12 janvier 2010 - 12
janvier 2013 : où en sommes-nous ?
Pour commémorer le
séisme du 12 janvier 2010 qui a causé d’énormes pertes humaines et matérielles, le club de débat de Pyepoudre a
profité de l’occasion pour lancer, le samedi 12 janvier 2013, une demi-journée
de réflexion sur la situation actuelle du pays. Les différents articles sortis
dans la presse nationale et internationale à la fin de l’année 2012 ont servi
d’éléments déclencheurs pour l’organisation de cette activité. Il a effectivement
paru nécessaire de commencer cette série de réflexions sur le pays afin que les
jeunes, considérés comme les leaders de demain, puissent déjà identifier les problèmes
et réfléchir à des solutions appropriées, à leur niveau. Une trentaine jeunes, avec
comme invitée-surprise Ginia Alcimé, l’ancienne animatrice du club de débat du
centre-ville, ont fait le déplacement pour cette occasion.
Présentation des
activités
Les activités ont
commencé à 13h30 et ont pris fin à 17h30. Trois grands points étaient à l’ordre
du jour : une interview, un panel et des ateliers de réflexion.
a) L’interview
Le but de cet exercice
était d’explorer le sentiment des jeunes sur leur vécu dans un pays comme
Haïti. En d’autres termes, voir comment ils se représentent le pays ainsi que
leur avenir. Trois jeunes prirent part à cet échange sous la houlette
d’une facilitatrice chargée de mener la discussion.
La première question
fut : quelles étaient vos attentes après le séisme du 12 janvier
2010 ? Les réponses ont convergé presque dans le même sens : ils
n’avaient pas d’illusion que la situation changerait. Pour l’un, il était évident
que le processus de reconstruction serait extrêmement lent, à cause surtout des
gens qui ne voulaient pas voir avancer le pays. A son avis, ces gens auraient
souhaité qu’il y ait un tremblement de terre chaque année afin de continuer à
se remplir les poches. Il a évoqué en autres les ONGs qui dilapident l’argent
destiné au pays.
Pour un autre, il est
clair que l’avenir des jeunes n’est pas assuré dans ce pays. Apres les études
classiques, ils n’ont qu’un rêve : aller étudier à l’étranger. Ce qui est compréhensif
puisqu’il n’y pas une université capable de tous les accueillir. Il n’y a pas
vraiment une instance qui pense pour la jeunesse.
L’un des intervenants a
renchéri pour dire que le changement du pays devrait passer par un changement
dans la manière de penser. La façon dont les gens vivaient après le séisme
avait présagé un changement dans leur attitude, mais ce n’est qu’illusion.
La discussion a ensuite
pris une autre tournure quand la question de l’intérêt collectif et de
l’intérêt individuel est venue sur le tapis. Selon eux, il est
presqu’impossible de penser maintenant collectif, paradoxalement dans un pays à
forte tradition de solidarité. L’intérêt collectif est difficile à réaliser,
faute de moyens et de volonté. On peut avoir de grandes idées mais pas les
moyens pour les exécuter. L’Etat est celui sur quoi il faut s’appuyer pour effectuer
certaines réalisations essentielles. Mais l’Etat n’est pas pour nous, n’est pas
« nous ». Il faut donc partir de l’intérêt individuel pour parvenir à
l’intérêt collectif. Mais surtout, il faut aussi que les jeunes se mettent
ensemble, appellent à une révolution pour changer la situation.
En conclusion, ils
pensent que l’avenir s’annonce sombre pour le pays. On ne va pas évoluer. Ils
admettent toutefois que le destin d’Haïti est entre les mains des Haïtiens.
b) Le panel
Constitué de deux
jeunes du club, le panel avait à présenter le pays trois ans après le séisme du
12 janvier 2010. La première intervenante
a fait un survol de la situation du pays suivant différents axes :
· - Politique, avec les promesses
électorales non tenues (l’éducation gratuite pour tous, les universités à
mettre dans chaque département etc.)
