vendredi 19 décembre 2014

BMC, champion des champions : présentation d’une “dream team”

La semaine dernière, l’équipe de débat de la Bibliothèque Monique Calixte (BMC) a confirmé sa réputation. En effet, il a remporté, le samedi 13 décembre 2014 dans les locaux du centre culturel Pyepoudre à Fourdon, le fameux ultime duel des champions tant attendu par la communauté des débatteurs, contre l’équipe de Darbonne (champion régional -Sud), vainqueur d’un premier duel contre l’équipe de Diquini (champion régional-Ouest). Les débatteurs de notre équipe ont une fois de plus fait état de leurs talents et se sont servis de leurs expériences pour remporter haut la main ce duel qui risquait de mettre en péril le prestige de leur titre de champion national.

BMC, club champion au tournoi national été 2014 aux Gonaives

Avec cette écrasante victoire (les trois juges ont voté pour la BMC), cette équipe a donné la confirmation de son statut de meilleure équipe de l’année. Cependant, on aurait tort de penser que ces exploits ont été réalisés sans beaucoup d’efforts, sacrifices et travaux assidus. Si cet article se propose de rendre hommage à ses débatteurs et ses débatteuses pour avoir écrit cette belle page dans l’histoire du club de la Bibliothèque Monique Calixte, elle vise aussi à attirer l’attention des autres débatteurs et débatteuses du Programme Initiative Jeunes de FOKAL sur la nécessité de prendre au sérieux les séances de formations dont ils/elles ont la chance de bénéficier. Car le débat constitue une introduction à la pensée critique et un espace d’apprentissage de la citoyenneté.

Nous retracerons l’histoire de cette équipe, désormais considérée comme une « dream team », puis nous présenterons séparément les débateurs la constituant, et enfin nous expliquerons les avantages que peuvent tirer les jeunes à travers la pratique du débat.

 Toute une histoire

-          Les échecs

Cette génération de débateurs peut être appelée « génération post-Cap ». Ils font en effet partie des jeunes recrutés-es dans le club après le camp de débat qui s’est tenu au Cap-Haitien, en juillet 2012. Ce recrutement réalisé en septembre de cette même année a été très important dans la mesure où il a permis au club de pallier le vide laissé par le départ des anciens membres d’alors qui étaient tous des universitaires. Le club a donc vu l’émergence d’un ensemble de jeunes très motivés et déterminés à donner au club un titre de champion national. Après avoir suivi des séances de formation sur les techniques de débat Karl Popper et sur la recherche documentaire, joué plusieurs matchs d’essais au sein du club, ils ont participé à un premier tournoi local (tournoi organisé avec des équipes au sein du club) qui ont attiré notre attention sur leurs nombreuses faiblesses.
 
La finale perdue au tournoi régional face au club de Diquini
Ce tournoi a aussi permis de découvrir les débatteurs talentueux qui représenteront le club dans le tournoi régional organisé par la coordination en mai 2013. L’équipe de la BMC alors composée de Nerva Noel, Berry Piverger et Joseph Pierry, trois bons débatteurs d’après les commentaires des juges durant le tournoi, s’est fait éliminer en demi-finale par une équipe du collège de Cote-plage qui sera sacrée championne de ce tournoi.

L'équipe de BMC au tournoi national été 2013 à Jacmel
La même année se tiendra en juillet, le tournoi national dans la ville de Jacmel. Cette fois Berry est remplacé par Wilbert Fortuné qui fera ses premières expériences dans le débat. Il est déjà un débatteur super intéressant, maitrisant ses rôles de deuxième affirmatif (2A) et de premier négatif (1N). Malheureusement cette équipe quoique talentueuse sera éliminée dès la première phase du tournoi. Ces jeunes ont néanmoins appris beaucoup de choses sur l’art d’argumenter, sur l’esprit d’équipe et sur la maitrise de soi dans un match de débat, apprentissage qu’ils ne manqueront pas de partager avec leurs camarades dans le club.

-          La dream team
A l’exception de Laudney Ambroise, la dream team est issue de la même génération. En effet, cette équipe est composée de cette dernière qui est arrivée dans le club en octobre 2013, de Wilbert Fortuné qui a joué dans le tournoi national à Jacmel et de Ruth-Sara Monteau qui a accompagné l’équipe à Jacmel en juillet 2013. Cette équipe avait la particularité d’être très expérimentée et d’avoir un degré de confiance remarquable. Ces atouts leur ont permis de jouer ensemble trois finales pour l’année 2014, d’être donc primés trois fois de suite et de soulever deux trophées.

En effet, après avoir été battue en finale lors du tournoi régional-Ouest face à l’équipe de Diquini, ils ont tous promis à leur façon de corriger leurs erreurs et de remporter le tournoi national à Gonaïves en juillet 2014. C’est peut-être la raison pour laquelle aucun d’entre eux n’a manifesté des signes d’inquiétude, quand ils ont perdu leur tout premier match au tournoi national face à l’équipe de Darbonne. Au contraire ils ont rassuré leurs coaches et renouvelé leur promesse. De fait, ils ont gagné tous leurs autres matchs et ont été sacrés champion national pour l’année 2014 !
Préparation d'une intervention

Ce duel des champions était donc une occasion pour eux de prendre leur revanche sur l’équipe de Darbonne. Là encore, ils ont promis une victoire et ont réalisé leur promesse. Mais ce qu’il faut retenir par rapport à ce match, c’est l’autonomie de pensée dont nos 3 débatteurs ont fait montre. Ce résultat a été obtenu sans l’aide de leurs animateurs : ils ont eux-mêmes planifié leurs rencontres de travail et préparé tout seuls le match. Cela nous prouve combien l’activité  du débat peut développer chez les jeunes non seulement le sens de responsabilité mais surtout la capacité de réfléchir par eux-mêmes, d’effectuer des recherches et de produire des idées tout à fait rationnelles.

