lundi 29 mai 2017

Le collège Saint-Louis de Bourdon est encore champion

La 4ème édition du tournoi inter-scolaire de débat, soutenue par FOKAL mais organisée par Alfred Désir et Joel Lazard, animateurs du club de débat de Christ-Roi, a débouché sur le sacre du collège Saint-Louis de Bourdon, qui a remporté le titre de Champion, pour la 2ème année consécutive, sur 8 établissements secondaires de la capitale en compétition : les lycées Marie Jeanne et Antenor Firmin, les collèges Saint-Louis de Bourdon, Institut Georges Marc, Élie Dubois, Sainte Geneviève, Notre-Dame de Lourdes et les Normaliens. Le tournoi a eu lieu samedi 6 mai 2017, à l’Institut Georges Marc, à Port-au-Prince.
Chaque équipe avait à jouer 5 matches de débat, l’équipe ayant obtenu le plus grand nombre de victoires remporte la compétition. Sept (7) juges officiaient dans ce tournoi inter-scolaire, à raison d’un par match de débat. Plusieurs dizaines de jeunes, essentiellement des camarades de classe des 24 débatteurs et débatteuses, dont dix sept (17) filles et sept (7) garçons, et de quelques parents, ont constitué l’audience des débats dans cette compétition.

Le premier, le second et le cinquième round s'étaient déroulés sur le premier sujet. round se sont déroulés autour du sujet suivant: « Il est justifié pour les États de refuser l'asile ou de résidence aux immigrants qui contredisent ouvertement leurs valeurs prédominantes ». Toutes les équipes ont joué deux matches sur ce sujet. Pour le cas affirmatif, bon nombre d'équipes ont montré pendant toute leur argumentation que les valeurs sont les bases de toute société, qu'on ne peut prétendre faire fonctionner une société sans valeurs, sans normes, sans principes. Certaines ont montré que c'était tout à fait justifié que des États refusent à ces immigrants l'asile car le refus qu’ils se plient à leurs normes sociales, porte atteinte à la souveraineté de ces pays.

Une équipe opposée à la résolution a expliqué que les immigrants ont leurs propres valeurs et qu'on ne pouvait en aucun cas leur imposer une autre culture. Telle autre équipe négative a fait valoir que chaque société a à son actif des valeurs et que le passage d'une société à une autre pouvait être difficile au départ ; donc pour eux, leur refuser l'asile est loin d'être la solution. Une autre défendant le cas négatif a spécifié qu'il serait mieux de leur enseigner au lieu de leur imposer parce qu'avec l'éducation, ces immigrants finiraient par connaître, comprendre et apprendre les valeurs que prônent ces pays d'accueil.
Dans le troisième et quatrième round, les équipes se sont affrontées sur le sujet suivant: « Les pays développés devraient accepter automatiquement les demandes d’asile présentées par les réfugiés touchés par le changement climatique ». Toutes les équipes ont encore joué deux matches sur ce sujet. Bon nombre d'équipes soutenant la résolution ont montré que le changement climatique était un problème grave qui avait des répercussions sur le long terme. Donc, les pays développés devraient pouvoir accepter ces réfugiés qui sont juridiquement protégés par la Convention de Genève de 1951.

Certaines équipes du cas négatif ont ciblé le mot "automatiquement" dans le sujet, pour rejeter cette politique. Elles ont montré que recevoir des réfugiés victimes du changement climatique exige un coût très élevé pour le pays d’accueil qui vont devoir leur assurer logement, des traitements sanitaires et également un travail adéquat, bref garantir leur intégration. Donc en résumé, accepter ces réfugiés nécessite toute une structure, selon eux. Elles ont par conséquent réfuté toute idée de les accepter automatiquement et proposent de préférence des aides financières et humanitaires en amont, c’est-à dire directement aux d’origine des réfugiés, pour prévenir et lutter contre le changement climatique.

