lundi 26 novembre 2018

Les jeunes de Jérémie débattent de l’avenir du parlement haïtien


Suite à plusieurs séances de formation organisées sur le format Karl Popper consolidées par un match d’exhibition à l’occasion de la Journée mondiale du créole, le club de débat de Jérémie a réalisé son tout premier tournoi de débat mixte pour cette année, le 11 novembre dernier, autour de ces deux sujets:
-          On devrait exiger un niveau intellectuel aux candidats en Haïti.
-          Le parlement devrait être dissout en Haïti (finale).
Nouveautés :
1)      Pour la toute première fois, notre tournoi a été organisé en une seule journée. C’était vraiment fatiguant. Cependant, cette manière intensive commence bien à préparer nos débatteurs à la manière du tournoi régional et national de 2019.
2)      Un certificat de participation a été offert à chaque participant.
3)      Seuls les jeunes qui ont suivi toutes les séances de formation ont pris part à ce tournoi (24).

Résumé de la finale autour du sujet : Le parlement devrait être dissout en Haïti.
L’équipe affirmative était composée de Alexis Hugor du collège Etzer Vilaire, Pierre-Louis Ruth Anaelle du Collège Saint Louis et Laurent James Wesnerly du collège Saint Joseph et la Négative de Jeanty Gaedick, Jean Mary Carla Maria et Jean Bart Michel du collège Saint Louis.

1èrr Affirmative : Pierre-Louis Ruth Anaelle
Après avoir fait une mise en contexte et  défini les termes clés, la première Affirmative a avancé : « Notre premier argument : Le parlement haïtien ne joue pas son rôle. Un pays où le chômage bat son plein et où le peuple ne peut même pas manger, nous apprenons qu’on sait donner jusqu’à 5000000 de gourdes aux parlementaires  pour la fête pascale sans compter les différentes fêtes patronales de leurs communes et arrondissements respectifs. N’est-ce pas de la corruption ? Et même cette question du fond de petrocaribe, n’entend-on pas des noms de parlementaires cités là-dedans ? Notre pays n’a pas besoin de parlementaires corrompus qui ne jouent pas leurs rôles que nous résumons dans les articles 111, 111-2 : voter des lois, contrôler le pouvoir exécutif et surveiller la bonne marche des institutions étatiques.

Le parlement haïtien handicape l’organisation administrative du pays. Pourtant, ils en jurent dans l’article 109 de la constitution : « Je jure de m’acquitter de ma tâche, de maintenir et de sauvegarder les droits du peuple et d’être fidèle à la constitution ». Les parlementaires ne font que travailler à leur profit non pas au bénéfice du peuple ou de la masse. Même le budget que vote le parlement ne permet pas au peuple de sortir dans la misère ou de la réduire. Le pays est vassalisé par un parlement qui exerce son pouvoir au profit de son intérêt mesquin et de celui d’un petit groupe. Le parlement dans ses fonctions n’a pas pu répondre aux obligations qui lui sont faites dans la Constitution haïtienne. Il n’a pas su harmoniser le système législatif avec l’ordre démocratique préconisé par cette Constitution, avec l’idée d’accéder à un développement durable. La faillite et l’incompétence du parlement n’ont pu doter le pays d’un Etat moderne. Pour conclure, nous croyons qu’il fait mieux de dissoudre le parlement puisque n’endosse pas ses responsabilités et cela provoque des impacts négatifs sur tout le pays.

Notre deuxième argument est le suivant: l’absence de ce parlement en Haïti est une voie au développement. Les parlementaires coûtent trop au pays. Leurs salaires, leurs bureaux, leurs vacances et loisirs sont trop lourds. Selon les informations que nous transmet Samuel Celiné dans le Nouvelliste paru le 25 juillet 2018, « Dès sa prestation de serment au Bicentenaire le 2e lundi du mois de janvier, le député haïtien a droit à une somme de 700 000 gourdes comme « frais de première installation. Les déplacements des élus du peuple sur le territoire sont aussi pris en charge : 29 000 dollars américains leur sont alloués comme subvention pour l’achat d’un véhicule. 15 000 gourdes mensuellement en coupon de carburant, 50 000 gourdes annuellement pour réparer le véhicule et 75 000 gourdes toujours chaque année pour changer pneus et batterie. À cela, on peut ajouter les 10 000 gourdes reçues en carte de recharge chaque mois. a République octroie 100 000 gourdes annuellement à chacun des 119 députés pour le loyer d’un local devant servir de bureau à l’élu du peuple et, pour faire marcher ce bureau, 200 000 gourdes sont égrenées de la caisse de l’État pour payer les employés de ce bureau ». Il y a encore d’autres frais inavoués. On pourrait investir tous ces fonds dans l’éducation et des services d’assistance sociale aux plus démunis. En somme, dissoudre le parlement, c’est mettre un terme à l’obscurantisme et l’extrême pauvreté que connaissent les Haïtiens, c’est ouvrir une porte au développement. Il faut donc dissoudre le parlement pour un avenir meilleur.

1ère Négative : Jeanty Gaedick

La première négative a réfuté ainsi: « Dissoudre le parlement ce n’est pas la solution idéale aux problèmes qu’Haïti confronte aujourd’hui, nous avons plutôt besoin d’une prise de conscience commune avec un solide parlement. La société civile doit exiger aux parlementaires de faire ce que la loi les exige de faire ».

Après sa réfutation, il a introduit son cas ainsi : « Force est de constater que le système politique haïtien est composé de trois pouvoirs. Et, le rôle de chaque pouvoir est bien défini par la Constitution haïtienne. En effet, ces trois pouvoirs doivent interagir pour assurer le bon fonctionnement du pays. Les principales composantes du système politique haïtien sont : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Les trois sans distinction forment notre système politique». Maintenant, il nous est demandé de dissoudre le parlement haïtien.  Mon équipe s’y oppose, parce que c’est anticonstitutionnel. L’article 111-8 de la constitution stipule : « En aucun cas, la chambre des députés ou le sénat ne peut être dissout ou ajourné, ni le mandat de leurs membres prorogé ». Comment maintenant se mettre à faire quelquechose qui est interdit par la loi-mère du pays : notre constitution.  

L’obligation du parlement en matière législative c’est de faire des lois selon les prescrits de l’article 111. Sans le parlement, pas de constitution et c’est la constitution qui règlemente le pouvoir politique du pays. Dans son ouvrage Change-toi toi-même et change ton pays , Henry Dorléan a dit : « Il n’y a pas de moyen pour un pays de progresser sans des lois et des règlements ». Maintenant, si on l’élimine, on va avoir un pays sans lois, sans principes. A ce moment-là, les gens feront ce qu’ils veulent et ce sera l’anarchie, le désordre, le chaos et l’on ne pourra jamais atteindre le développement. C’est comme cela a été le cas sous le gouvernement dictatorial de Duvalier. Dissoudre le parlement, c’est rendre le pays vulnérable, le mettre en position d’incapacité de prendre de bonnes décisions. Le plus important c’est de conscientiser le peuple, nos dirigeants pour qu’ils prennent enfin conscience de l’enjeu de l’avenir de notre pays, et qu’ils décident enfin à travailler pour le bonheur de la nation et que chacun jouisse pleinement de ses droits.

Donc, sans le pouvoir législatif, il n’y aura pas de constitution et le pouvoir politique du pays ne sera pas règlementé ».

Réfutation du 2e Affirmatif : Alexis Hugor

La première négative n’a pas avancé l’argument de mon équipe. Elle s’est contentée de réexpliquer pourquoi son équipe est contre le sujet. Cela prouve que notre argument est bien accepté.  Elle n’a pas centré le débat sur la dissolution du parlement haïtien. Au contre-interrogatoire, elle admet que les parlementaires haïtiens sont des corrupteurs et se met donc d’accord avec les explications de mon équipe. Elle a dit que la dictature des Duvalier a plongé le pays dans le cahos. Je n’en disconviens pas. Cependant, sous Duvalier, le pays semblait prendre la voie du développement : il y avait des industries qui avaient créé beaucoup d’emplois et il éliminait la corruption pour faire progresser l’économie du pays.

Nous gardons nos arguments. Le premier : Le parlement haïtien ne joue pas son rôle. La dissolution du parlement mènera le pays sur la route du développement. Les avons trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ils forment un système. Et, dans un système, chaque élément doit jouer sa partition. Sinon, il ne pourra foctionner correctement. Nos parlementaires haïtiens ont échoué dans leur mission envers le peuple. Pourtant, ils nous coutent énormément d’argent. A chaque sortie, pour chaque fête il leur faut des milions de gourdes. Le salaire d’un sénateur est énorme. Dans son édition du 8 Mars 2016, le Nouvelliste nous explique comme suit les dépenses d’un sénateur :
·         Salaire mensuel : 121.000 gourdes par mois,
·         3 Consultants à 60.000 gourdes par mois chacun,
·         Une franchise douanière qui les exonère de toutes les taxes,
·         $35.000 (dollars US) pour l’achat d’un véhicule,
·         1 million de gourdes de frais annuels pour les activités culturelles et sportives en été,
·         000 gourdes par mois pour la location d’une résidence dans la capitale. À cela s’ajoute un montant supplémentaire (non défini), pour un bureau dans leur département et le personnel payé par l’Etat,
·         1 million de gourdes pour la rentrée des classes,
·         1 Million gourdes pour les fêtes de fin d’année,
·         $700 (US Dollars) de per diem pour les voyages à l’extérieur du pays en plus des billets d’avion,
·         000 gourdes de per diem pour les déplacements à l’intérieur du pays.
Le journaliste rédacteur a ajouté : « Outre ces divers frais et subventions, les parlementaires ont leurs propres projets qu’ils exécutent parfois avec l’appui financier de certains ministères. Chercher des fonds dans les administrations, au Palais national, à la Primature, dans les entreprises publiques et auprès des particuliers constitue des « plus » qui s’ajoutent aux largesses du budget officiel. »
Notre 2e  argument : l’absence de ce parlement en Haïti est une voie au développement. Tout l’argent que nous coûte un sénateur, on ferait mieux  de l’investir dans des secteurs sociaux : éducation, santé…Ils ne respectent pas la constitution. Eux qui devraient être des modèles. Cela engendre une véritable menace de leurs droits. 

« La République dans laquelle on ne respecte pas les lois et  les règlements est condamné au sous-développement. Dans un pouvoir législatif mal organisé, il y a beaucoup de gaspillage de temps, d’énergie et d’argent. Comme il y a peu de production, la misère s’installe », tiré de Nous les citoyens de demain d’Odette Roi Fombrun. C’est le cas de notre chère Haïti. Nos législateurs oublient leur mission qui est de voter les lois dont le pays a grand besoin pour harmoniser les relations entre les citoyens.

Donc, à la place du parlement, il aurait été mieux de former des Etats-Généraux avec des hommes et des femmes honnêtes, justes et intègres pour représenter le peuple, parce qu’avec un parlement corrompu qui nous coute les yeux de la tête, le pays restera figé dans le sous-développement. Ne sont-ils pas aussi mêlés dans le dossier de la dilapidation des fonds Petrocaribe ?

Réfutation de la 2e  Négative : Jean Mary Carla
Avant de reconstruire son cas, Carla a avancé : « Il n’y a pas que le parlement qui ne joue pas son rôle. Si l’exécutif jouait son rôle, le peuple se conspirerait-il contre lui ? De très souvent, n’entend-on pas des juges prendre de l’argent entre les mains d’un coupable pour lui donner gain de cause ? Donc, comme l’a souligné ma coéquipière, il faut une prise de conscience commune avec un solide parlement. La société civile doit exiger aux parlementaires de faire ce que la loi les exige de faire ».

Perspectives
Nous avons à réaliser dans les prochains jours:

1-      Des matchs d’exhibition dans quelques écoles de la ville;
2-      La formation au format WSDC;
3-      Un tournoi de débat interscolaire sur le format WSDC en janvier 2019 ;
4-      Faire faire la partition de l’hymne des débatteurs et son enregistrement au studio ;
5-      Confectionner de maillots pour les membres réguliers du club ;
6-      Mise sur pied d’un comité dans le CDJ.

      Voilà donc tout ce que nous avons réalisé et à réaliser dans les jours à venir. Vos conseils nous seront très utiles.

Waldinde GERMAIN
Animateur du club de débat de Jérémie

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