Par Alex Sylné
Animateur du club de débat de Camp-Perrin
J’ai rencontré pour la première
fois Jean Marie Pierre à Camp’Perrin en 2005, si je ne m’abuse. A l’époque, il
accompagnait Jacob Gateau, ancien responsable du programme de débat à FOKAL.
Ils étaient chargés, au nom de la Fondation, de recruter dans le grand sud des
animateurs/animatrices pour les clubs de débat qui allaient être implantés.
Tout de suite, j’ai été attiré par la logique du discours – un peu
philosophique certes – de cet homme à l’esprit ouvert. Leur mission une fois
accomplie, Jacob, Jean Marie et moi avons fait une courte tournée dans la
commune et Jean Marie n’a pas cessé de me poser des questions diverses sur
Camp-Perrin, questions relatives surtout à l’éducation, à l’environnement, et
aux diverses ressources de cette commune qu’il disait aimer plus que tous les
autres endroits d’Haïti. Ses interventions surtout m’ont marqué ainsi que tous
les animateurs et animatrices de l’époque.
Je me souviens entre autres de
celle qu’il avait faite à Jacmel à l’Hotel Cyvadier en 2006 lors d’un camp
d’animateurs, d’animatrices. Excellent pédagogue, il s’est servi d’un texte :
« Le fou » (que je conserve
précieusement) pour montrer à l’assistance comment il est important que l’on
fasse preuve de respect et de tolérance dans toute société qui se veut
démocratique. Rares sont les camps où il n’était pas présent. Il était dans ce
fameux camp de Camp-Perrin en juillet 2008, et c’est sous ses yeux que Jacob
Gateau a passé le flambeau à Anis Jean Gérard, actuel coordonnateur du
programme de débats. A la fois formateur, juge de débats, moniteur sportif, agent
de discipline, débordant de vie, d’un humour contagieux, Jean Marie était dans
les camps - peut-être sans le vouloir- le point de mire pour beaucoup de jeunes,
tant il s’impliquait. C’était lui le ‘pipirite’ qui se levait le plus tôt dans
les camps et appelait tout le monde pour le sport et parfois faisait le porte
à porte pour réveiller animateurs et jeunes.
Définitivement Jean Marie était un homme à l’esprit jeune quand il était avec
les jeunes. Aussi, n’est-il point étonnant qu’il ait été plus d’une fois choisi
comme le ‘meilleur esprit du camp’.
En marge des camps, lui et moi, on causait
souvent de l’avenir du pays et des problèmes récurrents qui le
bouleversent : éducation, agriculture, environnement, élevage (il m’a
confié avoir fait des expériences dans l’élevage porcin du côté de Gressier).
Pour chacun des problèmes qui rongeaient ces domaines chez nous, il avait des
solutions originales, peut-être trop en avance, surtout pour un pays comme le
nôtre. Il aimait partager ses expériences avec les jeunes et les animateurs et
animatrices. Du simple sujet qui concerne notre quotidien à ceux relatifs aux
hautes sphères de la métaphysique, Jean Marie aimait discuter, débattre.
Que
de fois cependant, j’ai lu dans ses yeux et dans le ton de sa voix, une indicible mélancolie. C’est
la mélancolie de l’homme qui aimerait voir enfin souffler le vent du
changement, qui souffre de nous voir piétiner en place et qui nous voit
‘révolution après révolution’ demeurer à la même place comme une eau
stagnante. Jean Marie était l’homme qui
toujours, questionnait et se questionnait, à la recherche si possible de
solutions nouvelles. C’était un homme d’une simplicité et d’une modestie
remarquables. Enseignant, il partageait avec moi, ses méthodes originales pour
introduire un cours de philosophie dans les classes où il enseignait. Et moi,
je prenais note. « Esye l Alex epi
wa banm nouvèl !» Dans la huitaine d’après, il m’appelle pour
s’enquérir de la façon dont j’ai ‘atterri’ avec l’expérience à Camp-Perrin.
Le Programme Initiatives Jeunes de la FOKAL (PIJ) perd à coup sûr un
maillon important, un homme qui l’a marqué par son exemple et ses remarquables
interventions. Il n’y pas eu deux Jean Marie dans ce programme. Que son idéal
de tolérance, du bien-vivre ensemble, de transformation de notre société dans
le sens positif continue à animer le Programme Initiatives Jeunes (PIJ)!
Un jour, alors qu’il recevait, le prix ‘meilleur esprit du camp’, je l’ai
entendu déclaré: « l’esprit du camp
est éternel »…
A sa famille, à
toute la communauté PIJ, nos plus cordiales sympathies !
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