À la fin du tournoi, l'équipe féminine du Collège Saint-Louis de Bourdon a gagné tous ses cinq débats et a été sacré Championne. Un bonheur n’arrivant jamais seul, la meilleure débatteuse du tournoi a été Adneïssa Christie ALEZY, élève également du Collège Saint-Louis de Bourdon.
Ce tournoi interscolaire réalisé par le club de débat de Christ-Roi sur la thématique "Migration à la recherche du bonheur" a permis à ces jeunes d'améliorer leur esprit critique, de renforcer leurs capacités à argumenter et à convaincre par la seule force de leurs arguments, et surtout de réfléchir sur un sujet brulant d’actualité nationale et mondiale qui mérite bien que les jeunes s’y intéressent.

Sarah Marlange ZÉPHYR & Joe J.E JEAN CHARLES
Responsables communication du club de Christ-Roi

jeudi 25 mai 2017

BMC contre Cap-Haïtien : le choc entre un ancien club champion et un champion en titre

Une fois de plus cette année, l’un des plus grands événements organisés par le Programme Initiative Jeunes (PIJ) de FOKAL, le tournoi régional de débat de l’Ouest, a eu lieu le samedi 13 mai 2017, au collège de Saint-Louis de Bourdon, à Port-au-Prince. Ce résumé retrace l’affrontement-choc entre deux équipes qui ont offert à ce tournoi l’une des plus belles prestations, autour de la résolution du débat : « La politique migratoire des pays riches d’encourager l’immigration des travailleurs qualifiés est préjudiciable aux nations pauvres ».

Dans ce passionnant débat, l’équipe du club de Cap-Haïtien soutenait la résolution, autrement dit dans le jargon du débat Karl Popper, jouait le cas affirmatif. Elle a axé son argumentation sur la fuite des cerveaux et l’égalité des hommes dans la jouissance de leurs droits. Ainsi, elle a avancé deux arguments : le premier développe l’idée que cette politique migratoire cause l’exode de l’intelligentsia, et le deuxième qu’elle affecte les droits humains des populations pauvres.

L’équipe de la Bibliothèque Monique Calixte (BMC) qui s’opposait à l’énoncé, c’est-à-dire interprétait le cas négatif, a construit son argumentation sur les retombées positives que la politique migratoire des pays riches a sur les nations pauvres : cette politique migratoire des pays riches contribue à l’augmentation des transferts vers les nations pauvres.

De prime abord, les deux équipes partaient sur le même pied d’égalité dans la présentation de leur cas,  car les arguments, de part et d’autre, étaient soumis à une démarche méthodologique assez rigoureuse. L’équipe capoise s’est appuyée sur des déclarations d’experts, de sociologues, de politologues et d’institutions comme le Centre National de la Recherche Scientifique, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, qui font autorité sur la question, afin de démontrer l’impact préjudiciable de cette politique migratoire sur le développement durable des pays pauvres.

D’un autre coté l’équipe de la BMC a apportée des données chiffrées émanant d’institutions comme la  Banque Inter-américaine de Développement, la Banque Mondiale, pour prouver que le montant des fonds transférés par les migrants est suffisamment conséquent pour contribuer au développement de leurs pays d’origine.

Le pari était lancé, et les affrontements allaient être très serrés. Ce fut un choc équilibré entre BMC et le Cap qui a insisté sur le caractère obligatoire de l’intelligentsia dans le développement des pays pauvres, car le développement ne peut pas se faire seulement avec des moyens économiques. BMC a plutôt mis l’accent sur les transferts d’argent des migrants qui contribuent au développement de leurs pays d’origine.

En guise de réfutation du deuxième argument de l’équipe affirmative, l’équipe de BMC a recouru à l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), pour dire qu’accepter une telle politique va au contraire porter atteinte au droit de circuler des personnes indiquées dans la DUDH. Mais par contre, les transferts d’argent que les migrants effectuent vers leurs familles contribuent à l’amélioration du niveau de vie de la population des nations pauvres.

L’équipe capoise ne s’est pas laissée sur l’article 13 de la DUDH auquel a fait référence l’équipe négative pour réfuter leur deuxième argument, en clarifiant ceci : dans cet article, il est question de droit de circuler, ce qui est différent de migrer, car circuler, comme faire du tourisme est différent du fait de s’installer dans un pays.

