Le club de BMC a
encore frappé cette année : son équipe, composée de Ruth Sara Monteau, de
Wilbert Fortuné et de Laudney Amboise, a remporté le duel des champions qui
l’opposait à l’équipe du club de Darbonne, formée de Gayle Sloane Saint-Louis,
de Kindro Cadet et de Charlancia Rémy, ce samedi 13 décembre 2014, au centre
culturel Pyepoudre situé au quartier de Bourdon (Port-au-Prince). Les 2 clubs
ont aligné exactement les mêmes équipes qui ont triomphé des compétitions de
débat précédentes.
L'équipe du club de BMC |
L'équipe du club de Darbonne |
De la tyrannie des apparences
L’équipe de BMC qui
défendait la résolution (coté affirmatif) a soutenu que « les concours de beauté encouragent la
tyrannie des apparences », c’est-à-dire l’idée que « ce qui est beau doit être bon ». L’équipe
affirmative a expliqué aussi que ces concours encouragent l’intoxication de l’être (promotion d’une typologie de la beauté par la chirurgie esthétique) au profit du
paraitre, font primer l’apparence sur la
compétence, des tendances qui poussent les individus vers un mauvais exemple de la beauté.
Ruth Sara Monteau (BMC) interrogeant Kindro Cadet (Darbonne) |
L’équipe affirmative
a avancé un deuxième argument qui dit que les concours de beauté « …provoquent l’hyper sexualisation des
enfants ». L’expression hyper
sexualisation renvoie à la sexualisation
précoce des enfants quand ces compétitions encouragent les stéréotypes de genre chez eux. « Si, tôt, on prive les enfants de leur
enfance, quand ils seront adultes, ils seront déjà trop vieux », dixit
Sarah de BMC.
Kindro Cadet (Darbonne) interrogeant Wilbert Fortuné (BMC) |
De la confiance en soi à l’engagement
L’équipe de
Darbonne, qui s’opposait à la résolution (coté négatif), a soutenu l’idée que
ces types de concours « …permettent
aux participants d’avoir une pleine confiance en soi (…) à savoir parler en public, à mieux se
comporter ». Ce qu’a réfuté une débatteuse de BMC qui a rétorqué que
« s’il faut ressembler à un top
model pour avoir une estime de soi, il doute de notre idéal du moi. […] Si nous détestons nos imperfections
(texture de nos cheveux, grosseur de nos seins…), nous n’avons donc aucune valeur de nous-mêmes».
Un autre intérêt de
ces compétitions pour l’équipe négative (Darbonne) est qu’elles «…permettent aux participants de promouvoir
les valeurs socioculturelles de leur pays » (ils citent le cas de Miss
Congo qui a contribué à changer l’image négative sur son pays), poussent les
jeunes femmes vers « …un engagement
dans la vie sociale, à s’intéresser à des problèmes sociaux, à soutenir des
causes nationales ou mondiales ».
Laudney Amboise (BMC) interrogeant Gayle Sloane (Darbonne) |
Les concours de beauté, un bucher des vanités
Dans son discours
de clôture, Sara Monteau de l’équipe de BMC, a fondé son argumentaire sur la
relativité de la beauté. « Les
concours de beauté ne valorisent pas la beauté, mais plutôt les gens qui sont
beaux aux yeux des organisateurs. Ils véhiculent des stéréotypes (au lieu des
valeurs culturelles) qui rendent vulnérables les enfants exposés à ce genre de
choses.
Discours de clôture de Sara Monteau (BMC) |
Les concours de beauté encouragent les participantes à
rejeter leur culture parce que les Miss, à l’exemple de Miss Haïti 2014,
Caroline Désert, sont obligées de répondre aux critères exigés par les
organisateurs [dans les compétitions internationales].
Une partie du public |
Les concours de beauté, expression du combat pour
l’émancipation de la femme
Charlancia Rémy de
l’équipe de Darbonne a terminé le débat par ce vibrant plaidoyer :
« S’il est un combat que de nombreuses femmes
et associations féministes mènent à travers le monde entier depuis plusieurs
décennies, c’est celui de l’émancipation de la gent féminine. Les débats autour
du genre et de l’égalité des sexes n’ont jamais eu autant de résonnance qu’en
ce début du Xxi siècle.
Discours de clôture de Charlancia Rémy (Darbonne) |
C’est dans ce contexte qu’on pourrait inscrire la
naissance et l’amplification des concours de beauté. Car à travers ces défilés
et concours, la femme a l’occasion de montrer que, d’abord et avant tout, elle
est propriétaire de son propre corps. Ce n’est pas un hasard si les concours de
beauté se multiplient.
Quoi de plus normal et de plus noble pour un peuple que
de promouvoir sa culture à travers ses canons de beauté ! Si de temps en
temps, des hommes s’offusquent de l’importance grandissante accordée à ces
concours, qui mieux que la femme peut incarner et manifester l’idée du
beau ?
Dans certaines cultures, la beauté du corps masculin est
mise en évidence, mais il faut admettre que lorsqu’on parle de célébrer la
beauté, la femme fait presque l’unanimité. Parce que l’objectif, le véritable
objectif de ces concours de beauté, malgré toutes les opinions négatives qu’on
puisse avancer, c’est de faire en sorte qu’aucune femme ne se sente lésée.
La juge Magalie Civil |
Un verdict sans appel
Les 3 juges du
débat ont voté pour l’équipe de la BMC qui défendait le sujet. Pour justifier
leur décision, ils ont souligné tour à tour la faiblesse des réfutations de l’équipe
de Darbonne, l’incapacité de cette équipe à résoudre la contradiction de la
Miss congolaise qui utilise des produits européens alors qu’elle fait la
promotion de son pays. Le club BMC a donc fait coup double cette année, en remportant 2
titres et trophées majeurs : Champion du tournoi national 2014, et Club Champion
des champions !
BMC, Club Champion des champions 2014! |
Les juges ont tenu
quand même à souligner la maîtrise du format Karl Popper par les débatteurs, le
la bonne séance de questionnements de part et d’autre, le bon niveau de
raisonnement des 2 équipes, le calme et le sang-froid des jeunes. Néanmoins,
ils ont tout de même déploré la définition du concours de beauté qui a été
sacrifiée, l’hyper féminisation du débat qui se ramène aux filles, l'excès d'explications qui plutôt que de clarifier les arguments ont eu des fois le résultat inverse..
Toutefois, ils ont été
séduits tous les trois par le plaidoyer de Charlancia Rémy de l’équipe de Darbonne, dans son discours de clôture sur
le combat des femmes dans le monde pour l’égalité, contre l’exclusion et pour leur
émancipation. Elle a reçu des applaudissements nourris du public et a gagné le titre enviable de "Meilleur débatteur du match". Mais cela n’a
pas suffi aux juges pour voter en faveur de son équipe.
Charlancia Rémy (Darbonne), meilleure débatteuse du match |
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur des
Programmes Initiative Jeunes
FOKAL – Open Society Foundations Haïti
Score des débatteurs
Charlancia
Rémy (Darbonne) = 84 points
Wilbert
Fortuné (BMC) = 81 points
Launey
Amboise = 79 points
Kindro Cadet = 79 points
Gayle
Sloane Saint-Louis = 76 points
Ruth
Sara Monteau = 76 points
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire