vendredi 25 janvier 2013

Le club de Santo à l’école du débat


Dans le cadre de ses activités de fin d’année, le club de débat de Santo a organisé, le jeudi 27 décembre dernier, une grande journée de formation et de détente dans la ville de Petit-Goâve.
Trente trois (33) jeunes du groupe ont pris part à cette journée qui s’était fixé ce triple objectif à savoir : améliorer la capacité des jeunes dans la pratique du débat Karl Popper ; renforcer les liens d’amitié entre les membres du groupe ; découvrir les richesses de la ville de Petit-Goave.

Arrivés aux environs de 11h am à Petit-Goâve, les jeunes ont été accueillis par le Centre d’Art et d’Artisanat de Petit-Goâve, créée par le célèbre plasticien José Hermantin. Qu’il s’agit des tableaux exposés, des pierres taillées ou des sculptures en bois, les jeunes ont pu apprécier les grandes œuvres de cet artiste ainsi que celles des jeunes de leur âge.

Certains s’interrogeaient sur la condition de la vie des artistes : comment devenir artiste peintre ? Mais surtout comment survivre avec un tel métier dans un pays où les gens ont tendance à se tourner plutôt vers ce qui parait utile, tangible ? D’autres ne se lassaient jamais de se faire prendre en photo avec les pièces exposées tant ils ont été éblouis par la qualité des œuvres qui s’y trouvent.

Deux séances de formation ont été réalisées : l’une sur la procédure à suivre dans la préparation d’un match de débat que j’ai animé. Cette séance devait répondre à la préoccupation de certains jeunes qui avaient des difficultés à savoir le processus à suivre pour arriver à présenter un débat de qualité.

L’autre séance de formation concerne les techniques d’expression orale qui constituent l’un des facteurs déterminants dans le débat puisque c’est par elle que les positions (affirmative et négatives) sont connues. Elle a été animée par Francklin qui, dans un exposé d’une trentaine de minutes, a démontré aux jeunes que devenir un bon orateur n’est pas sorcier. C’est une qualité qui s’acquiert à force de travail. L’important c’est d’avoir le souci constant d’une présentation réussie que l’on obtiendra du moment que l’on parvient à faire usage des gestes, des regards, d’un ton varié et à mesure que l’on veut accentuer un aspect ou fait particulier du débat. 

Puis, il leur a demandé de faire des exercices répétitifs de présentation devant un miroir, ce qui leur permettra de corriger les gestes ainsi que leur posture, de lire à voix haute des textes qu’ils trouveront dans un quotidien par exemple, avec le souci d’être audible, d’avoir le sens du rythme et de maitriser le temps alloué à la présentation.

Après le repas, eut lieu un match d’exhibition sur l’énoncé : « La protection de l’environnement est plus importante que le développement économique. » C’était un match très animé au cours duquel les débatteurs de chaque équipe ont fait valoir leur position. Ce match d’exhibition a été suivi de commentaires des jeunes sur ce qu’ils y ont apprécié et ce qui pourrait être renforcé.

Suite à cette activité, les jeunes ont visité la ville de Petit-Goâve. Nous avons visité le Lycée Faustin Soulouque, la Mairie, le port de Petit-Goâve qui est actuellement en construction et la plage publique de Bon Repos où ils s’y sont baignés.

A 5h pm, on a repris la route pour Santo, avec le sentiment d’avoir eu une journée bien remplie. Les jeunes ont beaucoup apprécié cette journée qui a su combiner à la fois formation et distraction, l’utile à l’agréable.

Wisguerby Bellegarde
Animateur du club de Santo

jeudi 24 janvier 2013

L'Ombudsman, la protection des droits de la personne et la résolution pacifique des conflits


PREMIÈRE PARTIE : Ouverture et présentation

Objectifs du colloque et présentation des acteurs

Tel est le titre du colloque qui s’est tenu le lundi 14 janvier 2013 à l’Hôtel Montana, organisé conjointement par l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) et la division de Démocratie durable et des missions spéciales de l’Organisation des Etats Américains (OEA), avec l’appui financier du Fonds pour la paix et la Sécurité mondiale du Ministère des Affaires étrangères du Canada. Plus d’une cinquantaine de représentants d’ONG nationales et internationales ont pris part à ce colloque. FOKAL y a participé par le biais de son représentant Jean-Gérard Anis, coordonnateur des Programmes Initiative Jeunes.