D’un autre coté, les débatteurs du Cap ont contrecarré la position de l’équipe de BMC en  démontrant que ces transferts d’argent, au niveau micro, améliorent les conditions de vie des familles des migrants laissées au pays ; mais d’un point de vue macro, elles ne contribuent nullement au développement de ces pays. Au contraire les migrants participent à l’enrichissement des pays d’accueil, et qu’indépendamment de ce que peuvent offrir les nations pauvres, les citoyens ont un engagement moral envers leurs pays. Par conséquent ils doivent rester pour travailler au développement de leur pays.

Passionnant, le match a continué en rebondissements successifs. La confrontation d’arguments a été au rendez-vous. Ainsi, BMC attaque la notion même de l’intelligentsia en la différenciant de l’intellectualisme, ce qui ne signifie pas forcément travailleurs qualifiés, une expression qui prend en compte les compétences techniques de certains métiers. Elle est revenue également sur la question des transferts d’argent des migrants qui participent au développement des pays pauvres, dans la mesure où des taxes sont prélevées sur ces transferts.

Et là une légère confusion s’est installée sur la notion de taxe, car l’équipe affirmative faisait référence aux taxes payées par les migrants dans les pays d’accueil qui sont en faveur de l’enrichissement de ces pays, pour retourner l’argument. L’équipe négative de son coté parlait des taxes prélevés sur les transferts par l’Etat des pays receveurs.

A un moment donné, l’équipe BMC a frappé un peu plus fort. En se référant à la situation de chômage qui règne dans ces pays migratoires, à l’engagement moral des migrants envers son pays dont faisait référence l’équipe affirmative, l’équipe négative a fait table rase du concept même de travailleurs qualifiés, qui ne peuvent pas participer au développement de leur pays malgré l’engagement qu’ils pourraient avoir, car justement ces pays ne disposent pas des conditions nécessaires pour les intégrer.

En situation de chômage, en quoi un travailleur qualifié peut-il être utile à son pays ? Et c’est justement sur ce point-là que le troisième négatif a capitalisé, en portant sa conclusion sur cette chute : « Entre être qualifié sans emploi et ne pas pouvoir aider sa famille et rester dans son pays juste par obligation morale, mieux vaut être un immigrant dans un pays où l’on peut travailler pour améliorer les contions de vie de ses proches en leur envoyant de l’argent sur lequel des taxes vont être prélevés pour contribuer au développement de son pays ».

Epilogue. L’équipe de BMC a remporté le match en y mettant armes et âmes pour pouvoir convaincre le jury. Mais, encore une fois le club du Cap-Haïtien, champion en titre pour l’année 2016, a été au top, et maintient toujours le cap.

Magalie Civil
Animatrice du club de Cote-Plage
24 Mai 2017

mardi 23 mai 2017

Confidences d’une montréalaise à Port-au-Prince : de l’art de débattre

Lorsque j’ai eu la chance, il y a deux semaines de cela, d’assister à une des dernières phases du tournoi de débat annuel organisé par FOKAL le 13 mai 2017, à Port-au-Prince, j’ai été confrontée à la grande différence qui existe entre le modèle argumentatif et l’esprit de débat haïtien et celui du Canada, tout en me remémorant de doux souvenirs de ma jeunesse (j’ai vingt ans, il faut ainsi prendre le terme jeunesse avec un grain de sable, un très, très large grain de sable). Depuis aussi longtemps que je peux me souvenir, j’ai toujours adoré débattre, et pas uniquement lors de tournois organisés, au grand dam de mes parents, mais bien dans toute situation qui le permettait. 
Emmanuelle Grandbois
Choisir un film le vendredi soir devenait un processus interminable, le souper faisait office de champ de bataille pour mes opinions et j’avais tendance à faire éterniser les cours parce que je m’amusais à remettre en question la position de mes camarades ou de mes professeurs (ce qui n’était pas sans répercussions, croyez-moi!). Certains argumenteront que j’étais ainsi par pure malice, alors que je préfère penser que j’étais de la sorte par un souci de critique sociale. La vraie explication se trouve probablement à mi-chemin entre ces deux dernières. Ainsi, dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai commencé à participer aux activités de débats de mon école, et je dois admettre, je fus quelque peu déçue aux premiers abords.

