FOKAL est - sans
même une pointe d’exagération - un des organismes haïtiens les plus connus et
les plus importants du pays, œuvrant ardemment pour offrir au peuple pour
lequel elle travaille un éventail d’opportunités. Née en avril 1995, sa
mentalité, tout comme ses actions, a une visée principale bien déterminée, soit
d’améliorer le sort de la société éprouvée qu’est Haiti en misant sur sa
jeunesse. Si peu de sujets suscitent l’accord général, l’idée que la jeunesse
soit le futur d’une nation, en en reflétant à la fois ses plus graves lacunes
et ses rêves les plus prometteurs, est vraisemblablement universel. Ainsi, combinée à
une équipe passionnée et investie, un soutien financier de fondations comme
l’Open Society Foundations et une juste compréhension des besoins du pays, cette
capacité de cibler les jeunes pour faire progresser les choses fait de FOKAL un
modèle de développement durable. Le programme Initiative Jeunes est, tel son nom le laisse sous-entendre, une
parfaite incarnation de ce principe, tout en étant une des premières
entreprises de FOKAL, initiée en 1996 et concrétisée en 1997.
Emmanuelle Grandbois |
Le Programme Initiative Jeunes, qui a célébré ses vingt
ans en 2016, tente de combler les lacunes éducatives du système scolaire
haïtien, où, comme le responsable du projet, Jean-Gérard Anis, le confirme, les
jeunes sont incités à mémoriser la matière sans développer un esprit critique.
Ce dernier point est conséquemment au cœur du programme. Ainsi, à travers le
débat et les différents angles abordés par Initiative
Jeunes, ceux qui choisissent d’y participer et qui, un jour peut-être,
seront des leaders au sein de leur communauté ou tout simplement des citoyens
engagés et responsables, auront su cultiver une vision critique du monde qui
les entoure, tout en se sensibilisant à des sujets qui les affectent et
d’exercer leurs droits démocratiques.
Ouvert à tous dans
un esprit d’égalité sociale et des genres, le programme compte maintenant
quatorze clubs de débat à travers les départements du Nord, de l’Artibonite, de
l’Ouest, du Sud, du Sud-Est et de la Grand-Anse. Près de quatre cent jeunes ont
de ce fait la chance de faire progresser leurs capacités argumentatives sous la
supervision bénévole de vingt-huit animateurs et d’une centaine de
collaborateurs occasionnels qui, à l’image de FOKAL et des responsables du
programme, veulent donner plus de ressources à la jeunesse haïtienne. Depuis
son commencement, le programme a vu le nombre de filles participantes
augmenter, pour finalement surpasser celui des garçons. Plus encore, par son
fonctionnement, le programme incite le respect mutuel entre les jeunes des
différents clubs, le partage des connaissances, la liberté d’expression et la
tolérance, outre les atouts académiques qui découlent logiquement d’un tel
exercice, telle la capacité à effectuer des recherches, à organiser sa pensée
et la communiquer selon un modèle précis en plus de pouvoir cerner les
multiples facettes d’une même question.
L'équipe féminine de Christ-Roi, vice-championne du tournoi régional de l'Ouest |
Parallèlement au
débat, qui constitue l’instrument principal du programme, Initiative Jeunes met également de l’avant plusieurs projets
complémentaires à l’éducation civique des jeunes Haïtiens. Que ce soit par la
consultation des participants afin d’obtenir leurs opinions quant aux sujets
centraux de leur société, le projet collaboratif Vague du Futur sur les droits et la démocratie à travers des
séminaires de réflexion, le partenariat avec l’association de débat
internationale IDEA ou encore en
encourageant la coopération avec les clubs de débats dominicains dans l’optique
d’améliorer les relations entre les jeunes des deux pays, Initiative Jeunes rend un vaste ensemble de dispositifs éducatifs
disponibles à ses membres.
Les concours de débats
ne sont pas nouveaux pour Initiative
Jeunes, qui organisent ces derniers depuis 2012 et voient le succès de ces
derniers progresser de façon assez satisfaisante. Durant cette 5e
édition du tournoi régional, qui pris place au collège Saint-Louis de Bourdon
et où huit club s’y sont affrontés, les jeunes présents ont eu la chance de
prendre des positions antagoniques quant à un sujet qui est de toute évidence
d’actualité, soit la migration, phénomène qui, depuis les dernières années,
bouleverse l’ordre mondial et agite la société haïtienne, comme le dit si bien
Anis afin de justifier le choix d’un tel sujet.
Si l’on avait
l’opportunité de déambuler entre les classes où avaient lieu les débats en ce
samedi 13 de mai, on pouvait alors observer une fougue et un enthousiasme
captivant qui émanait de ces rencontres. Un des débats, le tout premier de la
journée, portait sur la question suivante : le droit de migrer devrait-il
être assuré par la Déclaration universelle des droits de l’Homme? Les jeunes
des deux équipes qui se faisaient alors face ont eu l’opportunité de prendre
une double position quant au sujet à travers la journée, et nombreux arguments
valides ont été énoncés successivement, pour offrir un portrait global des
multiples facettes qui composaient la question; parmi les arguments positifs,
on retrouvait la promotion de l’égalité entre les races humaines et l’amélioration
de la condition dans laquelle vivent de nombreux, et de l’autre côté,
l’atteinte à la protection sociale et à
la souveraineté ont été invoqués. Le tournoi se termina peu avant le coucher du
soleil par une remise de prix qui sonna la fin de cette journée à la fois
épuisante et égayante. Les deux équipes gagnantes, soit celles de Cote-Plage et
de Christ-Roi ont ainsi été qualifiées pour la phase finale du tournoi qui
prendra lieu en juillet lors du camp d’été mis en place par FOKAL dans le cadre
d’Initiative Jeunes.
Bien sûr, tout
n’est pas parfait et un certain chemin reste à faire. Comme le mentionnait Jean-Marie
Pierre, ancien responsable du programme qui vu ce dernier devenir ce qu’il est
aujourd’hui depuis sa fondation en n’ayant manqué aucune rencontre des
dernières vingt années, ce projet est d’une importance capitale
puisque, ultimement, il aide les jeunes à s’épanouir. Toutefois, cet ancien
professeur de littérature souhaiterait voir le projet évoluer en traitant
d’autres sujets qu’il juge décisifs, comme l’homosexualité par exemple. De
plus, il perçoit, tout comme Anis, que la société haïtienne bénéficierait
grandement d’une expansion du projet aux rangs universitaires, et cela, sous
une implication gouvernementale accrue. Plus encore, Anis exprimait le désir de
décupler le militantisme social découlant d’un tel programme, en plus de
renforcer la qualité des débats et d’épandre la portée d’Initiative Jeunes, toujours dans l’optique de miser sur la jeunesse
aujourd’hui pour améliorer les conditions sociales de demain.
Emmanuelle GRANDBOIS
Mineur en Anthropologie
2e année de Baccalauréat
en politique
Université de Montréal
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