250 universités existent en Haïti. Info ou
intox ? C’est ce chiffre volontiers provocateur qu’a asséné Jacky
Lumarque, recteur de l’université Quisqueya, lors des assises de la 25ème année
d’existence de Haitian Studies Association (HSA), au Karibe Convention Center,
le 7 novembre 2013, à Pétion-ville. Au cours de son intervention dans la session
de conférences avec quatre pénalistes dont le recteur de l’UEH, titrée
« Représentation d’Haïti et Réforme de l’Université en Haïti », le recteur a annoncé d’emblée qu’il ferait le
choix provocateur de « tirer à vue » sur l’université en Haïti afin
de soulever des questions pratiques qui susciteraient un débat, et de forcer
les décisions.
Le malaise du recteur de l’UniQ s’est laissé peu à
peu se voir durant les 15 minutes de son intervention portant sur les défis et les
perspectives de la réforme du système universitaire haïtien. Selon lui, Haïti
est l’un des pays les plus étudiés dans le monde, mais paradoxalement pas par
des Haïtiens. Le recteur a déploré qu’une surabondance de documents sur Haïti
soient produits par des acteurs étrangers (Organisations internationales, ONG,
associations, universités) en l'absence, et en dehors des universités haïtiennes.
Pourquoi ? Question pour un champion.
Le secteur universitaire haïtien, un véritable capharnaüm
Le panorama de l’enseignement supérieur en Haïti
offre l’image d’un grand bazar. Il y a, dit-on, 250 universités dans le pays, dont
seulement 55 disposent réellement d’une accréditation pour fonctionner. Elles
sont réparties, selon J. Lumarque, en trois grands réseaux:
- le réseau public, formé de l’UEH, de
l’université de Limonade dont on s’interroge encore sur son statut, et des écoles
supérieures rattachées à des ministères : le Centre Technique de Planification
et d’Economie Appliquée (Ministère de la planification), Ecole Nationale Supérieure
de Technologie, Ecole Nationale d’Administration Financière (Ministère de
l’économie et des finances), Ecole Nationale d’Administration Publique, Ecole Nationale
des ARTS (Ministère des Affaires sociales), Ecole Nationale de Géologie Appliquée
(Ministère des Travaux publics, Transport et Télécommunications) ;
- le réseau régional des universités publiques en
région, aux Cayes, au Cap, à Gonaïves, à Jacmel, toutes indépendantes de l’Université d’Etat
d’Haïti. Ces universités ont été créées sur la base d’un décret du
gouvernement Alexandre Boniface – Gérard Latortue (2004-2006).
- le réseau d’universités privées, un vaste fourre-tout,
dont certaines portent des labels religieux (adventiste, catholique,
protestante, épiscopale, anglicane), d’autres se constituent en sociétés
anonymes [NDR : université Saint-Gérard, Institut Haïtien des Hautes Études Commerciales et Économiques, La Pléiade, La Renaissance, UNASMOH, Université de Port-au-Prince, Université Royale du Nord...].
Néanmoins une décantation est en train d’émerger
de ce fouillis grâce au travail de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qui essaie d’y introduire
un label de qualité. Ce qui n’a pas empêché que "dix-huit universités
viennent d’être créées dans la zone métropolitaine", selon le recteur de l’UniQ
[NDR : la plus récente est l’Université innovatrice d’Haïti]. Ainsi
l’enseignement supérieur en Haïti n’arrête pas d’étaler et de produire des
carences.
Un système en mode « shut down »
Le recteur de Quisqueya a asséné trois autres
vérités qui constituent autant de provocations sur la situation de
l’enseignement supérieur en Haïti.
La première provocation est le black-out d’informations venant du système. Combien de ces établissements d’enseignement
supérieur fonctionnent réellement sur le territoire ? Combien
d’étudiants sont admis dans toutes ces universités (on parle de 100.000 à
180.000?). Combien de diplômés ces établissements produisent-ils ou
ont-ils produit? Par contre, nous savons aujourd’hui que moins de 10% des
professeurs haïtiens dans le système sont détenteurs d’un diplôme de mastère ou
de doctorat.