Si je suis persuadée que les stéréotypes ne sont qu’une nuisance sociale parfois sans aucun fond et découlant d’une construction sociale simpliste et opportuniste, l’idée comme quoi les Canadiens sont d’une politesse presque effrayante est bel et bien fondée (encore une fois, faites-moi confiance sur le sujet, une promenade à travers Ottawa est comme un concert interminable rythmé de « merci » et de « désolé »). Alors que j’avais voulu me joindre au club de débat pour canaliser ma fougue dans un lieu où cette dernière serait finalement appréciée, je suis plutôt tombée nez à nez avec le style de débat canadien : poli, réservé, structuré à outrance et quelque peu monotone. Où étaient la passion et l’enthousiasme que j’avais tant souhaité voir?
 Quiconque me connait minimalement sait que j’ai une voix qui porte et les bras qui volent sans cesse dans les airs, désespérément soucieuse de me faire remarquer et de faire valoir mon point de vue; ainsi étais-je assise, les bras ballants, sans un son qui ne sortait de ma bouche – probablement pour une des premières fois de ma vie – en assistant à la première manche du débat auquel je devais participer sous peu. Personne ne s’énervait, ne parlait fort, ne coupait la parole d’autrui ou ne gesticulait à s’en déboiter l’épaule comme j’avais eu l’habitude de communiquer mes opinions à travers le passé. Plutôt, chaque équipe représentant un camp antagonique écoutait calmement l’autre présenter son argumentation, pour par la suite présenter de façon tout aussi impassible leur propre raisonnement, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’en résulte un deux-heures cadencé de sourires courtois et de concessions affables, à un niveau de décibels si bas que j’en eus mal à la tête. Vous pouvez bien sûr vous imaginer que j’ai grandement dissoné lorsque vint mon tour plus tard dans la journée – peu importe l’effort que je mis à ne pas m’emporter en discutant de sujets sensibles qui me tenaient à cœur, je fus à maintes reprises interpellée par les juges m’intimant de descendre de mes grands chevaux. Ma première séance de débat organisé fut, je dois l’admettre, un échec retentissant.

Et puis, avec les années, peut-être grâce à la grande maturité que j’adorais penser avoir acquise avant même d’avoir entamé ma vingtaine, j’ai appris à communiquer mon opinion non seulement avec plus de passivité et de stoïcisme, si l’on veut, mais surtout, avec plus de respect pour mon interlocuteur. Ainsi, je me suis fondue à ce moule que m’imposait le modèle de débat adopté par la majorité des Canadiens, bien malgré moi, mais à mon grand plaisir. J’ai remarqué en conservant cette attitude lors de mes discussions de tous les jours que, peu importe l’émotion que suscitait en moi un quelconque sujet, mon opinion quant à ce dernier était mieux acceptée par autrui lorsque communiquée calmement. Bien sûr, ce n’était pas toujours facile, étant de nature exubérante et peu tolérante à l’arrogance intellectuelle mal fondée, mais règle générale, je m’évitais bien des conflits (ou la version canadienne d’un conflit, soit une légère confrontation suivie de nombreux «je m’excuse») et à d’autres, bien des migraines. J’ai de ce fait compris l’importance de ne pas s’emporter et qu’il y avait une raison derrière ce modèle argumentatif qui me déplaisait tant auparavant.
Le samedi 13 mai dernier, lorsque j’ai assisté à un des premiers débats de la journée, un grand sourire m’a fendu le visage lorsque j’ai vite reconnu cette même fougue et intensité que j’avais l’habitude d’utiliser pour faire valoir mon argument. Une quinzaine de minutes après le commencement du débat, qui traitait de la possibilité hypothétique d’ajouter le droit de migrer à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, le débit de parole commença à augmenter, tout comme le niveau de décibels, à mon plus grand plaisir. Il s’agissait d’un sujet si actuel qu’il était presque impossible qu’il ne suscite pas de réaction chez les jeunes qui participaient au tournoi. Les couteaux volaient parfois bas et les cris souvent hauts, mais bien vite, la gêne perceptible au début du débat laissa place à une énergie que, je dois admettre, est généralement absente de la version canadienne à laquelle je me suis familiarisée durant les dernières années.