L’objectif de ce colloque, selon Frédéric Bolduc, représentant spécial de l’OEA en Haïti, est de partager avec les Haïtiens, plus particulièrement avec les organisations de la société civile haïtienne engagées dans la promotion et la protection des droits humains, les meilleures expériences en la matière de la région latino-américaine, la plus inégale de la planète, au taux de violence le plus élevé au monde, reconnut-il, avec en exergue les conflits sociaux engendrés par le fossé grandissant entre riches et pauvres.
Mme Florence Elie, Protecteur du Citoyen, à l'OPC

La Protectrice du citoyen, Florence Elie de l’OPC, a ajouté l’objectif de faire connaitre le travail de son organisme public dans la solution pacifique des conflits. Elle a rendu un  hommage appuyé à la solidarité régionale des 5 pays amis des intervenants de ce colloque, malgré notre isolement linguistique (Venezuela, Guatemala, Salvador, Pérou, Equateur), aux représentants de l’OEA. Elle a rappelé l’indépendance intégrale (mais incomplète) de l’OPC depuis le vote-clé du Parlement haïtien et la promulgation de la loi organique de l’OPC par l’Exécutif haïtien en juillet 2012. Ce colloque, a-t-elle précisé, débouchera prochainement sur un programme de formation approfondie de 2 semaines en médiation pour 50 cadres de l’OPC.

L’ambassadeur canadien Henri-Paul Normandin, dans son allocution de circonstance, a insisté sur l’intérêt et l’utilité d’un tel colloque en Haïti où, d’après lui, la fragilité des institutions ne permet pas d’assurer efficacement la protection des citoyens contre les cas d’abus et l’imputabilité des institutions gouvernementales. Cependant, il croit que l’OPC a un impact, fait la différence dans la vie des gens et contribue à la protection des citoyens, pierre angulaire à la cohésion sociale.

Comprendre le rôle de l’OPC dans le contexte haïtien

Le directeur juridique de l’OPC, Amoce Auguste, a expliqué que l’OPC est un organisme public indépendant de promotion et de protection des droits de la personne de l’Etat haïtien, créé en 1987 avec un mandat constitutionnel, et financé par des fonds publics. Sa mission est de protéger tout individu contre toutes les formes d’abus de l’administration publique. En ce sens, il travaille avec l’appareil judiciaire, et dispose de 3 grands pouvoirs :
- pouvoir d’enquête lors des cas de violation des droits de la personne,
- pouvoir de recommandations dans la définition de la politique générale de l’Etat en matière de protection des droits humains,
-  pouvoir de médiation dans la résolution pacifique des conflits
Malgré le travail herculéen de sa tache devant la situation dramatique et la violation systémique et variée des droits humains dans le pays, l’OPC constitue la clé de voûte des efforts de consolidation d’un Etat de droit en Haïti.
M. Amoce Auguste, Directeur juridique à l'OPC
Dans son action de médiation dans les conflits, l’OPC n’intervient pas sur le fond des dossiers, mais sur la forme, c’est-à dire veille au principe du contradictoire, au respect des règles et des dispositions en matière de droits humains dans les cas à traiter. Ses actions sur le terrain portent sur la réception et le traitement des plaintes, l’enquête systémique et le monitoring, la protection des plus vulnérables (enfants, femmes, détenus). L’OPC joue un rôle de catalyseur pour l’Examen Périodique universel, système d’évaluation des Nations unies de la situation des droits humains auquel se soumet l’Etat haïtien tous les 3 ans.

Amoce Auguste a souligné que l’institution est en butte à certaines difficultés récurrentes qui entravent son action bienveillante et désintéressée auprès de la population haïtienne. Il a mentionné le budget restreint inadéquat avec son mandat plus expansif, le degré de collaboration variable avec l’administration publique, le manque de connaissance du mandat de l’OPC par l’administration publique et les particuliers, la confusion avec la Protection civile.

DEUXIÈME PARTIE : Expériences et meilleures pratiques de l’Ombudsman en Amérique latine

2.1  Le rôle de l’ombudsman en matière de défense des droits des enfants protégés par les instruments américains

Selon la paraguayenne Rosa María Ortiz, Commissaire et rapporteur spécial pour les des enfants et adolescents à la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH), l’ombudsman, il existe plusieurs systèmes régionaux de droits humains qui offrent des applications plus adéquates et plus adaptées selon les continents (Afrique, Europe, Amérique).
Intervention de Mme Rosa Maria Ortiz de la CIDH
Le fait qu’il n’y ait pas un système universel n’est pas une faiblesse dans la mesure où les systèmes régionaux fournissent plus d’outils pour réagir rapidement aux violations des droits humains. La CIDH met à la disposition de l’Ombudsman divers instruments pour l’accompagner dans sa mission :
-     Promotion. Il peut promouvoir les connaissances et l’utilisation des recommandations du système américain des droits humains ainsi que l’application correcte des normes interaméricaines sur les droits de l’enfant.
-          Médiation. Il reçoit des pétitions et des plaintes par courrier, e-mail ou téléphone
-         Prévention. Il peut rapporter à la CIDH des situations qu’on considère présentant un risque imminent d’un dommage irréparable et qui ne rencontre pas une protection interne
-      Information. Il peut solliciter des audiences à la CIDH pour informer sur la situation des droits humains dans son pays
-       Investigation. Il peut effectuer des visites de terrain ou de travail dans des pays. Là, l’ombudsman peut présenter des informations sur les violations des droits humains dans son pays
-          Rapports. Il peut utiliser les rapports (annuels, par pays ou par thèmes) de la CIDH, les rapports sur les châtiments corporels dont sont victimes des enfants, sur les droits des enfants et adolescents et sur la justice juvénile.

