A l’occasion de la commémoration de la catastrophe
du 12 janvier 2010 qui a frappé Haïti en janvier 2010, le club de débat des
Cayes comme beaucoup d’autres du réseau, a marqué ce jour par un après midi de
réflexion. Ce samedi 12 janvier 2013, dès 4h h pm dans leur local habituel
de réunion, le club a accueilli pendant environ 3 heures 37 personnes : des
membres du club, quelques adultes et surtout des jeunes qui visitent le club
pour la première fois. Ils étaient venus justement participer à cette activité commémorative
et combien significative pour le peuple haïtien.
Les objectifs de l’activité ont été de rendre
hommage aux disparus du cataclysme du 12 janvier 2010, de faire comprendre aux
jeunes les stigmates de cette catastrophe dans la réalité d’aujourd’hui. Et ce
fut aussi l’occasion pour eux de jeter un coup d’œil à la fois rétrospectif et
prospectif par rapport à cet événement et de réfléchir conjointement sur des
projections pour l’avenir. Il est important que les jeunes comprennent la nécessité
de s’impliquer en tant que citoyennes et citoyens dans le changement, dans une synergie
de toutes les couches sociales du pays.
Après une prière spéciale, nous avons ouvert une
séance de témoignages sur les effets dévastateurs du tremblement de terre afin
de permettre à chacun de s’exprimer, de partager leur expérience, de la réalité
quotidienne bien avant et après le 12 janvier 2010. Dans une ambiance de fraternité
et de solidarité ils n’ont pas mâché leurs mots en extériorisant quelques frustrations, propositions ou volontés de voir bouger le pays.
Ainsi s’est rappelé Maxime, un ancien membre du
club : « J’étais à l’Université,
je suivais un cours, lors des premières vibrations, on ne savait quoi faire, on
était perdu dans tout ca, mais comme ca persistait, ca devenait sérieux pour
nous autres, et d’un bon tout le monde s’est affolé en direction de la porte.
Il a même eu un blessé lors de l’échauffourée… Si on était à Port au Prince,
franchement cela aurait été pire car on n’avait pas été vraiment informé sur le comportement a adopté
au passage d’un séisme. C’est pourquoi, j’aurais aimé qu’on forme et qu’on
informe davantage la population en ce sens et que l’Etat encourage la
construction de maisons antisismiques et surveille de très près les
constructions de sorte qu’elles soient faites selon les normes afin de réduire
les risques au cas où une quelconque catastrophe pourrait eventuellement
frapper le pays »
Il semble que cela n’a pas été trop différent pour
David, qui lui aussi était en salle de cours quand l’événement a secoué le
pays : « Je suivais un cours…
on ignorait vraiment l’effet que cela a eu sur la capitale et ses zones avoisinantes
à tel point qu’on donnait beaucoup de blagues après mon renvoi forcé de la fac…
Pou mwen, bagay sa a ranfòse yon mo, il s’agit du mot Solidarité, les riches et
les pauvres étaient confondus pendant plusieurs semaines après le tremblement
de terre, la couleur de la peau, le niveau économique, bref le rang social importaient
peu. Pourquoi l’unité nationale reste toujours une affaire circonstancielle.
Enfin, je pense que, si on veut faire sortir Haïti de son état lamentable, il
faudra presqu’en permanence un tel élan d’unité entre tous les Haïtiens. Fòk Ayisyen
konprann yo se frè tou tan epi ke yo gen yon peyi pou yo sove »
Le témoignage de Duvil de cet événement est plutôt
décalé par rapport aux autres : « Ce
que je vais dire là peut paraitre un peu rigolo pour certains, mais moi je le
vois comme ça. Désolé, j’ai raté un grand épisode dans ma vie, je n’ai pas été témoin
de cet événement, car je dormais seul et profondément dans la maison ; je
n’ai pas ressenti les secousses, ce n’est qu’au crépuscule quand mon père rentra que je me suis fais une idée
de ce qui s’était passé. Et là encore cela ne me disait pas grande chose. Mais quand
j’ai regardé et constaté à la télé l’ampleur des dégâts à la fois humains et
matériels enregistrés à Port au Prince, sincèrement, je fus électrisé… Ben, je
pense qu’on doit tirer des leçons de tout ca, on doit organiser des séances de psychothérapie capables d’aider les
gens à développer chez eux une certaine capacité de résilience un changement de
mentalité afin de se relever plus rapidement des chocs. »
« Moi,
j’étais « content » de vivre une telle chose pour la première fois
dans ma vie, a déclaré Brutus, mais ca me faisait vraiment mal quand j’ai
appris le décès de tous ces gens. Désormais l’Etat devrait investir dans la
formation de Scientifiques qualifiés et d’équiper le pays de matériels de
centres de secours adéquats et quant aux Jeunes avisés du pays ils doivent dupliquer
les formations qu’ils ont reçu à ce sujet à ceux qui n’ont pas cette chance. »
Pour Aurore, cet événement a été incroyable et
devait être utilisé comme une opportunité pour les dirigeants de repenser le
pays : « La majorité des
jeunes qui ont perdu leurs vies dans ce cataclysme étaient de la province, car
mais obligés de rentrer à Port au Prince pour leurs études universitaires par
manque d’université dans les provinces, car tout est centralisé à Port au
Prince. Donc, il faut que les dirigeants pensent à décentraliser et à déconcentrer
le pays de sorte qu’on n’aie plus besoin de rentrer à Port au Prince pour étudier
ou pour trouver un service quelconque »
Pour Sophonie, ce qui s’est passé en Haiti le 12
janvier 2010 dernier reste encore quelque chose d’inexplicable. Et à l’occasion
de la commémoration de cette date elle a préféré de déclamer un poème au lieu
de revenir sur les expériences
personnelles qu’elle a vécues ce jour là. A 4hr53 pm, l’activité a été
interrompue dans le but d’observer une minute de silence en mémoire des
disparus.
Il est à noter dans les différentes
interventions un élément tout à fait étrange, mais symptomatique d’un certain
malaise perceptible : les jeunes ont préféré dire « événement »,
« catastrophe », « bagay » au lieu de « tremblement de
terre » ou « séisme ». C’est comme si ces deux derniers mots
leur faisaient peur ou les dérangeaient, à l’instar des Port-au-Princiens qui
parlent volontiers de « goudougoudou » en lieu et place de
tremblement de terre.
Enfin, cet après-midi de réflexion s’est déroulé
dans une ambiance de fraternité, de respect pour rendre hommage à ceux qui nous
ont devancés. Mais il a semblé que, malgré le passé difficile et le présent un
peu compliqué, les jeunes veulent à tout prix espérer et travailler pour un
lendemain meilleur. A entendre cet échantillon de la génération montante, il y
a encore des raisons d’espérer pour ce pays. Donc, on a été grandement impressionné
par les différentes interventions des participants en lien avec ce qu’on
attendait, l’effectif, leur participation active et le déroulement général de
cette grande activité de commémoration.
Jean Hervé Jupiter
Animateur du Club des Cayes
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