mardi 22 janvier 2013

12 Janvier 2010 : rétrospection et prospection du club des Cayes


A l’occasion de la commémoration de la catastrophe du 12 janvier 2010 qui a frappé Haïti en janvier 2010, le club de débat des Cayes comme beaucoup d’autres du réseau, a marqué ce jour par un après midi de réflexion. Ce samedi 12 janvier 2013, dès 4h h pm dans leur local habituel de réunion, le club a accueilli pendant environ 3 heures 37 personnes : des membres du club, quelques adultes et surtout des jeunes qui visitent le club pour la première fois. Ils étaient venus justement participer à cette activité commémorative et combien significative pour le peuple haïtien.

Les objectifs de l’activité ont été de rendre hommage aux disparus du cataclysme du 12 janvier 2010, de faire comprendre aux jeunes les stigmates de cette catastrophe dans la réalité d’aujourd’hui. Et ce fut aussi l’occasion pour eux de jeter un coup d’œil à la fois rétrospectif et prospectif par rapport à cet événement et de réfléchir conjointement sur des projections pour l’avenir. Il est important que les jeunes comprennent la nécessité de s’impliquer en tant que citoyennes et citoyens dans le changement, dans une synergie de toutes les couches sociales du pays.

Après une prière spéciale, nous avons ouvert une séance de témoignages sur les effets dévastateurs du tremblement de terre afin de permettre à chacun de s’exprimer, de partager leur expérience, de la réalité quotidienne bien avant et après le 12 janvier 2010. Dans une ambiance de fraternité et de solidarité ils n’ont pas mâché leurs mots en extériorisant quelques  frustrations, propositions ou  volontés de voir bouger le pays.

Ainsi s’est rappelé Maxime, un ancien membre du club : «  J’étais à l’Université, je suivais un cours, lors des premières vibrations, on ne savait quoi faire, on était perdu dans tout ca, mais comme ca persistait, ca devenait sérieux pour nous autres, et d’un bon tout le monde s’est affolé en direction de la porte. Il a même eu un blessé lors de l’échauffourée… Si on était à Port au Prince, franchement cela aurait été pire car on n’avait pas été  vraiment informé sur le comportement a adopté au passage d’un séisme. C’est pourquoi, j’aurais aimé qu’on forme et qu’on informe davantage la population en ce sens et que l’Etat encourage la construction de maisons antisismiques et surveille de très près les constructions de sorte qu’elles soient faites selon les normes afin de réduire les risques au cas où une quelconque catastrophe pourrait eventuellement frapper le pays »

Il semble que cela n’a pas été trop différent pour David, qui lui aussi était en salle de cours quand l’événement a secoué le pays : « Je suivais un cours… on ignorait vraiment l’effet que cela a eu sur la capitale et ses zones avoisinantes à tel point qu’on donnait beaucoup de blagues après mon renvoi forcé de la fac… Pou mwen, bagay sa a ranfòse yon mo, il s’agit du mot Solidarité, les riches et les pauvres étaient confondus pendant plusieurs semaines après le tremblement de terre, la couleur de la peau, le niveau économique, bref le rang social importaient peu. Pourquoi l’unité nationale reste toujours une affaire circonstancielle. Enfin, je pense que, si on veut faire sortir Haïti de son état lamentable, il faudra presqu’en permanence un tel élan d’unité entre tous les Haïtiens. Fòk Ayisyen konprann yo se frè tou tan epi ke yo gen yon peyi pou yo sove »

Le témoignage de Duvil de cet événement est plutôt décalé par rapport aux autres : « Ce que je vais dire là peut paraitre un peu rigolo pour certains, mais moi je le vois comme ça. Désolé, j’ai raté un grand épisode dans ma vie, je n’ai pas été témoin de cet événement, car je dormais seul et profondément dans la maison ; je n’ai pas ressenti les secousses, ce n’est qu’au crépuscule quand  mon père rentra que je me suis fais une idée de ce qui s’était passé. Et là encore cela ne me disait pas grande chose. Mais quand j’ai regardé et constaté à la télé l’ampleur des dégâts à la fois humains et matériels enregistrés à Port au Prince, sincèrement, je fus électrisé… Ben, je pense qu’on doit tirer des leçons de tout ca, on doit organiser des  séances de psychothérapie capables d’aider les gens à développer chez eux une certaine capacité de résilience un changement de mentalité afin de se relever plus rapidement des chocs. »

« Moi, j’étais « content » de vivre une telle chose pour la première fois dans ma vie, a déclaré Brutus, mais ca me faisait vraiment mal quand j’ai appris le décès de tous ces gens. Désormais l’Etat devrait investir dans la formation de Scientifiques qualifiés et d’équiper le pays de matériels de centres de secours adéquats et quant aux Jeunes avisés du pays ils doivent dupliquer les formations qu’ils ont reçu à ce sujet à ceux qui n’ont pas cette chance. »

Pour Aurore, cet événement a été incroyable et devait être utilisé comme une opportunité pour les dirigeants de repenser le pays : «  La majorité des jeunes qui ont perdu leurs vies dans ce cataclysme étaient de la province, car mais obligés de rentrer à Port au Prince pour leurs études universitaires par manque d’université dans les provinces, car tout est centralisé à Port au Prince. Donc, il faut que les dirigeants pensent à décentraliser et à déconcentrer le pays de sorte qu’on n’aie plus besoin de rentrer à Port au Prince pour étudier ou pour trouver un service quelconque »

Pour Sophonie, ce qui s’est passé en Haiti le 12 janvier 2010 dernier reste encore quelque chose d’inexplicable. Et à l’occasion de la commémoration de cette date elle a préféré de déclamer un poème au lieu de revenir  sur les expériences personnelles qu’elle a vécues ce jour là. A 4hr53 pm, l’activité a été interrompue dans le but d’observer une minute de silence en mémoire des disparus.

Il est à noter dans les différentes interventions un élément tout à fait étrange, mais symptomatique d’un certain malaise perceptible : les jeunes ont préféré dire « événement », « catastrophe », « bagay » au lieu de « tremblement de terre » ou « séisme ». C’est comme si ces deux derniers mots leur faisaient peur ou les dérangeaient, à l’instar des Port-au-Princiens qui parlent volontiers de « goudougoudou » en lieu et place de tremblement de terre.

Enfin, cet après-midi de réflexion s’est déroulé dans une ambiance de fraternité, de respect pour rendre hommage à ceux qui nous ont devancés. Mais il a semblé que, malgré le passé difficile et le présent un peu compliqué, les jeunes veulent à tout prix espérer et travailler pour un lendemain meilleur. A entendre cet échantillon de la génération montante, il y a encore des raisons d’espérer pour ce pays. Donc, on a été grandement impressionné par les différentes interventions des participants en lien avec ce qu’on attendait, l’effectif, leur participation active et le déroulement général de cette grande activité de commémoration.


Jean Hervé Jupiter
Animateur du Club des Cayes

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