lundi 24 mars 2014

« En Haiti, les gens ne savent pas débattre ! »



Cette affirmation a été prononcée doctement, non sans provocation, par un jeune des Gonaïves, au cours d’une rencontre qu’a tenu le coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL avec des élèves de philo du Cercle des Finissants, samedi 22 mars dans la cité de l’Indépendance.

Ces jeunes avaient sollicité FOKAL en janvier dernier, pour les aider à créer un club de débat dans la cité de l’Indépendance et leur enseigner les techniques de débat. Le coordonnateur du Programme Initiative Jeunes était donc allé à leur rencontre pour en savoir plus sur leur association, pour les informer de la mission et des objectifs du programme, de débat de la fondation, et discuter avec eux de l’opportunité d’une collaboration.

Une formation au débat ! Pourquoi faire ?

Quand le coordonnateur les a interrogés sur ce qui a motivé leur demande de formation au débat, Lovens Gédé, élève de philo du Collège Immaculée Conception, et leader du groupe, a répondu sans hésiter : « Nous voulons étoffer notre bagage académique. Nous avons des petits débats informels en salle de classe mais qui aboutissent le plus souvent à des disputes. On veut apprendre à faire ».

James Philogène, du collège Eben-Ezer, croit, pour sa part, que « les gens qui débattent ont peur de la réaction du public », autrement dit, redoutent les jugements sévères ou les critiques cinglantes de leur auditoire, sur leur prestation. Plus loin, il a ajouté que « les débats n’ont pas de conclusion, encore moins de leçons à tirer ».

Le jugement de ces jeunes sur leurs ainés est sans appel. « En Haïti, les gens ne savent pas débattre. Yo renmen pale anpil. Tel des parle-menteurs », renchérit l’un d’eux, sous un ton amusé. Une expression qui a cours dans la cité de l’Indépendance.

Pourquoi un club de débat aux Gonaïves ?

Pour Rose Mirta Bertrand, élève au collège diocésain de Saint-Paul, un club de débat « introduira les jeunes aux discussions structurées, leur apprendra à parler en public, à argumenter ». Un des ses camarades veut doter la ville d’un club pour faire « …progresser des jeunes talentueux qui n’ont pas l’opportunité de s’exprimer ».

Selon ces jeunes Gonaïviens, ce besoin d’apprendre à débattre est motivé par un besoin de parler, de s’exprimer. « J’ai peur de m’immiscer dans les discussions parce que je pense que mes arguments ne tiennent pas. Je suis embarrassé !», confesse Zamor Ricardo, autre élève de philo du Collège Immaculée Conception.

Quoi attendre du débat ?

Si pour l’un, « c’est acquérir des connaissances à partir des points de vue différents », un autre vise quelques intérêts plus banals comme l’art de parler, se faire connaitre du public. Un dernier espère gagner des batailles puisque, selon lui, « le débat est un combat. »

Sans vouloir faire des promesses à ce jeune groupe de débat des Gonaïves, FOKAL compte dans un premier temps, les inviter dans ses activités de débat en tant qu’observateurs, et réfléchit, dans un deuxième temps, à satisfaire leur demande de formation au débat.

Le groupe de débat de la ville est une initiative du Cercle des Finissants (CDF), association d'élèves de philo qui a une cinquantaine de membres. Ce cercle qu’héberge l’Alliance française des Gonaïves, vise à briser les barrières existant entre les différentes écoles qui le constituent et à créer une famille socialement unie. Depuis 7 ans, l'association travaille à l’élargissement du champ de connaissance des jeunes et milite pour une meilleure prise en charge de la Bibliothèque Jacques S. Alexis des Gonaïves.

Le club de débat créé par le CDF comprend 24 élèves, de la 3e à la rhéto, ajoutés aux membres du CDF. L’association avait envoyé une invitation aux élèves de différentes écoles de la ville des Gonaïves pour leur faire part du projet. Une rencontre a eu lieu dimanche 9 février  dernier.  Une projection du film « The Great debaters » a également été organisée par la suite le 15 février dernier.

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du programme Initiative Jeunes
FOKAL

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