Cependant, si la relation entre les trois débatteurs parait harmonieuse durant les matchs et dans les autres espaces, elle n’est pas toujours ainsi durant les heures de travail. Fortuné se plaint toujours du caractère insouciant de ces coéquipières, alors que ces dernières le trouvent trop agressif ; tout peut être l’occasion d’une discussion qui ralentit le travail. De plus, Sara et Laudney, ayant fréquenté pendant longtemps la même école, ont toujours des histoires à se raconter, ce qui ne plait pas à Fortuné qui est toujours concentré sur son travail. Heureusement, ils ont la capacité de dépasser ces petits conflits et de se donner à fond pour réaliser un travail d’équipe. Par ailleurs si le public a noté l’assurance avec laquelle ils ont abordé leurs matchs, pour mieux comprendre ce qui fait la force de ce trio, il faut connaitre leurs qualités respectives.

Présentation du trio

-          Laudney Ambroise, la révélation
Laudney a 18 ans et vient de terminer ses études classiques. Au club, on l’appelle « Man lolo » pour avoir joué avec brio le rôle de Marie Laurence Jocelyne Lassègue dans un baloon-debate [exercice d’art oratoire et d’argumentation qui consiste à se mettre dans la peau d’un personnage public et à argumenter sur la base des contributions de ce personnage dans son environnement pour rester en vie sur un bateau imaginé]. Elle s’est fait remarquer dès ses premières réunions dans le club par sa participation active aux séances de travail, par ses interventions remarquables et par sa capacité à apprendre rapidement.
Par contre, elle a tardé à s’imposer comme débatteuse, car elle a été approximative dans les matchs qu’elle a joué au sein du club. Appliquant les conseils de ses coaches, ses progrès sont mis en évidence lors du tournoi local de son club dans lequel elle a été désignée deuxième meilleure débatteuse, son équipe ayant été finaliste du tournoi.

Ce qui fait la force de Laudney c’est sa vigueur et la profondeur de ses raisonnements. Dans le rôle de première affirmative (1A) comme dans celui de première négative (1N), elle accomplit toujours le travail nécessaire. Si on lui reproche des fois son débit qui est trop rapide et le fait de se perdre des fois dans ses explications, elle possède une grande maitrise de soi, une très bonne capacité de rebondissement qui lui permet de surprendre ses adversaires lors des contre-interrogatoires.

Elle a par ailleurs une qualité exceptionnelle : la culture de l’autocritique. Laudney sait toujours reconnaitre ses failles, après ses matchs, revient sur ses erreurs et en discutent afin d’éviter de les commettre à nouveau au lieu de chercher à les justifier. Cette attitude lui permet de s’améliorer sur chaque match. Aussi, accepte t-elle toujours ses défaites et s’en inspirent pour progresser.

-          Fortuné Wilbert, un modèle
Il est le plus jeune débatteur du club, il a 17 ans et est en classe de Seconde. Fortuné est agressif, très sûr de lui-même et fait des fois peu de confiance en ses coéquipiers. Si ce dernier point est sans conteste un grand défaut, il est difficile de trancher sur les deux premiers. En fait, Fortuné est un débatteur exceptionnel. Dès son arrivée au club, il s’est procuré le guide pédagogique de débat de la FOKAL et s’est comporté en autodidacte. Il a de ce fait bénéficié plus que n’importe quel autre débatteur des formations organisées dans le club, car il s’agissait pour lui de compléter ce qu’il avait déjà appris dans le livre.

Malheureusement à cause d’un période d’absence dans le club, il n’a pas pu participer au premier tournoi local ni au régional non plus. Il a par contre participé à son premier tournoi national en été 2013 à Jacmel, dans lequel il est passé inaperçu alors qu’il était déjà un très bon débatteur. En effet, Fortuné prend toujours au sérieux ses matchs, il effectue beaucoup de recherches et maitrise toujours le sujet qu’il doit débattre. En juillet dernier, deux semaines avant le tournoi à Gonaïves, il a présenté un exposé complet et très intéressant sur le thème de réchauffement climatique, qui était retenu pour le tournoi.

Fortuné a un esprit critique très développé qui lui permet de réfuter assez facilement les arguments de ses adversaires. De plus, sa riche culture  générale lui donne une certaine spontanéité, ce qui est très important pour un débatteur. Dans son rôle de deuxième orateur (affirmatif ou négatif), il arrive toujours à convaincre les juges avec la force de ces raisonnements et sa capacité à mobiliser des supports soutenant ses affirmations. Il est souvent désigné comme meilleur débatteur dans les matches. Comme ce fut le cas au tournoi national à Gonaïves.

-          Ruth-Sara Monteau, l’incarnation du progrès

Tout comme sa grande amie Laudney, Sara vient de terminer ses études classiques et elle a 18 ans. C’est sous l’influence de son frère qui est un ancien débatteur du club qu’elle a décidé d’intégrer le club, manifestant dès lors son désir de devenir une grande débatteuse. Cependant une fois membre du club, elle n’arrive pas à s’imposer malgré ses potentialités. C’est que Sara se révèle des fois un peu trop désinvolte et semble ne pas prendre au sérieux le débat. En 2013, elle est choisie par ses coachs malgré ses faiblesses parmi les quatre jeunes qui vont représenter le club au tournoi national à Jacmel. Malgré sa déception de ne pas avoir été choisie comme débatteuse dans l’équipe, elle en a profité pour apprendre de ses camarades et se préparer pour l’année suivante.