La journée continua de telle sorte et j’eus la chance d’entrevoir cette vivacité captivante à de nombreuses reprises en me promenant dans les couloirs du collège Saint-Louis de Bourdon. Chacun à leur manière, garçons comme filles, était habité d’une émotion plus visible pour certains que pour d’autres, mais règle générale, une nette différence avec le débat que j’avais appris à respecter au Canada se traçait dans mon esprit. Après y avoir un peu réfléchi, je suis arrivée à la conclusion qu’une alliance de l’esprit argumentatif haïtien, dans toute sa ténacité et son enthousiasme, lié au calme et à l’ordre du modèle de débat canadien, mènerait, selon moi, à une forme de débat idéal, alliant émotion et réserve et combinant ainsi le meilleur des deux extrémités du spectre.
Je mentirais si je disais que mon expérience de ce samedi 13 mai ne m’avait pas quelque peu influencée; ainsi vais-je recommencer à laisser transparaitre un peu d’émotivité lorsque je vais réincorporer le groupe de débat de mon université. Je conserverai cette modération fondamentale à la forme argumentative de mon pays natal, sans non plus m’efforcer de figer mon expression faciale dans un rictus bienséant masquant mon entrain. Très certainement le ton de ma voix, le débit de mes paroles et le mouvement effréné de mes mains augmentera également proportionnellement et je peux déjà prédire le roulement d’yeux de nombreux (dont de mes chers parents, auxquels je m’excuse en avance). Mais c’est après tout pour cela que j’ai commencé à débattre, non?

Emmanuelle GRANDBOIS
Mineure en Anthropologie
2ème année de Baccalauréat en Politique

Université de Montréal

mercredi 17 mai 2017

Jeunesse d’aujourd’hui, rêves de demain

FOKAL est - sans même une pointe d’exagération - un des organismes haïtiens les plus connus et les plus importants du pays, œuvrant ardemment pour offrir au peuple pour lequel elle travaille un éventail d’opportunités. Née en avril 1995, sa mentalité, tout comme ses actions, a une visée principale bien déterminée, soit d’améliorer le sort de la société éprouvée qu’est Haiti en misant sur sa jeunesse. Si peu de sujets suscitent l’accord général, l’idée que la jeunesse soit le futur d’une nation, en en reflétant à la fois ses plus graves lacunes et ses rêves les plus prometteurs, est vraisemblablement universel. Ainsi, combinée à une équipe passionnée et investie, un soutien financier de fondations comme l’Open Society Foundations et une juste compréhension des besoins du pays, cette capacité de cibler les jeunes pour faire progresser les choses fait de FOKAL un modèle de développement durable. Le programme Initiative Jeunes est, tel son nom le laisse sous-entendre, une parfaite incarnation de ce principe, tout en étant une des premières entreprises de FOKAL, initiée en 1996 et concrétisée en 1997. 

Emmanuelle Grandbois

Le Programme Initiative Jeunes, qui a célébré ses vingt ans en 2016, tente de combler les lacunes éducatives du système scolaire haïtien, où, comme le responsable du projet, Jean-Gérard Anis, le confirme, les jeunes sont incités à mémoriser la matière sans développer un esprit critique. Ce dernier point est conséquemment au cœur du programme. Ainsi, à travers le débat et les différents angles abordés par Initiative Jeunes, ceux qui choisissent d’y participer et qui, un jour peut-être, seront des leaders au sein de leur communauté ou tout simplement des citoyens engagés et responsables, auront su cultiver une vision critique du monde qui les entoure, tout en se sensibilisant à des sujets qui les affectent et d’exercer leurs droits démocratiques.