2.2  L’ombudsman et la protection des droits des détenus : l’expérience d’Haïti.

Chaque année, notre Ombudsman, en l’occurrence le Protecteur du Citoyen, Florence Elie, à travers ses agents, procède à la vérification des conditions générales de détention dans les prisons haïtiennes, incluant les conditions juridiques des détenus, et fait des interventions ponctuelles sur place auprès des autorités judiciaires. Amoce Auguste a décliné un éventail de cas de violation des droits humains dans le système judiciaire haïtien.

Il y a les cas des condamnés libérables, c’est-à-dire qui ont purgé leur peine mais restent en prison à cause des dispositifs de jugement qui n’ont pas été transférés à la prison ; les irrégularités dans les statuts de prisonniers dont on ne sait s’ils sont de simples détenus ou des condamnés ; des gens bénéficiant d’une ordonnance de non-lieu restent en prison parce que les dispositifs de jugement n’ont pas été communiqués à la prison.

D’autres cas plus troublants encore : des juges d’instruction prennent 3 ans pour instruire un dossier au lieu de 3 mois prévus par la loi, laissant en détention une personne plus de 3 mois sans jugement ; des prisonniers sans dossier, détruits ou égarés durant le tremblement de terre du 12 janvier, croupissent encore en prison. L’absurde est atteint avec le cas d’un prisonnier en détention préventive prolongée depuis 4 ans pour un délit dont la peine prévue est de 3 ans.


2.3  L’Ombudsman et la protection des droits migrants : l’expérience d’El Salvador

Le Salvador, petit pays de l’Amérique centrale de 7 millions d’habitants environ, a créé une importante banque de données pour localiser ses migrants dans le monde, dont la gestion est confiée à l’Unité des migrants. Willianm Expino, Procureur pour la Défense des doits humains dans son pays, a expliqué que la nécessité d’un tel outil de localisation s’est imposée du fait que plus de 3 millions de Salvadoriens sont des émigrants.
Le panel des intervenants du colloque

Sur chaque 10 jeunes, 7 envisagent d’émigrer dans un autre pays. Cette base de données a permis de savoir que plus de 1 million neuf cent mille Salvadoriens vivent dans des pays étrangers, plus de 1 million cinq cent mille résident aux Etats-Unis, faisant d’eux la 3e plus grande communauté immigrante hispanique dans ce pays. Les transferts d’argent des immigrants contribuent à hauteur de 12.2% du PIB du pays, et 24% des familles reçoivent des transferts.

Cette banque de données s’étoffe également des informations sur des migrants non localisés, par sexe et âge : 30% des migrants ont disparu sur les routes migratoires (les déserts, l’océan). L’action du procureur a permis d’identifier et de rapatrier les cadavres ou restes de migrants portés disparus à partir de n’importe quel pays, d’intervenir dans les dossiers judiciaires des immigrants en situation irrégulière détenus sur le territoire salvadorien (4% de la population sont des étrangers)…

2.4  L’Ombudsman face aux situations de catastrophes naturelles : l’expérience du Venezuela.

Daniel Ramírez, Défenseur du peuple dans la république bolivarienne du Venezuela, a expliqué que 3 axes orientent l’action de la Direction de l’attention aux citoyens :
-          Un axe politique : elle a élaboré la loi de gestion intégrale des risques socio naturels et technologiques, et collabore avec la commission présidentielle de gestion des catastrophes,
-         Un axe organisationnel : elle a élaboré la loi de l’organisation nationale pour la protection civile et l’administration des désastres comme la régulation logistique et les techniques de déplacement,
-          Un axe de participation : elle définit les lignes d’actions de défense (avant, pendant et après) face aux risques socio naturels et technologiques, établit les moyens conjoints avec les institutions de l’Etat vénézuélien pour exécuter des actions qui garantissent les droits humains des personnes affectées par les désastres socio naturels.

De fait, la protection des citoyens contre les désastres est un droit humain pour les vénézuéliens.

TROISIÈME PARTIE : Mécanismes de prévention et résolution pacifique des conflits

3.1  La pratique de la médiation chez les ombudsmans

La première de la médiation pour résoudre les conflits est la créativité, selon Jaime Vintimilla, bouillonnant professeur à l’Université San Francisco de Quito (Equateur).