La deuxième provocation est caractérisée, selon J.
Lumarque, par le « nou fè sa n pito »,
autrement dit le fait que tout individu peut transformer du jour au lendemain
son école professionnelle ou technique en université, avec à la clé une
promesse de qualification sans réelle compétence. Et sans que cela n’émeuve
nullement les autorités concernées. Ces soi-disant universités font leur beurre
avec un marché d’étudiants permanent, que l’absence de projet national
d’université les autorise à exploiter.
L’équivoque du campus est une autre provocation.
La grande majorité des universités haïtiennes se complaisent à nommer
« campus » les maisons d’habitation pour un usage familial ou privé où elles sont logées. Une
fumisterie que dénonce le recteur de l’UniQ. Mais où veut-on aller ? Kisa blan an di nan sa ? se désole
le recteur.
Jacky Lumarque a souligné amèrement que tous les
projets en Haïti sont à l’initiative des bailleurs de fonds internationaux. Or,
l’université, l’enseignement supérieur sont absents de l’agenda de
l’international. Même quand les universités étrangères se déploient à
l’international, c’est loin d’être pour développer les capacités locales. Elles
offrent des bourses d’études aux étudiant-es les plus prometteurs du pays, sans
chercher à inciter ces dernier-es à mettre au service du pays leurs connaissances et compétences
acquises à l’extérieur .
Entre défis et défaites
L’université haïtienne risque de ne pas pouvoir se
relever tant les défis sont grands. Jacky Lumarque a cité cinq principaux
défis qui sont les suivants :
- la
situation alarmante des profs, caractérisée par des bas salaires, un statut
en mal de reconnaissance, une mobilité limitée, des avantages sociaux
inexistants;
- les conditions de travail
des étudiants : inexistence de restaurants universitaire qui les
pousse vers le « chen janbe »,
état déplorable des transports en commun (« sèso nan bis »), difficulté de se loger, au mieux dans des
taudis au fond de corridors de quartiers populaires, rareté de bibliothèques dédiées,
absence de laboratoires...;
- le
paradoxe du financement dans lequel le bénéficiaire, autrement dit
l’étudiant(e) contribue à sa formation. Le secteur de l’enseignement supérieur
est soit sous financé, soit mal financé, autrement dit du pareil au même;
- le défi de
la qualité pour des enseignements d’un faible niveau académique dans les Sciences, en Histoire, en langues vivantes, particulièrement l'anglais et l'espagnol;
- l’hypothèse
du fait accompli, car il n’y a pas de sursaut à attendre de l’Etat pour
renverser le cours des choses. Il ne reste comme alternative qu’un maillage de
coopération, d’échanges, qui crée un système de
facto. De plus, l’Etat n’assume pas la création et le développement des
universités publiques en région.
Une lueur d’espoir ?
Néanmoins, il existe une chance pour inverser la
situation critique que traverse l’enseignement supérieur en Haïti, croit le
recteur de l’UniQ.
Primo, il faut connecter l’université avec le
reste du système éducatif, avec lequel elle est en totale rupture, en
développant des curriculums et des programmes de formation des maîtres.
Deuxio, il faut diversifier l’enseignement
supérieur en développant un niveau médian de formation sur 2 ans, donnant aux
étudiants des compétences pour intégrer rapidement le marché du travail, comme
aux Etats-Unis ou au Canada.
Tertio, il faudrait en finir avec le mémoire de
fin d’études sanctionnant l’obtention de la licence, qui parait incongru et
inadapté, au regard de ce qui se fait à l’étranger.
Enfin, l’université devrait développer et
encourager la création de nouvelles filières (trop de facs de droit, de
gestion, d’administration) afin de libérer les énergies, de multiplier les
talents et de varier les ressources et compétences dont le pays a besoin. Sans
avoir besoin d’aller les chercher ailleurs.
Un rêve dont nous ne sommes pas prêts de nous réveiller.
Jean-Gérard Anis
FOKAL, 11
novembre 2013
2 commentaires:
cet article est très intéressant, sauf que la troisième lueur d'espoir mèritait la mention d'un substitut au mémoire.
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