En mai 2014, elle a joué le tournoi local du club, mais son équipe est éliminée en demi-finale. Vu ses progrès remarquables, elle est choisie pour représenter le club au tournoi régional de l’Ouest le mois suivant. Sara peaufine son rôle de troisième, elle a une grande capacité de synthèse et possède l’audace qu’il faut pour coincer ses adversaires dans les contre-interrogatoires. Cependant, elle a été très critiquée dans le tournoi régional tant par les juges que par certains camarades. Certains camarades du club pensent qu’elle est le maillon faible de l’équipe et qu’elle ne devrait pas représenter le club au tournoi national.
 
Sara interroge un débatteur au duel des champions, 13 déc. 2014
Sara a gardé quand même la confiance de ses coaches et promet de travailler son rôle. Après son premier match au tournoi national, elle a enfin saisi le sens de la démarche à suivre pour préparer une bonne conclusion : prendre des notes ! Elle s’inspirera en effet du fameux conseil d’un de ses camarades dans le club : chaque équipe a seize (16) minutes de préparation au lieu de huit (8) car il faut aussi profiter du temps de préparation de l’équipe adverse pour se préparer. Faire une synthèse du match, montrer la faiblesse de l’équipe adverse, montrer la force de son cas, revenir sur les points clashs du match, faire ressortir les enjeux et proposer une alternative.

Sara maitrise désormais tout cela et à s’attache à les appliquer. Dans ses matchs ultérieurs, Sara a livré des performances extraordinaires. Elle est sortie deuxième meilleure débatteuse du tournoi national et ses discours de clôture au débat ont impressionné tous ceux qui ont assisté à ce tournoi.

En guise de conclusion

Il est important de signaler que ce programme de débat va au delà des tournois et des trophées. Dans une société démocratique, les pratiques argumentatives sont très importantes dans la mesure où elles peuvent contribuer à une opinion publique éclairée, nécessaire pour faire émerger une démocratie participative. Normand BAILLAGEON, un essayiste canadien, nous rappelle dans son Petit guide d’autodéfense intellectuelle, qu’il est hautement désirable que, dans une démocratie, les citoyennes et citoyens soient informés des questions qui les concernent et qu’ils en jugent et en discutent en s’efforcent de tirer des inférences valides de faits connus ou admis, autrement dit, en faisant preuve de rationalité et de pensée critique. Et pour ce dernier, apprendre la pensée critique, c’est apprendre à évaluer les arguments, à juger les informations et les idées qui nous sont soumises.


Les techniques d’argumentation sont enseignées dans les écoles américaines et européennes, mais en Haïti le système éducatif fait complètement fi de ces pratiques alors qu’on a une démocratie à construire. On comprend à ce moment, tout en faisant un plaidoyer pour l’introduction d’un cours d’initiation à la pensée critique dans les écoles haïtiennes, la nécessité d’un tel programme de débat de FOKAL, vu l’importance des débats contradictoires dans une société. Aujourd’hui encore, le débat contradictoire représente symboliquement le levier qui permet l’émergence d’une solution éclairée. Il  n’y aurait pas de citoyenneté possible sans pratiques argumentatives ; la pratique du débat et la confrontation des idées se signalent comme une contribution pédagogique à l’expression de la démocratie, dixit Grenoble Fortin, un essayiste français.

Pendant plus de dix ans, des milliers de jeunes sont formés dans ce programme de débat de FOKAL, et y puisent ce que l’école haïtienne leur refuse : le développement de leur pensée critique ! Aussi faut-il encourager les jeunes à prendre part à ces activités, car elles ne peuvent être que profitables pour eux. En dehors des valeurs promues telles le respect de l’autre, l’honnêteté intellectuelle et la tolérance, l’esprit critique s’avère un outil important dans une société où la majorité de la population ne sait ni lire ni écrire. Reste à savoir comment ces jeunes peuvent mobiliser cet outil pour se rapprocher des masses populaires laissées dans l’ignorance et pour participer eux aussi a la construction de cette démocratie tant revendiquée.

L’introduction des débats en créole dans le programme ne serait-elle pas un pas vers la réalisation de ce projet ?

Wedly Mozeau
Animateur du club de centre-ville (BMC)

mercredi 17 décembre 2014

Duel des champions: Le club BMC a frappé un grand coup !

Le club de BMC a encore frappé cette année : son équipe, composée de Ruth Sara Monteau, de Wilbert Fortuné et de Laudney Amboise, a remporté le duel des champions qui l’opposait à l’équipe du club de Darbonne, formée de Gayle Sloane Saint-Louis, de Kindro Cadet et de Charlancia Rémy, ce samedi 13 décembre 2014, au centre culturel Pyepoudre situé au quartier de Bourdon (Port-au-Prince). Les 2 clubs ont aligné exactement les mêmes équipes qui ont triomphé des compétitions de débat précédentes.

L'équipe du club de BMC
Dans la salle de conférence du centre Pyepoudre archicomble, l’ambiance était fort électrique tant par le stress des supporteurs et des coaches des 2 clubs en confrontation, la concentration nerveuse des débatteurs des 2 équipes, que par l’excitation du public. Plus d’une centaine de jeunes, étaient venus en délégations de Cote-Plage, de Martissant, de Darbonne, de BMC, de Fond Parisien, de Christ-Roi, et de Diquini, accompagnés des animateurs de leurs clubs respectifs.





