Le Contexte
Le vendredi 21 février 2014, s’est tenu à l’auditorium
de l’Université Quisqueya le débat « Le carnaval national en province : pour ou
contre ? ». Cet évènement a été organisé par le Club de
Débats UniQ avec le soutien de la Direction des affaires étudiantes.
Dans le cadre des prochaines activités carnavalesques,
le débat s’est donné pour objectif d'examiner les avantages et inconvénients de
porter le carnaval national dans les villes de province.
A propos du débat...
Le format du débat était le Public Forum. Simple et rapide. Les deux
équipes s’affrontant étaient composées, du côté pour, par Berline Jean Pierre et
Marjonitha Lafond [2 anciennes débatteuses du réseau de clubs
de FOKAL] et du côté contre, par Laurent Vieux et Farahd
Krystie Thoby.
Le Jury était composé de Mme Alexis, secrétaire générale de l’UniQ, Mme Magalie Civil,
animatrice de club de FOKAL et M. Lubérisse, chargé de cours à l’UniQ.
Petites phrases assassines, chausse-trappes et
croche-pattes ont en outre pimentée ce qui restera un débat de bonne facture.
Le Match, Les arguments
L’équipe pour s'est attaché à démontrer que le
carnaval est une fête authentique et colorée, porteuse de traditions et de
valeurs. De plus, délocaliser le carnaval national vers les villes de province
n'est pas un obstacle au divertissement de la population haïtienne qui, pendant
trois jours, vibre au rythme des méringues.
« Le carnaval
contribue-t-il ou non au développement des villes de province ? »
interrogea l’équipe favorable au carnaval national portée en province.
A cette question, l’équipe contre rétorqua qu’il était
gargantuesque de préparer les villes et chambres d’hôtels en une année. « Ce ne sont pas
des bases qui ont été posées pour le développement de ces villes de
province ; ce n’est que de la façade, car ces bases ne sont point
entretenues durant l’année » déclara l’équipe contre.
L'équipe pour estime que divers champs d'activités
bénéficient directement et indirectement de cette activité qui n’est pas une
simple activité de « bamboche », mais une activité rentable pour de
nombreux secteurs.
L'équipe contre martela à son tour que l'Etat haïtien
devrait chercher à rendre chaque année l’organisation du carnaval haïtien plus
efficace. Avec très peu de chambres d’hôtels et de restaurants disponibles, de
loin disproportionnels aux dizaines de milliers de festivaliers attendus, le
problème d’hébergement est un risque permanent dans les villes de province
ployant déjà sous le poids d’une explosion démographique.
L’équipe contre prit pour exemple un article du
quotidien Le Nouvelliste où Renaud Duvivier, responsable de logistique au
Comité d'Organisation du Carnaval des Cayes s’est exprimé. Il déplore le
caractère éphémère des retombées socio-économiques et culturelles du carnaval
des Cayes. Les effets positifs du carnaval ne s’inscrivent malheureusement pas
dans la durée. Aussi, le carnaval devrait se limiter à la ville de
Port-au-Prince qui, pour le moment, a seule la capacité nécessaire pour
accueillir un évènement culturel d’une telle envergure. Les opérateurs
culturels devraient s'employer à enrichir le carnaval de Port-au-Prince en
organisant, en marge du carnaval, des activités socioculturelles profitant au
Trésor Public et mettre en place d’autres activités culturelles dans les zones
provinciales.
L’équipe pour, au taquet, clame que le
carnaval national rehausse l’image du pays. Le manque
d'infrastructures n'est pas un problème de province, mais un problème qui
touche l'ensemble du pays. En outre, le carnaval national porté dans les villes
de province présente des opportunités à saisir, car, il joue un rôle social
varié, tant culturel qu’économique. En effet, il favorise d'une part la
promotion du tourisme, en mettant l’accent sur l’histoire, l’artisanat, la
musique, les mœurs et les coutumes de l'ile entière et d'autre part, stimule
nos ingénieurs à construire des routes pour favoriser l'arrivée massive des
caravaniers.
Au cours d'une série d'échange de question enflammé,
saisissant la perche tendue par l'équipe adverse, l’équipe contre dénonça le
défaut d'entretien des infrastructures aménagées pour les festivités
carnavalesques.
« Avez-vous des preuves de ce que vous avancez? »
s'enquiert un membre de l'équipe pour. L'équipe contre a répliqué que la route
menant au Cap-Haitien était délabrée. L'équipe pour a estimé que cette réponse
était insuffisante, alléguant à plus d'une reprise la faiblesse des preuves qui
restent à leurs yeux peu probantes. L'équipe contre s'est contentée d'objecter
que les dégâts routiers se « constataient ».
