mercredi 17 mai 2017

Jeunesse d’aujourd’hui, rêves de demain

FOKAL est - sans même une pointe d’exagération - un des organismes haïtiens les plus connus et les plus importants du pays, œuvrant ardemment pour offrir au peuple pour lequel elle travaille un éventail d’opportunités. Née en avril 1995, sa mentalité, tout comme ses actions, a une visée principale bien déterminée, soit d’améliorer le sort de la société éprouvée qu’est Haiti en misant sur sa jeunesse. Si peu de sujets suscitent l’accord général, l’idée que la jeunesse soit le futur d’une nation, en en reflétant à la fois ses plus graves lacunes et ses rêves les plus prometteurs, est vraisemblablement universel. Ainsi, combinée à une équipe passionnée et investie, un soutien financier de fondations comme l’Open Society Foundations et une juste compréhension des besoins du pays, cette capacité de cibler les jeunes pour faire progresser les choses fait de FOKAL un modèle de développement durable. Le programme Initiative Jeunes est, tel son nom le laisse sous-entendre, une parfaite incarnation de ce principe, tout en étant une des premières entreprises de FOKAL, initiée en 1996 et concrétisée en 1997. 

Emmanuelle Grandbois

Le Programme Initiative Jeunes, qui a célébré ses vingt ans en 2016, tente de combler les lacunes éducatives du système scolaire haïtien, où, comme le responsable du projet, Jean-Gérard Anis, le confirme, les jeunes sont incités à mémoriser la matière sans développer un esprit critique. Ce dernier point est conséquemment au cœur du programme. Ainsi, à travers le débat et les différents angles abordés par Initiative Jeunes, ceux qui choisissent d’y participer et qui, un jour peut-être, seront des leaders au sein de leur communauté ou tout simplement des citoyens engagés et responsables, auront su cultiver une vision critique du monde qui les entoure, tout en se sensibilisant à des sujets qui les affectent et d’exercer leurs droits démocratiques.

Ouvert à tous dans un esprit d’égalité sociale et des genres, le programme compte maintenant quatorze clubs de débat à travers les départements du Nord, de l’Artibonite, de l’Ouest, du Sud, du Sud-Est et de la Grand-Anse. Près de quatre cent jeunes ont de ce fait la chance de faire progresser leurs capacités argumentatives sous la supervision bénévole de vingt-huit animateurs et d’une centaine de collaborateurs occasionnels qui, à l’image de FOKAL et des responsables du programme, veulent donner plus de ressources à la jeunesse haïtienne. Depuis son commencement, le programme a vu le nombre de filles participantes augmenter, pour finalement surpasser celui des garçons. Plus encore, par son fonctionnement, le programme incite le respect mutuel entre les jeunes des différents clubs, le partage des connaissances, la liberté d’expression et la tolérance, outre les atouts académiques qui découlent logiquement d’un tel exercice, telle la capacité à effectuer des recherches, à organiser sa pensée et la communiquer selon un modèle précis en plus de pouvoir cerner les multiples facettes d’une même question. 
L'équipe féminine de Christ-Roi, vice-championne du tournoi régional de l'Ouest
 Parallèlement au débat, qui constitue l’instrument principal du programme, Initiative Jeunes met également de l’avant plusieurs projets complémentaires à l’éducation civique des jeunes Haïtiens. Que ce soit par la consultation des participants afin d’obtenir leurs opinions quant aux sujets centraux de leur société, le projet collaboratif Vague du Futur sur les droits et la démocratie à travers des séminaires de réflexion, le partenariat avec l’association de débat internationale IDEA ou encore en encourageant la coopération avec les clubs de débats dominicains dans l’optique d’améliorer les relations entre les jeunes des deux pays, Initiative Jeunes rend un vaste ensemble de dispositifs éducatifs disponibles à ses membres.

Les concours de débats ne sont pas nouveaux pour Initiative Jeunes, qui organisent ces derniers depuis 2012 et voient le succès de ces derniers progresser de façon assez satisfaisante. Durant cette 5e édition du tournoi régional, qui pris place au collège Saint-Louis de Bourdon et où huit club s’y sont affrontés, les jeunes présents ont eu la chance de prendre des positions antagoniques quant à un sujet qui est de toute évidence d’actualité, soit la migration, phénomène qui, depuis les dernières années, bouleverse l’ordre mondial et agite la société haïtienne, comme le dit si bien Anis afin de justifier le choix d’un tel sujet.
Si l’on avait l’opportunité de déambuler entre les classes où avaient lieu les débats en ce samedi 13 de mai, on pouvait alors observer une fougue et un enthousiasme captivant qui émanait de ces rencontres. Un des débats, le tout premier de la journée, portait sur la question suivante : le droit de migrer devrait-il être assuré par la Déclaration universelle des droits de l’Homme? Les jeunes des deux équipes qui se faisaient alors face ont eu l’opportunité de prendre une double position quant au sujet à travers la journée, et nombreux arguments valides ont été énoncés successivement, pour offrir un portrait global des multiples facettes qui composaient la question; parmi les arguments positifs, on retrouvait la promotion de l’égalité entre les races humaines et l’amélioration de la condition dans laquelle vivent de nombreux, et de l’autre côté, l’atteinte  à la protection sociale et à la souveraineté ont été invoqués. Le tournoi se termina peu avant le coucher du soleil par une remise de prix qui sonna la fin de cette journée à la fois épuisante et égayante. Les deux équipes gagnantes, soit celles de Cote-Plage et de Christ-Roi ont ainsi été qualifiées pour la phase finale du tournoi qui prendra lieu en juillet lors du camp d’été mis en place par FOKAL dans le cadre d’Initiative Jeunes.

Bien sûr, tout n’est pas parfait et un certain chemin reste à faire. Comme le mentionnait Jean-Marie Pierre, ancien responsable du programme qui vu ce dernier devenir ce qu’il est aujourd’hui depuis sa fondation en n’ayant manqué aucune rencontre des dernières vingt années, ce projet est d’une importance capitale puisque, ultimement, il aide les jeunes à s’épanouir. Toutefois, cet ancien professeur de littérature souhaiterait voir le projet évoluer en traitant d’autres sujets qu’il juge décisifs, comme l’homosexualité par exemple. De plus, il perçoit, tout comme Anis, que la société haïtienne bénéficierait grandement d’une expansion du projet aux rangs universitaires, et cela, sous une implication gouvernementale accrue. Plus encore, Anis exprimait le désir de décupler le militantisme social découlant d’un tel programme, en plus de renforcer la qualité des débats et d’épandre la portée d’Initiative Jeunes, toujours dans l’optique de miser sur la jeunesse aujourd’hui pour améliorer les conditions sociales de demain.

Emmanuelle GRANDBOIS
Mineur en Anthropologie
2e année de Baccalauréat en politique
Université de Montréal

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