L'équipe du club de Darbonne
Les filles, qui ont constitué la majorité de l’auditoire de ce match de débat, étaient parées comme pour venir à un concours. Effectivement le sujet de ce débat inédit a été : « Les concours de beauté devraient être interdits ». Par contre, les 3 juges du débat (Wisguerby Bellegarde, Magalie Civil, Jean-Marie Pierre) n’en menaient pas large tant il a été difficile pour eux, selon leurs propres dires, de voter pour une équipe. Voilà pourquoi.




De la tyrannie des apparences

L’équipe de BMC qui défendait la résolution (coté affirmatif) a soutenu que « les concours de beauté encouragent la tyrannie des apparences », c’est-à-dire l’idée que « ce qui est beau doit être bon ». L’équipe affirmative a expliqué aussi que ces concours encouragent l’intoxication de l’être (promotion d’une typologie de la beauté par la chirurgie esthétique) au profit du paraitre, font primer l’apparence sur la compétence, des tendances qui poussent les individus vers un mauvais exemple de la beauté.
Ruth Sara Monteau (BMC) interrogeant Kindro Cadet (Darbonne)
L’équipe de Darbonne a rétorqué que « les concours de beauté ne demandent pas aux participants d’aller faire des opérations esthétiques. Si une Miss fait cela, c’est de son propre gré, et non parce que les concours l’y ont obligés ».

L’équipe affirmative a avancé un deuxième argument qui dit que les concours de beauté « …provoquent l’hyper sexualisation des enfants ». L’expression hyper sexualisation renvoie à la sexualisation précoce des enfants quand ces compétitions encouragent les stéréotypes de genre chez eux. « Si, tôt, on prive les enfants de leur enfance, quand ils seront adultes, ils seront déjà trop vieux », dixit Sarah de BMC.
Kindro Cadet (Darbonne) interrogeant Wilbert Fortuné (BMC)
Mais là où BMC a parlé de tyrannie, Darbonne, dans sa réfutation, a vu au contraire valorisation de la beauté dans ces concours. Quand BMC déplore l’hyper sexualisation des enfants, leurs adversaires de Darbonne ont rétorqué pour dire que les concours de beauté leur permettent seulement de développer leurs talent et capacités.


De la confiance en soi à l’engagement

L’équipe de Darbonne, qui s’opposait à la résolution (coté négatif), a soutenu l’idée que ces types de concours « …permettent aux participants d’avoir une pleine confiance en soi (…) à savoir parler en public, à mieux se comporter ». Ce qu’a réfuté une débatteuse de BMC qui a rétorqué que « s’il faut ressembler à un top model pour avoir une estime de soi, il doute de notre idéal du moi. […] Si nous détestons nos imperfections (texture de nos cheveux, grosseur de nos seins…), nous n’avons donc aucune valeur de nous-mêmes».

Un autre intérêt de ces compétitions pour l’équipe négative (Darbonne) est qu’elles «…permettent aux participants de promouvoir les valeurs socioculturelles de leur pays » (ils citent le cas de Miss Congo qui a contribué à changer l’image négative sur son pays), poussent les jeunes femmes vers « …un engagement dans la vie sociale, à s’intéresser à des problèmes sociaux, à soutenir des causes nationales ou mondiales ».
Laudney Amboise (BMC) interrogeant Gayle Sloane (Darbonne)
L’équipe de BMC a rebondi sur l’exemple de Miss Haïti en dénonçant le fait que le comité du concours l’a forcée à couper ses cheveux crépus. « Quelles valeurs d’Haïti le comité et la Miss ont voulu promouvoir ? Est-ce que le bikini est une valeur socioculturelle ? Est-ce que les profs à l’école récompensent ceux qui sont beaux ? », a t-elle  demandé. Autant de questions posées pour illustrer la vanité et la vacuité des concours de beautés.

Les concours de beauté, un bucher des vanités

Dans son discours de clôture, Sara Monteau de l’équipe de BMC, a fondé son argumentaire sur la relativité de la beauté. « Les concours de beauté ne valorisent pas la beauté, mais plutôt les gens qui sont beaux aux yeux des organisateurs. Ils véhiculent des stéréotypes (au lieu des valeurs culturelles) qui rendent vulnérables les enfants exposés à ce genre de choses.
Discours de clôture de Sara Monteau (BMC)
Ces concours font primer la beauté physique sur les valeurs intrinsèques de l’individu. Les candidates sont soumises à des critères pour leur participation, et des fois sont obligées de se faire opérer pour se refaire [certaines parties du corps], ce qui en aucun cas n’encourage la confiance en soi.

Les concours de beauté encouragent les participantes à rejeter leur culture parce que les Miss, à l’exemple de Miss Haïti 2014, Caroline Désert, sont obligées de répondre aux critères exigés par les organisateurs [dans les compétitions internationales].

Une partie du public
A qui ces concours profitent-ils ? (…) Pas aux femmes, encore moins à la société », sembla vouloir dire Sara Monteau. Elle pense qu’ « il aurait mieux fallu organiser des conférences ou des séminaires qui amènent les gens à accepter leur corps, à mieux s’apprécier ».