La créativité est la capacité de sortir de nos formes normales de pensée pour trouver de nouveaux champs pour résoudre les problèmes ou améliorer les choses.- Edward de Bono

Selon Vintimilla, « La plupart des gens ont ¼ d’oreille et une langue de plusieurs kms, pour dire combien les gens n’aiment pas écouter. Il nous faut changer les attitudes si on veut réussir une médiation ». Le médiateur est quelqu’un qui va nous montrer un nouveau leadership constructif, qui va user de mots qui changent les choses. A contrario, la police, le procureur, les prêtres ne résolvent pas les problèmes.
Jaime Vintimilla, professeur d'université en Equateur
Pourquoi a-t-on besoin de la créativité ? 1) Pour dépasser quelque chose qui nous est supérieur. Le professeur Vintimilla explique que c’est un défi de parler aux autres de ce que nous pensons, de dire si nous sommes d’accord ou pas d’accord ; 2) pour trouver des solutions (pas seulement juridiques) ; 3) pour développer des visions du futur. Quand nous parlons des problèmes, pensons-nous au futur ? Trop souvent, nous restons dans le passé alors que le futur fuit.

Il poursuit son exposé en nous exhortant à provoquer un séisme dans les institutions pour trouver des solutions de fond où tout le monde gagne.

L’ombudsman, en plus d’être un défenseur du peuple qui a pour devoir de limiter le pouvoir (c’est ce qui justifie son existence), de défendre les droits de la personne, de défendre un dialogue constructif avec les piliers de la démocratie, il est aussi un médiateur. En ce sens, la médiation est un outil de résolution, de régulation, de gestion, de transformation et de prévention des conflits.

3.2  L’Ombudsman est la gestion des conflits sociaux : l’expérience du Pérou

Portifirio Barrenechea, Protecteur du citoyen au Pérou, a caractérisé les conflits sociaux en 3 types : actif, c-à-d qui est frontal ; latent, qui diminue en intensité ; résolu pour lequel une solution d’entente est trouvée.
Il a fourni les modalités d’interventions dans les conflits sociaux: la supervision préventive, l’intermédiation, les actions humanitaires, l’action de défense légale.


3.3  L’ombudsman et la prévention de la violence en période électorale : l’expérience du Guatémala

La violence électorale est très courante en période électorale au Guatemala, selon les dires de Wendy Cuellar, Protectrice des droits humains dans son pays. En un seul scrutin, on a toutes les élections (présidentielle, parlementaire et municipale).
Mme Wendy Cuellar, Ombudsman au Guatémala
L’institution guatémaltèque pour la défense des droits humains intervient généralement dans le processus électoral :
Avant : dans la prévention des violences en préparant une carte des circonscriptions à risque ;
Pendant : dans le processus d’observation électorale ;
Après : dans l’accompagnement pour le second tour, et la médiation des conflits.

3.4  Le mécanisme de solution à l’amiable dans le système américain des droits de la personne

Comment résoudre un conflit à l’amiable ? Le spécialiste principal en droits de la personne à la CIDH, Mario López Garelli, explique les 3 manières de la faire :
-          Eviter d’aller au tribunal. Selon le principe du contradictoire, l’ombudsman doit écouter la victime, établir entre les 2 parties si l’Etat a effectivement violé les droits du plaignant
-          Envoyer le cas devant la Cour interaméricaine des droits humains. Le nombre de cas traités à l’amiable par la CIDH ne fait qu’augmenter depuis 2011.
-          Négocier.

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur des Programmes Initiative Jeunes
 FOKAL

mercredi 23 janvier 2013

12 janvier 2013 : les jeunes du club de Christ-roi s’interrogent sur l’avenir d’Haïti


12 janvier 2010 - 12 janvier 2013 : où en sommes-nous ?

Pour commémorer le séisme du 12 janvier 2010 qui a causé d’énormes pertes humaines et  matérielles, le club de débat de Pyepoudre a profité de l’occasion pour lancer, le samedi 12 janvier 2013, une demi-journée de réflexion sur la situation actuelle du pays. Les différents articles sortis dans la presse nationale et internationale à la fin de l’année 2012 ont servi d’éléments déclencheurs pour l’organisation de cette activité. Il a effectivement paru nécessaire de commencer cette série de réflexions sur le pays afin que les jeunes, considérés comme les leaders de demain, puissent déjà identifier les problèmes et réfléchir à des solutions appropriées, à leur niveau. Une trentaine jeunes, avec comme invitée-surprise Ginia Alcimé, l’ancienne animatrice du club de débat du centre-ville, ont fait le déplacement pour cette occasion.