· - Economique, avec la réduction de la
productivité, la cherté de la vie, les incendies de marchés
· - Social, où Haïti est un pays « chen
manje chen », où les rapports de production sont en faveur des bourgeois.
L’autre intervenant a
pour sa part mis l’accent sur les opportunités qu’a offert le tremblement de
terre, mais dont on n’a pas su profiter. Pour lui, les maisons détruites, particulièrement
celles dans les bidonvilles, auraient dû être rasées celles afin de construire
des banlieues. L’argent décaissé pour la reconstruction aurait pu servir à cet
effet.
Il a ensuite présenté
Haïti comme le bourbier des ONGs. Mais ce qui a suscité la réaction de
l’assistance, c’est quand il a rapporté que Haïti est le pays le plus pauvre du
monde. Les jeunes ont protesté, mettant en garde contre les propagandes sur le
pays. C’est vrai que les choses ne vont pas comme on le souhaiterait, mais il
faudrait pour s’en sortir, créer de l’emploi, permettre aux gens d’avoir un
revenu, aussi mener des actions concrètes, ne pas rester dans les discours.
c)
Les
ateliers de réflexion
Après
ce panel, les participants ont été divisés en cinq groupes afin de constituer
des ateliers de réflexion. Cinq articles de presse, notamment celui de Michel
Soukar soumis à Alter-presse et titré Bilan de l’Année 2012 : les ‘E’
sont vides, ont été soumis aux groupes pour lecture et commentaires. Ils
devaient également, à partir des textes lus, proposer des solutions pour une
sortie de crise. Faute
de temps, les groupes ont travaillé seulement sur l’article de Michel Soukar et
ont mené une discussion dessus.
En
séance plénière, la plupart ont jugé que l’auteur était assez critique dans sa
présentation. Le bilan qu’il a fait est négatif mais instructif, car il relève
les failles du pouvoir en place. Ils ont admis que les slogans ont primé sur
les actions concrètes, qu’il y avait beaucoup de scandales politiques et de
conflits, que la corruption règne, que le président gaspille l’argent du pays
dans des voyages incessants sans résultats concrets, des per diem, des dépenses
inutiles.
Tous
les groupes ont conclu que vu sous l’angle de Michel Soukar, le pays est dans
l’impasse, dans « la merde » selon
leurs propos termes. L’avenir s’annonce sombre. Ils ont tout de même émis
certaines propositions :
Sur
le plan économique :
v investir
dans l’humain
v Encourager
la production nationale
v Assurer
la bonne gestion du trésor public
v Investir
dans la création d’emploi
Sur
le plan social
v Investir
dans l’éducation
v Investir
dans la protection de l’environnement (la gestion des déchets en particulier)
v Mettre
en valeur la culture haïtienne.
v Mettre
sur pied un plan de sécurité sociale
Sur
le plan politique
v Assurer
la stabilité politique
v Réduire
l’influence des pays étrangers
v Mettre
sur pied d’autres critères pour élire un président
v Augmenter
l’effectif des policiers, ceci dans chaque quartier, tout en leur assurant une
bonne formation
v Veiller
au respect strict de la loi
Conclusion
Il en ressort des cette
activité de réflexion que les jeunes sont très pessimistes par rapport à leur
avenir dans un pays comme Haïti. Ils ne croient pas dans les dirigeants en
place. Cependant, ils arrivent à identifier des solutions justes et
raisonnables, mais ils redoutent que leur application relève de l’impossible.
Et comme il n’y a pas une instance qui les entend, ils se sentent perdus.
Il y a donc urgence de
créer des espaces institutionnels où ils peuvent s’exprimer librement, porter
leurs doléances. Bien qu’ils prennent conscience de ce qu’ils représentent en
tant que jeunes, catégorie majoritaire dans ce pays, ils sont en l’occurrence, de
ne pas disposer de leviers pour pouvoir d’agir, pour se transformer et
transformer leur réalité.
Bengie Alcimé
Animateur du club de débat de
Christ-Roi
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