Les concours de beauté, expression du combat pour l’émancipation de la femme

Charlancia Rémy de l’équipe de Darbonne a terminé le débat par ce vibrant plaidoyer :
« S’il est un combat que de nombreuses femmes et associations féministes mènent à travers le monde entier depuis plusieurs décennies, c’est celui de l’émancipation de la gent féminine. Les débats autour du genre et de l’égalité des sexes n’ont jamais eu autant de résonnance qu’en ce début du Xxi siècle.
Discours de clôture de Charlancia Rémy (Darbonne)
Au fond, les gouvernements à l’échelle mondiale s’activent et manœuvrent pour permettre à la femme de s’exprimer, de s’affirmer et de s’émanciper. Tout est ainsi mis en œuvre à celle que des philosophies  rétrogrades considèrent comme le sexe faible, de ne plus se sentir marginalisé et de vivre pleinement à coté de l’homme en bénéficiant des mêmes privilèges que lui.

C’est dans ce contexte qu’on pourrait inscrire la naissance et l’amplification des concours de beauté. Car à travers ces défilés et concours, la femme a l’occasion de montrer que, d’abord et avant tout, elle est propriétaire de son propre corps. Ce n’est pas un hasard si les concours de beauté se multiplient.

Quoi de plus normal et de plus noble pour un peuple que de promouvoir sa culture à travers ses canons de beauté ! Si de temps en temps, des hommes s’offusquent de l’importance grandissante accordée à ces concours, qui mieux que la femme peut incarner et manifester l’idée du beau ?

Dans certaines cultures, la beauté du corps masculin est mise en évidence, mais il faut admettre que lorsqu’on parle de célébrer la beauté, la femme fait presque l’unanimité. Parce que l’objectif, le véritable objectif de ces concours de beauté, malgré toutes les opinions négatives qu’on puisse avancer, c’est de faire en sorte qu’aucune femme ne se sente lésée.
La juge  Magalie Civil
Valorisons la beauté ! Soyons pour ces concours ! Parce que c’est aussi valoriser la femme. Merci ! »

Un verdict sans appel

Les 3 juges du débat ont voté pour l’équipe de la BMC qui défendait le sujet. Pour justifier leur décision, ils ont souligné tour à tour la faiblesse des réfutations de l’équipe de Darbonne, l’incapacité de cette équipe à résoudre la contradiction de la Miss congolaise qui utilise des produits européens alors qu’elle fait la promotion de son pays. Le club BMC a donc fait coup double cette année, en remportant 2 titres et trophées majeurs : Champion du tournoi national 2014, et Club Champion  des champions !
BMC, Club Champion des champions 2014!
Les juges ont tenu quand même à souligner la maîtrise du format Karl Popper par les débatteurs, le la bonne séance de questionnements de part et d’autre, le bon niveau de raisonnement des 2 équipes, le calme et le sang-froid des jeunes. Néanmoins, ils ont tout de même déploré la définition du concours de beauté qui a été sacrifiée, l’hyper féminisation du débat qui se ramène aux filles, l'excès d'explications qui plutôt que de clarifier les arguments ont eu des fois le résultat inverse..

Toutefois, ils ont été séduits tous les trois par le plaidoyer de Charlancia Rémy de l’équipe de Darbonne, dans son discours de clôture sur le combat des femmes dans le monde pour l’égalité, contre l’exclusion et pour leur émancipation. Elle a reçu des applaudissements nourris du public et a  gagné le titre enviable de "Meilleur débatteur du match". Mais cela n’a pas suffi aux juges pour voter en faveur de son équipe.
Charlancia Rémy (Darbonne), meilleure débatteuse du match
FOKAL adresse ses vives félicitations à Laudney, Sara et Wilbert ! Bravo aussi à leurs 2 coaches Ricardo Nicolas et Wedly Mozeau ! Cet exceptionnel résultat démontre 2 tendances qui s’enracinent: 1. les filles réalisent les meilleures performances dans les compétitions de débat organisées par FOKAL ; 2. les clubs les plus réguliers trustent le top du classement des clubs. Les autres clubs seraient bien heureux de s’en inspirer.

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur des Programmes Initiative Jeunes
FOKAL – Open Society Foundations Haïti


Score des débatteurs

Charlancia Rémy (Darbonne) =  84 points
Wilbert Fortuné (BMC) =       81 points
Launey Amboise =                    79 points
Kindro Cadet =                         79 points
Gayle Sloane Saint-Louis =   76 points
Ruth Sara Monteau =             76 points

mercredi 10 décembre 2014

Duel pour le sacre du champion des champions

Salut,

J’ai le plaisir de communiquer à toute la communauté des débatteurs du réseau et les usagers du blog le sujet du duel entre le champions du tournoi national 2014, et le club de Darbonne, victorieuse du duel des champions régionaux contre Diquini, le 22 novembre dernier à Martissant :

« Les concours de beauté devraient être interdits »

Le match aura lieu au centre culturel Pyepoudre, au 392, Ave. John Brown (Lalue), le samedi 13 décembre 2014, à 10h am.

Tous les débatteurs des clubs sont invités à y assister selon vos moyens. Ce débat est bien entendu ouvert au public.

Le club victorieux de ce duel sera sacré « Club Champion des Champions de compétitions de débats », organisées par FOKAL pour l’année 2014.
Ne ratez pas ce rendez-vous!

Jean-Gérard Anis           
Coordonnateur du PIJ     
FOKAL OSF Haïti


mardi 9 décembre 2014

Le club de Camp-Perrin, 10 ans déjà !