Présentation des activités

Les activités ont commencé à 13h30 et ont pris fin à 17h30. Trois grands points étaient à l’ordre du jour : une interview, un panel et des ateliers de réflexion.

a)      L’interview

Le but de cet exercice était d’explorer le sentiment des jeunes sur leur vécu dans un pays comme Haïti. En d’autres termes, voir comment ils se représentent le pays ainsi que leur avenir. Trois jeunes prirent part à cet échange sous la houlette d’une facilitatrice chargée de mener la discussion.

La première question fut : quelles étaient vos attentes après le séisme du 12 janvier 2010 ? Les réponses ont convergé presque dans le même sens : ils n’avaient pas d’illusion que la situation changerait. Pour l’un, il était évident que le processus de reconstruction serait extrêmement lent, à cause surtout des gens qui ne voulaient pas voir avancer le pays. A son avis, ces gens auraient souhaité qu’il y ait un tremblement de terre chaque année afin de continuer à se remplir les poches. Il a évoqué en autres les ONGs qui dilapident l’argent destiné au pays.

Pour un autre, il est clair que l’avenir des jeunes n’est pas assuré dans ce pays. Apres les études classiques, ils n’ont qu’un rêve : aller étudier à l’étranger. Ce qui est compréhensif puisqu’il n’y pas une université capable de tous les accueillir. Il n’y a pas vraiment une instance qui pense pour la jeunesse.
L’un des intervenants a renchéri pour dire que le changement du pays devrait passer par un changement dans la manière de penser. La façon dont les gens vivaient après le séisme avait présagé un changement dans leur attitude, mais ce n’est qu’illusion.

La discussion a ensuite pris une autre tournure quand la question de l’intérêt collectif et de l’intérêt individuel est venue sur le tapis. Selon eux, il est presqu’impossible de penser maintenant collectif, paradoxalement dans un pays à forte tradition de solidarité. L’intérêt collectif est difficile à réaliser, faute de moyens et de volonté. On peut avoir de grandes idées mais pas les moyens pour les exécuter. L’Etat est celui sur quoi il faut s’appuyer pour effectuer certaines réalisations essentielles. Mais l’Etat n’est pas pour nous, n’est pas « nous ». Il faut donc partir de l’intérêt individuel pour parvenir à l’intérêt collectif. Mais surtout, il faut aussi que les jeunes se mettent ensemble, appellent à une révolution pour changer la situation.

En conclusion, ils pensent que l’avenir s’annonce sombre pour le pays. On ne va pas évoluer. Ils admettent toutefois que le destin d’Haïti est entre les mains des Haïtiens.

b)      Le panel

Constitué de deux jeunes du club, le panel avait à présenter le pays trois ans après le séisme du 12 janvier 2010. La première intervenante a fait un survol de la situation du pays suivant différents axes :
·         - Politique, avec les promesses électorales non tenues (l’éducation gratuite pour tous, les universités à mettre dans chaque département etc.) 
·         - Economique, avec la réduction de la productivité, la cherté de la vie, les incendies de marchés
·     - Social, où Haïti est un pays « chen manje chen », où les rapports de production sont en faveur des bourgeois.

L’autre intervenant a pour sa part mis l’accent sur les opportunités qu’a offert le tremblement de terre, mais dont on n’a pas su profiter. Pour lui, les maisons détruites, particulièrement celles dans les bidonvilles, auraient dû être rasées celles afin de construire des banlieues. L’argent décaissé pour la reconstruction aurait pu servir à cet effet.

Il a ensuite présenté Haïti comme le bourbier des ONGs. Mais ce qui a suscité la réaction de l’assistance, c’est quand il a rapporté que Haïti est le pays le plus pauvre du monde. Les jeunes ont protesté, mettant en garde contre les propagandes sur le pays. C’est vrai que les choses ne vont pas comme on le souhaiterait, mais il faudrait pour s’en sortir, créer de l’emploi, permettre aux gens d’avoir un revenu, aussi mener des actions concrètes, ne pas rester dans les discours.

c)      Les ateliers de réflexion

Après ce panel, les participants ont été divisés en cinq groupes afin de constituer des ateliers de réflexion. Cinq articles de presse, notamment celui de Michel Soukar soumis à Alter-presse et titré Bilan de l’Année 2012 : les ‘E’ sont vides, ont été soumis aux groupes pour lecture et commentaires. Ils devaient également, à partir des textes lus, proposer des solutions pour une sortie de crise. Faute de temps, les groupes ont travaillé seulement sur l’article de Michel Soukar et ont mené une discussion dessus.

En séance plénière, la plupart ont jugé que l’auteur était assez critique dans sa présentation. Le bilan qu’il a fait est négatif mais instructif, car il relève les failles du pouvoir en place. Ils ont admis que les slogans ont primé sur les actions concrètes, qu’il y avait beaucoup de scandales politiques et de conflits, que la corruption règne, que le président gaspille l’argent du pays dans des voyages incessants sans résultats concrets, des per diem, des dépenses inutiles.