Pour conclure, l’équipe contre s’est appliquée à
démontrer que le carnaval national est une « charge » pour l’Etat et
ses provinces. En effet, l’idée de décentraliser le carnaval n’est pas mauvaise
en soi et certains endroits du pays ont longtemps manifesté leur intérêt pour
relever ce défi, mais l’exploitation des atouts et opportunités économiques de
cette manifestation n’est pas toujours évidente. Le carnaval ne devrait
pas servir de prétexte pour optimiser le développement des villes de province.
La politique de développement d’un pays ne devrait pas
uniquement concerner la capitale, mais l’ensemble du pays, affirme l’équipe
pour. Décentraliser le carnaval permet de mettre en valeur les potentialités
culturelles de chaque département. De plus, le carnaval ne se limite à ses
festivités. Les retombées économiques sont en effet nombreuses et avantageuses
tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Le carnaval est, en
définitive, un point de rencontre entre tradition, culture et économie.
Les réactions
Le modérateur, Christian Lemaine, rappela quel était
le rôle des membres du jury. Ces derniers ont pour devoir d'évaluer l’argumentation
des deux équipes, les supports utilisés et les explications fournies.
Enfin, les membres du jury sont encouragés à se prononcer de façon
indépendante pour la décision finale.
Environs deux minutes se sont écroulées quand Madame
Alexis, membre du jury, prit la parole, disant être honorée d'avoir été choisie
pour faire partie du jury.
Madame Alexis dit avoir évalué l'habileté des
débatteurs à écouter, à raisonner, à réfuter, à contre-argumenter. Un
débat vif, avec des moments intenses, des accrochages. Il y eu certes des
angles d'attaques tout au long du débat, mais Madame Alexis reste tout de même sur sa faim.
En effet, il est vrai que les équipes ont été pugnaces, mais la recherche était
loin d’être excellente, les seules références citées ayant été Le Larousse de
2003 et un article paru dans Le Nouvelliste qui n'est, rappelle Madame Alexis,
point une revue scientifique.
Dans l’ensemble l’équipe contre était plus
convaincante, plus incisive en ce sens qu’elle s’est montrée moins hésitante
dans son débit lors du déroulé des échanges. Toutefois, Madame Alexis a rappelé
qu'un bon débat met en vedette non les personnalités, mais le choc des idées et
des arguments. Aussi l'équipe pour a-t-elle remporté le débat,
selon elle, car leurs idées, mieux agencées ont été conçues pour
développer l’argument principal.
Pour sa part, Madame Magalie Civil mis l'accent sur
l'organisation du débat. Animatrice, formatrice et juge dans le programme de
débat de la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), elle a, dans un premier
temps, rappelé que le jury veille au bon déroulement du match dans un climat
serein. Ainsi, les spectateurs ne doivent pas interférer dans le match.
Dans un second temps, Madame Civil rejoint Madame
Alexis quant à la qualité des arguments et de la documentation. En effet, elle
estime que certaines des illustrations choisies n’étaient pas pertinentes car
« les
définitions du Larousse 2003 ne traduisent pas la réalité haïtienne »,
dit-elle, une province canadienne n'étant pas une province haïtienne. Il est
dommage, soupire t-elle,, qu’aucun débatteur n’ait mentionné le tremblement de
terre du 12 janvier 2010 comme facteur principal de la décentralisation du
carnaval national.
Madame Civil ne s'est pas prononcée sur le vainqueur
du débat, justifiant son abstention par l’absence du juge Lubérisse qui a dû
quitter le débat, en urgence, quelques minutes avant sa fin. Ce dernier avait
toutefois dans son bulletin, favorisé l’équipe pour.
Les étudiants pour leur part ont, dans l'ensemble,
préféré la prestation de l'équipe contre.
Durant un moment, entre la fin du débat et la
délibération des juges certains d'entre eux ont eu même à prendre la parole
pour exprimer leurs points de vue sur la question.
Le Club de Débats tient donc à remercier tous ces
étudiants qui se sont manifestés pour l'occasion.
Un merci spécial aux débatteurs et aux membres du
Jury, sans qui le débat n'aurait pas été possible.
Le Club continue de travailler d'arrache-pied pour
apporter à la communauté universitaire encore plus d'activités du genre.
Club de débtas UniQ
Votre Club! Votre Voix!
Crédits:
Texte : Doris Cangé
Photos : Ted O. Momperousse
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