Historique du club de débat de Camp-Perrin

Intervention d'Alex Sylné à la formation d'animateurs à Jacmel
Le club de Camp-Perrin, comme tant d’autres clubs du pays, a pris naissance à l’issue d’un séminaire sur le débat organisé par FOKAL à l’hôtel Cyvadier de Jacmel, en janvier 2005. Trois animateurs de Camp-Perrin ont été recrutés : Alex Sylné actuel animateur principal, Marc-Aurel Ambroise et Sergo Ostève, décédé dans un tragique accident de la circulation, le 18 mai 2010. On se rappelle bien notre enthousiasme en découvrant le débat à travers la formation animée par Jean-Gérard Anis et Gérald Barreau, animateurs du club de Jacmel et formateurs nationaux, et également de Jean-Marie Pierre. Des jeunes du club de débat de Jacmel nous avaient gratifiés d’un excellent débat d’exhibition.

Revenus à Camp-Perrin, nous avons  tôt fait de mettre le club sur pied à la grande joie des jeunes qui ont vu dans le débat à la fois un moyen de s’instruire et de s’amuser. Nos premières réunions se tenaient au local de l’Organisation pour la Réhabilitation de l’Environnement (ORE). On comptait à cette époque cent dix jeunes. Quelque temps après, les clubs formés dans le pays à l’occasion du séminaire de Jacmel ont commencé à péricliter. Plusieurs d’entre eux avaient même cessé d’exister.
Atelier de formation au camp national Été 2008 à Camp-Perrin 

Mais le club de Camp-Perrin, même avec  un effectif assez réduit - une vingtaine de jeunes – a su tenir bon. A l’époque, les clubs ne recevaient pas encore de frais de fonctionnement, mais si grand était notre amour pour cette activité que nous assumions personnellement les dépenses impliquées par le fonctionnement du club. Un noyau dur est resté jusqu’à ce qu’en 2008, année du camp national de débat organisé à Camp-Perrin pour tous les clubs. Puis le club a pu reprendre normalement ses activités grâce à une assistance financière de la FOKAL.


Les grands moments du club

Excursion à Ore, lors du camp national aux Cayes Été 2009
Il y eut naturellement le camp national de 2008 organisé à l’auberge «  La Distribution » à Camp-Perrin. En tant que club hôte, nous tenions beaucoup à ce que ce camp fût une réussite. Et effectivement, le camp a si bien réussi qu’on en parle encore parmi les plus anciens membres des clubs qui y ont participé. On n’oubliera pas la randonnée à la grotte de Kounoubwa, la visite du champ de manguiers greffés de ORE. On n’oubliera pas surtout le zèle de cet employé de ORE, « Commis » ainsi connu qui, à lui seul, avait greffé un champ de mille manguiers ! Les jeunes avaient été vraiment impressionnés par son immense travail et le zèle avec lequel ce technicien travaille à la protection de l’environnement par la multiplication des arbres fruitiers à Camp-Perrin.

Journée de sensibilisation à Camp-Perrin en avril 2012
Autre grand moment a été la journée de sensibilisation organisée par le club en avril 2012, sous le thème  « Proteje pyebwa se pwoteje lavi ». Une soixantaine de jeunes avaient participé à cette journée et le coordonnateur des programmes « Initiatives Jeunes » Monsieur Jean-Gérard Anis en personne était là, accompagné de Magalie Civil du club de Cote-Plage, des jeunes et des animateurs du club des Cayes. Les jeunes ont visité ORE, « haut-lieu » de la protection de l’environnement à Camp-Perrin où ils ont écouté les interventions de l’agronome Eliassaint Magloire et de Madame Mousson Finigan sur la protection de l’environnement.

Deux autres moments forts ont marqué la vie du club : notre premier titre de champion gagné au tournoi national de débat (Public forum) à Hinche, en juillet 2011, et l’année suivante nous avons encore été sacrés champion national au tournoi Karl-Popper au Cap-Haïtien en août 2012.

Témoignages des jeunes

Il est difficile qu’un jeune ait goûté au débat pour laisser ensuite définitivement le club. La plupart de ceux qui ne vivent plus à Camp-Perrin témoignent de la façon dont leur passage dans le club les a aidés par la suite soit dans leurs études, soit dans leurs relations avec autrui. Ils ne cessent de nous encourager à continuer à aider les autres jeunes à pérenniser cette activité pour l’épanouissement de ces derniers. Quand ils ont l’occasion de visiter le club, ils les encouragent  à prendre au sérieux cette activité.
Camp-Perrin, champion national du tournoi de débat Public Forum Été 2011 à Hinche

Pour Dunex Gustave, ex-membre du club et étudiant en Sciences-informatiques, « celui qui ne fréquente pas un club, tel que celui-ci, ne saura jamais ce qu’il perd. Dans mes relations avec autrui, je ne crains plus de faire passer mon opinion et j’apprends à respecter l’opinion des autres. »

Camp-Perrin, champion du tournoi national de débat Karl Popper Été 2012 au Cap
Quant à Laurenceau Berline, elle affirme que sa participation au club a été une étape importante non seulement dans sa carrière d’étudiante, mais surtout dans sa façon de comprendre la vie. Elle a pu débattre dans le club certains sujets qu’elle n’aurait jamais eu la chance de débattre, à l’école par exemple.