Tous les groupes ont conclu que vu sous l’angle de Michel Soukar, le pays est dans l’impasse, dans  « la merde » selon leurs propos termes. L’avenir s’annonce sombre. Ils ont tout de même émis certaines propositions :

Sur le plan économique :
v  investir dans l’humain
v  Encourager la production nationale
v  Assurer la bonne gestion du trésor public
v  Investir dans la création d’emploi

Sur le plan social
v  Investir dans l’éducation
v  Investir dans la protection de l’environnement (la gestion des déchets en particulier)
v  Mettre en valeur la culture haïtienne.
v  Mettre sur pied un plan de sécurité sociale

Sur le plan politique
v  Assurer la stabilité politique
v  Réduire l’influence des pays étrangers
v  Mettre sur pied d’autres critères pour élire un président
v  Augmenter l’effectif des policiers, ceci dans chaque quartier, tout en leur assurant une bonne formation
v  Veiller au respect strict de la loi

Conclusion

Il en ressort des cette activité de réflexion que les jeunes sont très pessimistes par rapport à leur avenir dans un pays comme Haïti. Ils ne croient pas dans les dirigeants en place. Cependant, ils arrivent à identifier des solutions justes et raisonnables, mais ils redoutent que leur application relève de l’impossible. Et comme il n’y a pas une instance qui les entend, ils se sentent perdus.

Il y a donc urgence de créer des espaces institutionnels où ils peuvent s’exprimer librement, porter leurs doléances. Bien qu’ils prennent conscience de ce qu’ils représentent en tant que jeunes, catégorie majoritaire dans ce pays, ils sont en l’occurrence, de ne pas disposer de leviers pour pouvoir d’agir, pour se transformer et transformer leur réalité.

Bengie Alcimé
Animateur du club de débat de Christ-Roi

mardi 22 janvier 2013

12 Janvier 2010 : rétrospection et prospection du club des Cayes


A l’occasion de la commémoration de la catastrophe du 12 janvier 2010 qui a frappé Haïti en janvier 2010, le club de débat des Cayes comme beaucoup d’autres du réseau, a marqué ce jour par un après midi de réflexion. Ce samedi 12 janvier 2013, dès 4h h pm dans leur local habituel de réunion, le club a accueilli pendant environ 3 heures 37 personnes : des membres du club, quelques adultes et surtout des jeunes qui visitent le club pour la première fois. Ils étaient venus justement participer à cette activité commémorative et combien significative pour le peuple haïtien.

Les objectifs de l’activité ont été de rendre hommage aux disparus du cataclysme du 12 janvier 2010, de faire comprendre aux jeunes les stigmates de cette catastrophe dans la réalité d’aujourd’hui. Et ce fut aussi l’occasion pour eux de jeter un coup d’œil à la fois rétrospectif et prospectif par rapport à cet événement et de réfléchir conjointement sur des projections pour l’avenir. Il est important que les jeunes comprennent la nécessité de s’impliquer en tant que citoyennes et citoyens dans le changement, dans une synergie de toutes les couches sociales du pays.

Après une prière spéciale, nous avons ouvert une séance de témoignages sur les effets dévastateurs du tremblement de terre afin de permettre à chacun de s’exprimer, de partager leur expérience, de la réalité quotidienne bien avant et après le 12 janvier 2010. Dans une ambiance de fraternité et de solidarité ils n’ont pas mâché leurs mots en extériorisant quelques  frustrations, propositions ou  volontés de voir bouger le pays.

Ainsi s’est rappelé Maxime, un ancien membre du club : «  J’étais à l’Université, je suivais un cours, lors des premières vibrations, on ne savait quoi faire, on était perdu dans tout ca, mais comme ca persistait, ca devenait sérieux pour nous autres, et d’un bon tout le monde s’est affolé en direction de la porte. Il a même eu un blessé lors de l’échauffourée… Si on était à Port au Prince, franchement cela aurait été pire car on n’avait pas été  vraiment informé sur le comportement a adopté au passage d’un séisme. C’est pourquoi, j’aurais aimé qu’on forme et qu’on informe davantage la population en ce sens et que l’Etat encourage la construction de maisons antisismiques et surveille de très près les constructions de sorte qu’elles soient faites selon les normes afin de réduire les risques au cas où une quelconque catastrophe pourrait eventuellement frapper le pays »

