence de tous les animateurs, pour tirer après les enseignements nécessaires
avant l’officialisation et la généralisation de ce modèle.
« Ce qui est le plus
important dans le débat, c’est la construction de la réflexion et de
l’argumentation », conclut Elizabeth Pierre-Louis, la directrice des programmes de FOKAL, qui animait la séance. Et un débatteur du programme doit
être capable de le faire dans n’importe quelle langue qu’il est appelé à
utiliser pour s’exprimer, que ce soit le créole, ou le français.
Le créole et le français, les 2 langues officielles du pays, n’ont pas fini d’en découdre. Ala bagay mesye dam !
Jean-Gérard ANIS
Coordonnateur du Programme
Initiative Jeunes
FOKAL
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