Perspectives

Le club de débat de Camp-Perrin, comme nous l’avons souligné dans un précédent article, a connu des moments difficiles, notamment en 2013 quand l’animateur principal est tombé gravement malade. Mais le club reprend vie peu à peu, grâce aux contributions du nouvel animateur adjoint, Pierre Sony Daudier, pour qui l’initiative lui donne une belle occasion de travailler avec les jeunes.
Une jeunesse camperrinoise prète à relever le défi du débat
Pour célébrer notre dixième année d’existence, nous comptons organiser beaucoup d’activités, entre autres un tournoi de débats avec huit équipes dont l’énoncé est le suivant : La suppression du baccalauréat première partie en Haïti est justifiée, et une conférence-débat sur le thème : Les nouvelles technologies et les opportunités qu’elles offrent aux jeunes.

Alex Sylné

Animateur du club de Camp-Perrin

mardi 2 décembre 2014

Le club de Darbonne, victorieuse du duel des champions régionaux

Samedi 22 décembre 2014, a eu lieu au centre Culturel Katherine Dunham dans le Parc de Martissant, le match de débat tant attendu par la communauté des débatteurs, entre les clubs de Diquini et de Darbonne, les 2 champions des tournois régionaux respectivement de l’Ouest et du grand Sud.
Le centre culturel Katherine Dunham au Parc de Martissant
Si l’équipe de Darbonne a gardé la même composition qu’au tournoi régional (Kindro Cadet, Gayle Sloane Saint-Louis et Charlancia RÉmy), celle de Diquini a été remaniée (qui voit l’introduction de Jean-Pierre FENDY aux cotés de Mardoché Barthelus et Stanley Pierre JEAN). Les 2 meilleurs débatteurs des tournois régionaux s’affrontaient également, Gayle Sloane Saint-Louis et Stanley Pierre Jean.

Environ une centaine de jeunes venues en délégation pour leurs clubs (Cote-Plage, Diquini, Darbonne, BMC, Fond Parisien, Martissant) ont assisté à cet important  match qui s’annonçait excitant, tant le sujet faisait déjà des vagues dans les 2 clubs en compétition, sur WhatsApp entre les animateurs dans le programme.
Une partie du public assistant au match de débat
Après le tirage au sort, l’équipe de Diquini a décidé de défendre la position affirmative qui soutient le sujet tandis que l’équipe de Darbonne a joué la position négative qui rejette la résolution qui est la suivante : « Les produits locaux sont à privilégier chaque fois que possible, même si les recettes de l’Etat dépendent des taxes sur les produits importés ».

Sécurité alimentaire vs baisse des revenus de l’Etat

D’entrée de jeu, Diquini a contextualisé le débat en évoquant le problème d’insécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, une façon habile de placer d’emblée l’enjeu du débat à une échelle internationale. L’équipe a pointé également le déséquilibre des revenus de l’Etat haïtien provenant à 96% de recettes fiscales sur les produits importés et 4% seulement des recettes non fiscales. Puis, l’équipe a fourni deux arguments :
L'équipe du club de Diquini
Leur premier argument stipule que privilégier les produits locaux « permettrait de développer l’économie locale ». Cela augmenterait, selon eux, l’investissement pour la création d’entreprises locales, qui auront un impact significatif sur l’augmentation du nombre d’emplois créés et des revenus en hausse pour la population. Tout ceci contribuerait alors à l’expansion de l’économie locale.

Darbonne a rejeté cet argument en expliquant que « privilégier les produits locaux ne développera pas l’économie locale, puisque ce serait dire non aux produits importés alors que les revenus de l’Etat dépendent largement des taxes prélevées sur eux. […]Cela conduirait à une augmentation des prix de ces produits que nous ne produisons évidemment pas ». Ainsi, l’Etat se privera de 96% de ses recettes.
Jean-Pierre Fendy (Diquini) interroge Gayle sloane St-Louis (Darbonne)
Diquini a soutenu dans leur 2e argument que privilégier les produits locaux « … garantirait la sécurité alimentaire de la population », laquelle qui repose sur 4 piliers : la disponibilité de la nourriture, l’accès à la nourriture, la stabilité de la production de la nourriture et la régularité satisfaisante de la nourriture ». Pour arriver à ce résultat, L’Etat doit subventionner ou rabaisser les prix des produits locaux, investir dans l’agriculture.

L’équipe de Darbonne a réfuté l’argument en montrant qu’il n’y a aucune protection de nos produits sur les marchés locaux [NDR : là, ils ont confondu protection sanitaire des produits et sécurité alimentaire]. La situation sanitaire est alarmante car nos produits alimentaires sont exposés à même le sol et dans des endroits insalubres, tandis que les produits importés sont dans des emballages, bien protégés. Ils ont aussi cherché à savoir où L’Etat trouvera l’argent pour financer un tel projet.

Privilégier ou améliorer, telle est la question

L’équipe de Darbonne a, par contre, affirmé que « favoriser les produits locaux aura une répercussion négative sur les recettes publiques », dont la mesure « …causerait une diminution des revenus de l’Etat », autrement dit une baisse de ses recettes fiscales qui, ont-t-ils précisé, s’élèvent à 44.6 milliards de gourdes pour l’exercice de 2012-2013. Ils ont cité l’économiste haïtien, Evens Prosper, qui a informé dans un article que l’Etat haïtien récolte au total 300 millions de dollars américains sur la taxation des produits importés de la République dominicaine.
Stanley Pierre Jean (Diquini) interroge Kindro Joseph (Darbonne)
Ce qu’a contesté Diquini qui précise que les taxes de l’Etat ne dépendent pas seulement des produits importés. Par ailleurs, ils ont fait comprendre que non seulement « …l’importation des produits étrangers ne sera pas interdite », mais encore « l’Etat peut prendre aussi des taxes sur les produits locaux ».