Il semble que cela n’a pas été trop différent pour David, qui lui aussi était en salle de cours quand l’événement a secoué le pays : « Je suivais un cours… on ignorait vraiment l’effet que cela a eu sur la capitale et ses zones avoisinantes à tel point qu’on donnait beaucoup de blagues après mon renvoi forcé de la fac… Pou mwen, bagay sa a ranfòse yon mo, il s’agit du mot Solidarité, les riches et les pauvres étaient confondus pendant plusieurs semaines après le tremblement de terre, la couleur de la peau, le niveau économique, bref le rang social importaient peu. Pourquoi l’unité nationale reste toujours une affaire circonstancielle. Enfin, je pense que, si on veut faire sortir Haïti de son état lamentable, il faudra presqu’en permanence un tel élan d’unité entre tous les Haïtiens. Fòk Ayisyen konprann yo se frè tou tan epi ke yo gen yon peyi pou yo sove »

Le témoignage de Duvil de cet événement est plutôt décalé par rapport aux autres : « Ce que je vais dire là peut paraitre un peu rigolo pour certains, mais moi je le vois comme ça. Désolé, j’ai raté un grand épisode dans ma vie, je n’ai pas été témoin de cet événement, car je dormais seul et profondément dans la maison ; je n’ai pas ressenti les secousses, ce n’est qu’au crépuscule quand  mon père rentra que je me suis fais une idée de ce qui s’était passé. Et là encore cela ne me disait pas grande chose. Mais quand j’ai regardé et constaté à la télé l’ampleur des dégâts à la fois humains et matériels enregistrés à Port au Prince, sincèrement, je fus électrisé… Ben, je pense qu’on doit tirer des leçons de tout ca, on doit organiser des  séances de psychothérapie capables d’aider les gens à développer chez eux une certaine capacité de résilience un changement de mentalité afin de se relever plus rapidement des chocs. »

« Moi, j’étais « content » de vivre une telle chose pour la première fois dans ma vie, a déclaré Brutus, mais ca me faisait vraiment mal quand j’ai appris le décès de tous ces gens. Désormais l’Etat devrait investir dans la formation de Scientifiques qualifiés et d’équiper le pays de matériels de centres de secours adéquats et quant aux Jeunes avisés du pays ils doivent dupliquer les formations qu’ils ont reçu à ce sujet à ceux qui n’ont pas cette chance. »

Pour Aurore, cet événement a été incroyable et devait être utilisé comme une opportunité pour les dirigeants de repenser le pays : «  La majorité des jeunes qui ont perdu leurs vies dans ce cataclysme étaient de la province, car mais obligés de rentrer à Port au Prince pour leurs études universitaires par manque d’université dans les provinces, car tout est centralisé à Port au Prince. Donc, il faut que les dirigeants pensent à décentraliser et à déconcentrer le pays de sorte qu’on n’aie plus besoin de rentrer à Port au Prince pour étudier ou pour trouver un service quelconque »

Pour Sophonie, ce qui s’est passé en Haiti le 12 janvier 2010 dernier reste encore quelque chose d’inexplicable. Et à l’occasion de la commémoration de cette date elle a préféré de déclamer un poème au lieu de revenir  sur les expériences personnelles qu’elle a vécues ce jour là. A 4hr53 pm, l’activité a été interrompue dans le but d’observer une minute de silence en mémoire des disparus.

Il est à noter dans les différentes interventions un élément tout à fait étrange, mais symptomatique d’un certain malaise perceptible : les jeunes ont préféré dire « événement », « catastrophe », « bagay » au lieu de « tremblement de terre » ou « séisme ». C’est comme si ces deux derniers mots leur faisaient peur ou les dérangeaient, à l’instar des Port-au-Princiens qui parlent volontiers de « goudougoudou » en lieu et place de tremblement de terre.

Enfin, cet après-midi de réflexion s’est déroulé dans une ambiance de fraternité, de respect pour rendre hommage à ceux qui nous ont devancés. Mais il a semblé que, malgré le passé difficile et le présent un peu compliqué, les jeunes veulent à tout prix espérer et travailler pour un lendemain meilleur. A entendre cet échantillon de la génération montante, il y a encore des raisons d’espérer pour ce pays. Donc, on a été grandement impressionné par les différentes interventions des participants en lien avec ce qu’on attendait, l’effectif, leur participation active et le déroulement général de cette grande activité de commémoration.