Ouvert à tous dans un esprit d’égalité sociale et des genres, le programme compte maintenant quatorze clubs de débat à travers les départements du Nord, de l’Artibonite, de l’Ouest, du Sud, du Sud-Est et de la Grand-Anse. Près de quatre cent jeunes ont de ce fait la chance de faire progresser leurs capacités argumentatives sous la supervision bénévole de vingt-huit animateurs et d’une centaine de collaborateurs occasionnels qui, à l’image de FOKAL et des responsables du programme, veulent donner plus de ressources à la jeunesse haïtienne. Depuis son commencement, le programme a vu le nombre de filles participantes augmenter, pour finalement surpasser celui des garçons. Plus encore, par son fonctionnement, le programme incite le respect mutuel entre les jeunes des différents clubs, le partage des connaissances, la liberté d’expression et la tolérance, outre les atouts académiques qui découlent logiquement d’un tel exercice, telle la capacité à effectuer des recherches, à organiser sa pensée et la communiquer selon un modèle précis en plus de pouvoir cerner les multiples facettes d’une même question. 
L'équipe féminine de Christ-Roi, vice-championne du tournoi régional de l'Ouest
 Parallèlement au débat, qui constitue l’instrument principal du programme, Initiative Jeunes met également de l’avant plusieurs projets complémentaires à l’éducation civique des jeunes Haïtiens. Que ce soit par la consultation des participants afin d’obtenir leurs opinions quant aux sujets centraux de leur société, le projet collaboratif Vague du Futur sur les droits et la démocratie à travers des séminaires de réflexion, le partenariat avec l’association de débat internationale IDEA ou encore en encourageant la coopération avec les clubs de débats dominicains dans l’optique d’améliorer les relations entre les jeunes des deux pays, Initiative Jeunes rend un vaste ensemble de dispositifs éducatifs disponibles à ses membres.

Les concours de débats ne sont pas nouveaux pour Initiative Jeunes, qui organisent ces derniers depuis 2012 et voient le succès de ces derniers progresser de façon assez satisfaisante. Durant cette 5e édition du tournoi régional, qui pris place au collège Saint-Louis de Bourdon et où huit club s’y sont affrontés, les jeunes présents ont eu la chance de prendre des positions antagoniques quant à un sujet qui est de toute évidence d’actualité, soit la migration, phénomène qui, depuis les dernières années, bouleverse l’ordre mondial et agite la société haïtienne, comme le dit si bien Anis afin de justifier le choix d’un tel sujet.
Si l’on avait l’opportunité de déambuler entre les classes où avaient lieu les débats en ce samedi 13 de mai, on pouvait alors observer une fougue et un enthousiasme captivant qui émanait de ces rencontres. Un des débats, le tout premier de la journée, portait sur la question suivante : le droit de migrer devrait-il être assuré par la Déclaration universelle des droits de l’Homme? Les jeunes des deux équipes qui se faisaient alors face ont eu l’opportunité de prendre une double position quant au sujet à travers la journée, et nombreux arguments valides ont été énoncés successivement, pour offrir un portrait global des multiples facettes qui composaient la question; parmi les arguments positifs, on retrouvait la promotion de l’égalité entre les races humaines et l’amélioration de la condition dans laquelle vivent de nombreux, et de l’autre côté, l’atteinte  à la protection sociale et à la souveraineté ont été invoqués. Le tournoi se termina peu avant le coucher du soleil par une remise de prix qui sonna la fin de cette journée à la fois épuisante et égayante. Les deux équipes gagnantes, soit celles de Cote-Plage et de Christ-Roi ont ainsi été qualifiées pour la phase finale du tournoi qui prendra lieu en juillet lors du camp d’été mis en place par FOKAL dans le cadre d’Initiative Jeunes.

Bien sûr, tout n’est pas parfait et un certain chemin reste à faire. Comme le mentionnait Jean-Marie Pierre, ancien responsable du programme qui vu ce dernier devenir ce qu’il est aujourd’hui depuis sa fondation en n’ayant manqué aucune rencontre des dernières vingt années, ce projet est d’une importance capitale puisque, ultimement, il aide les jeunes à s’épanouir. Toutefois, cet ancien professeur de littérature souhaiterait voir le projet évoluer en traitant d’autres sujets qu’il juge décisifs, comme l’homosexualité par exemple. De plus, il perçoit, tout comme Anis, que la société haïtienne bénéficierait grandement d’une expansion du projet aux rangs universitaires, et cela, sous une implication gouvernementale accrue. Plus encore, Anis exprimait le désir de décupler le militantisme social découlant d’un tel programme, en plus de renforcer la qualité des débats et d’épandre la portée d’Initiative Jeunes, toujours dans l’optique de miser sur la jeunesse aujourd’hui pour améliorer les conditions sociales de demain.

Emmanuelle GRANDBOIS
Mineur en Anthropologie
2e année de Baccalauréat en politique
Université de Montréal

Une année à la tête du PIJ

  cher.es ami.es, Depuis janvier 2022, je suis appelé par la direction de la FOKAL à assumer la charge de la coordination du Programme Initi...