Darbonne a poussé plutôt pour une amélioration des produits locaux dans leur présentation, leur conditionnement, l’empaquetage et le transport, mais non pour leur accorder un privilège par rapport aux produits importés. Les produits locaux sont présentés et vendus dans de mauvaises conditions d’hygiène. Il faut les améliorer pour pouvoir les vendre aussi à l’étranger pour susciter une concurrence nécessaire à l’avantage de nos produits.
Mardoché Barthelus de Diquini, en plein discours
Diquini s’inscrit en faux contre ce raisonnement en expliquant que les produits étrangers ne sont pas mieux lotis que les locaux, en rappelant l’exemple du salami dominicain largement importé et consommé en Haïti, mais dont les problèmes d’hygiène ont valu une interdiction à ce produit par le gouvernement actuel, ou encore des fruits importés cueillis avant leur mûrissement pourrissent à leur arrivée sur le marché local.

L’équipe de Diquini a fait valoir également qu’améliorer les produits locaux, c’est déjà leur accorder une forme de privilège : « L’Etat donne un privilège aux produits locaux en les améliorant », confirma un membre de l’équipe, voulant montrer par ce retournement que Darbonne les a rejoints dans leur position. Mais la controverse sur la définition des mots privilégier (donner des avantages) et améliorer (rendre meilleur) a rendu le jury et l’auditoire plutôt confus.

Une confrontation idéologique

L’équipe de Diquini a milité clairement pour la création d’un fonds de soutien à la production locale et à l’exportation des produits locaux, car pour eux, « l’Etat peut créer des débouchés pour des produits et les entreprises locales », pour permettre le développement du pays. « Il faut transformer les produits locaux, les valoriser ».
L'équipe du club de Darbonne
L’équipe a livré en quelque sorte un plaidoyer pour la sécurité alimentaire de la population, mise à mal selon eux par « …le libéralisme économique qui a amplifié les problèmes du pays ». Mais il faudra rendre le pays capable de produire, comme le recommande la FAO, le Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, dirent-ils.

L’équipe de Darbonne a insisté sur l’idée que « pour privilégier, l’Etat doit augmenter les taxes sur les produits importés ». Or, ce n’est pas la panacée, puisque cela va créer l’inflation. Elle croit au contraire que les importations peuvent faciliter la croissance et contribuer à améliorer le niveau de vie de la population.
Les débatteurs serrant les mains de leurs adversaires et du jury
Puisqu’aucun pays ne peut empêcher l’importation de produits sur son territoire et que le pays n’a pas les moyens pour financer la politique préconisés dans la résolution, l’équipe conclut qu’« il faut panser le malade là où il est blessé ».

Si confrontation idéologique il y a, comme l’équipe affirmative l’a fait comprendre, ce serait une victoire du libéralisme, défendue par les débatteurs de Darbonne, sur le protectionnisme promu par ceux du club de Diquini.

Un verdict contrasté

L’équipe défendant la position négative (Darbonne) a gagné le débat par 2 à 1. La seule des 3 juges qui a voté pour l’équipe de Diquini a été convaincue par « la cohérence d’ensemble de leur position, qui s’est surtout reflétée dans le discours du 3e orateur ». Elle a aussi souligné sur son bulletin que l’équipe « a su gérer les moments-clés du match, notamment la confrontation sur les notions d’amélioration et de privilège ».
Le jury
Un autre juge a mis en avant « la bonne présentation et les nombreux supports » aux arguments de l’équipe de Darbonne qui ont motivé son vote. Il a déploré le fait que « le discours affirmatif n’est pas assez travaillé ». Il a relevé les contradictions de l’argumentation de Diquini, se demandant « si on taxe les produits locaux, où sera le privilège », ou encore l’incapacité de l’équipe à fournir des réponses satisfaisantes aux contre-interrogatoires.
L'équipe de Darbonne fêtant leur victoire avec leur coach
Le dernier juge a voté pour Darbonne, car il a trouvé que leur argumentation a le mérite d’être clair, simple et constante (particulièrement le 1er argument). Il a pointé le manque de lien de causalité du 1er argument de l’équipe affirmative (Diquini), jugé trop imprécis. Il a sanctionné leur suivisme à l’égard de Darbonne qui les a enfermés dans un discours sur la protection des produits alimentaires alors qu’elle défendait la sécurité alimentaire (qui a été mal interprétée par Darbonne). Diquini a raté ainsi une belle occasion de pousser hors du débat leurs adversaires.

Les leçons de ce duel

Les filles confirment encore une fois leur puissance dans le débat. Charlancia RÉMY de l’équipe de Darbonne a gagné le titre de meilleur débatteur du match, remportant de justesse le titre face à Stanley Pierre JEAN de Diquini. Elle a fait la démonstration de ses capacités par le tranchant de ses questions à son adversaire, par la maîtrise du dernier discours pour son équipe (voir son profil sur notre page Facebook et le blog du PIJ).
Charlancia Rémy, meilleure débatteuse du match
Ce duel donne sans nul doute plus de piment à la confrontation de débat entre le club de Darbonne et le club de BMC, champion national 2014 en titre. Ce dernier sait à quoi s’attendre vu qu’il a eu le temps de voir venir une redoutable équipe de Darbonne, rassurée et renforcée par sa dernière victoire. 

Ce ne sera pas un concours de beauté !


Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes
FOKAL


Points des débatteurs

Charlancia Rémy =              86
Stanley Pierre Jean =           85
Gayle Sloane Saint-Louis = 81
Kindro Cadet =                    80
Jean-Pierre Fendy =             78
Mardoché Barthelus =          78

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