Jean Hervé Jupiter
Animateur du Club des Cayes

Radiographie du club de débat de Darbonne


Le club de débat de Darbonne a commencé à fonctionner à partir de mars 2009. Deux animateurs préparent et réalisent les rencontres hebdomadaires au local de la bibliothèque Rasin Lespwa de Darbonne, tous les vendredis après-midi, de 3h à 5h. L’effectif des jeunes dûment inscrits au club est estimé actuellement à une soixantaine et tend à augmenter après chaque activité réalisée. Agés entre 16 et 25 ans, ils viennent de quartiers divers de la commune de Léogane (Darbonne, Belle Fortune, Nan Denba, Centre-ville, Guérin, Place d’or, Mathieu, Sarbousse, Lapointe). Certains sont déjà à l’université, mais la majorité est encore au secondaire.
Les jeunes du club lors de la journée de sensibilisation
Etre membre du club, c’est facile !
Pour recruter ces jeunes, les animateurs vont dans les écoles pour parler du programme, ce que les jeunes peuvent tirer comme profit et du même coup inviter les élèves intéressés à venir  participer aux séances. Certains membres du club se transforment en ambassadeurs du club, qui sont allés plaider ailleurs les bienfaits du programme de débat, qui incitent aussi leurs ami(e)s, leurs camarades de classes à l’intégrer.

Une programmation diversifiée
Plusieurs rubriques constituent le menu des rencontres. Chaque semaine un/une  jeune se propose de préparer et présenter la rubrique qu’il aura lui même choisie. Beaucoup d’entr’eux témoignent que cela leur permet de s’initier à la recherche et du même coup à améliorer leur capacité d’expression orale. Pour ce faire, ils reçoivent toujours le support d’un animateur/bibliothécaire, qui les accompagne et les oriente.
1.      Le coin grammatical
Les animateurs ont constaté que bon nombre de participants ont de grandes difficultés  à s’exprimer en français qui est un outil indispensable pour les matchs de débat. Ainsi ont-ils introduit cette rubrique où un jeune vient exposer une particularité grammaticale comme par exemple, comment écrire le pluriel des noms composés, la différence entre les verbes d’état et les verbes d’action, etc.
2.      Connaissez-vous ce personnage ?
Combien de jeunes ne connaissent pas le génie Franckétienne, le titre de son dernier ouvrage ? Combien ne connaissent pas l’auteur de « les fous de Saint Antoine », « Mon pays que voici », les prix qu’ils ont reçus ? Combien ne connaissent pas les prouesses du feu Azor, les vraies racines de ce grand tambourineur/chanteur du groupe Rasin Mapou, la magie de la guitare de Boulo Valcourt ou la diva Emeline Michel ?
Les jeunes du club au Festival de théâtre 4 chemins
Cet espace est surtout consacré à la présentation d’un personnage du milieu culturel. Après une petite présentation de la biographie de la personne, les œuvres du personnage choisi sont passées au peigne fin. Un vrai travail de documentation. Ce qui permet au jeune d’enrichir ses connaissances générales.
3.      Le sujet de réflexion
A chaque rencontre, un sujet de réflexion est toujours mis sur le tapis. Les sujets varient selon l’époque ou l’actualité. Lors des grands événements : comme les fêtes nationales, la journée internationale de la femme, de l’enfant, les jeunes sont invités à y réfléchir. Chaque participant apporte son point de vue sur la question tout en faisant appel à son sens de discernement et son esprit critique.

Outre les rencontres hebdomadaires, les jeunes du club sont souvent invités à participer aux séminaires de formation sur la problématique du genre et sur le secourisme. D’autres séances de formations liées aux techniques de plaidoyer mais surtout aux techniques de débats sont aussi réalisées à leur intention.

Chaque année, quatre d’entr’eux représentent le club au tournoi national de débat, suivant leurs aptitudes et leur performance au tournoi local de débat réalisé au sein du club. La meilleure performance de l’équipe de Darbonne a été une troisième place conquise lors du tournoi d’été en juillet 2012, au Cap Haïtien.

D’autres activités ludiques comme des pique-nique, des sorties au bord de mer et autres excursions sont aussi réalisés à l’intention des jeunes. Ce qui permet de sortir de la routine des rencontres hebdomadaires et créer beaucoup plus de liens entre les jeunes.

Les jeunes du club préparent une exposition

Un club de jeunes dynamiques
Personne ne peut douter du dynamisme de ces jeunes. L’enthousiasme dont ils font montre lors des différentes activités, prouve qu’ils sont vraiment le poumon du centre socioculturel de la bibliothèque Rasin Lespwa. Pour les 20 ans du centre, ils sont là ; pour la journée de sensibilisation sur l’éducation civique des jeunes à l’école, les voici au devant de la scène. Lors de la vente signature de TOUTOUNI (Erold SAINT LOUIS) et de TAN LAPLI (Max Grégory SAINT FLEUR), ils se sont fait encore remarquer. Livres en folie, Festival Quatre Chemins, Festikreyòl, aucune activité ne les échappe.

Voila le modèle de jeunes dynamiques que ce pays a tant besoin pour se redresser et prendre la route de vrai développement. Si lè n te timoun nou te Rasin Lespwa, jodi a nou se jenès sa vle di nou se Lespwa tout bon.

Max Grégory SAINT FLEUR
Animateur du club de débat de Darbonne

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