lundi 16 juin 2014

Le club de BMC a gagné son pari


« Salut ! Je vous félicite, vous et les autres animateurs pour cette activité qui m’a permis d’augmenter et d’orienter mes idées. Mais je vous invite à me répondre à cette question : quelle démarche une équipe qui veut gagner un match doit-elle effectuer ? »

Cette citation est celle d’un jeune du club de centre-ville après avoir participé à un tournoi de débat. Elle traduit non seulement sa satisfaction d’avoir participé à une activité qui lui soit utile intellectuellement, mais aussi son désir de progresser dans le débat et d’apprendre beaucoup plus. En effet, après que son équipe ait été battue en demi-finale dans le cadre du tournoi de débat organisé par le club de BMC (centre-ville), samedi 7 juin, dans les locaux de la FOKAL, le jeune débatteur Beauvil, membre du club, qui en est à sa première expérience de débat, nous a fait part par texto de sa préoccupation. Nous partagerons ses propos avec vous après le bilan de ce tournoi organisé par le club.

L’organisation et le déroulement

Cette activité s’est inscrite dans le cadre des obligations faites par la coordination du Programme Initiative Jeunes de FOKAL aux 14 clubs de débat de son réseau, d’organiser des tournois locaux visant à permettre aux jeunes d’acquérir davantage d’expérience au débat. Ces tournois renforceront et amélioreront la qualité de ces débats en vue d’un meilleur apprentissage. Mais elle répond aussi à la politique des animateurs du club qui veulent non seulement inculquer aux jeunes le gout du débat par la pratique et l’expérimentation, mais aussi faire en sorte que ces jeunes soient prêts pour les prochains tournois régionaux et nationaux.

En ce sens, ce tournoi a été organisé à la suite d’un mois de formation pratique sur les techniques de débat pour les membres du club. Le sujet est le même énoncé des deux tournois régionaux dans le sud les 13 et 14 juin, et dans l’Ouest le 21 juin : « Les pays en voie de développement victimes de catastrophes naturelles doivent bénéficier d’un allègement de leur dette ». Ainsi nos débatteurs ont eu l’occasion de se familiariser avec les notions, les argumentations et les défis se cette résolution, ce qui leur facilitera la tâche quand ils auront à la débattre au tournoi régional.

Huit (8) équipes de trois débatteurs, soit 24 jeunes dont 8 filles. En fait, cela n’a pas été facile de constituer les équipes ; le club étant composé d’anciens et de nouveaux membres, les premiers tendaient à former des équipes sur la base de leur familiarité et de leurs expériences ensemble, au détriment des nouveaux qui sont évidemment novices dans le domaine. Nous avons dû réorienter les choix en s’assurant qu’il y ait au moins un ancien débatteur dans chaque équipe. Nous avons désigné un capitaine pour chaque équipe avec la responsabilité de planifier les séances de préparation et de garder le contact avec les animateurs. Nous avons été été impressionnés par le leadership de la majorité des capitaines. Ils/elles ont pris au sérieux leurs responsabilités.

Le tournoi local, un défi pour les clubs

Une difficulté à laquelle mon collègue Ricardo Nicolas et moi avons été confrontés a été le manque de ressources humaines pour organiser la compétition. Réaliser un tournoi de débat nécessite au moins 1 coordonnateur (trice), 1 commissaire, des juges, des time-keeper. Malheureusement, le club n’a pas pu mobiliser toutes ces ressources (nous reviendrons sur la question des juges), et il a fallu un très gros travail pour préparer les quatre espaces où devaient se dérouler les différents matchs (pour chaque round, quatre matchs se déroulaient en même temps), distribuer les documents nécessaires (calendrier, bulletin de juge, ordinogramme, etc.), rassembler les jeunes pour les consignes, orienter les juges etc.

Si on peut parler d’un déficit de planification, on pense que ce problème est surtout dû à la démobilisation de la majorité des anciens débatteurs du club qui pourraient servir de personnes-ressources. Malheureusement, une fois à l’université, ils délaissent le club, car il n’y a pas vraiment de structure mise en place pour les garder dans le club. Ce problème est posé particulièrement pour notre club qui ne constitue pas un espace de proximité comme une école qui favorise des rencontres régulières, même en dehors des activités du club.

Cependant ces difficultés n’ont pas empiété sur le planning. Le nécessaire a été fait pour commencer à l’heure (dix heures comme prévu). Les jeunes ont été ponctuels et tous les matchs ont été joués à l’exception de la finale qui a été reportée pour samedi 14 juin, à cause de juges non disponibles. Ainsi, les jeunes ont eu à débattre sur toute une journée, allant de 10h am à 4h pm. Un repas chaud et une boisson rafraîchissante aux débatteurs et aux juges.

Une nouvelle génération de juges

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la disponibilité de ressources humaines a été l’un des problèmes majeurs confrontés dans le cadre de la réalisation de ce tournoi. En effet, le tournoi étant organisé dans un contexte où la majorité des animateurs et animatrices qui font généralement office de juges dans les tournois nationaux, régionaux ou locaux sont occupés (es) soit à organiser leurs propres tournois ou à préparer la compétition régionale, soit à travailler sur le Livre blanc de la jeunesse qui est un projet en cours de FOKAL.

Le tournoi a bénéficié des services et de la compétence d’une nouvelle génération de juges dans le programme de débat. Quatre d’entre eux, notamment Fritz JEAN, Jonas ANELUS, Rimsky THELISME et Eunice DESANNÉ qui ne font pas partie des juges officiels du programme de débat, ont bien assuré leurs tâches et leur fonction ce samedi à FOKAL. Les trois premiers avaient suivi l’année dernière une formation pour de juges de débat, animée par le coordonnateur Jean-Gérard ANIS du Programme Initiative Jeunes de la fondation.

Ces nouveaux juges ont pour la plupart déjà acquis des expériences dans d’autres tournois locaux réalisés cette année dans d’autres clubs de la région métropolitaine. Quant à Eunice, elle a déjà jugé des matchs au sein de notre club, mais ce tournoi a été son baptême de feu. Bengie ALCIMÉ, l’un des juges les plus expérimentés du programme nous a été également d’une grande aide.

Les débats

La majorité des équipes ont eu tendance à circonscrire le débat dans le domaine économique, négligeant l’aspect environnemental souligné par le problème des catastrophes naturelles ; ce qui a donné lieu à des arguments de ce type: « l’allègement de la dette permet aux pays en voie de développement d’éviter chez eux une forte augmentation du taux de pauvreté » (argument affirmatif)  ou bien « parce que cela leur permet de rembourser facilement leur dette » (argument affirmatif) ou encore « parce que l’allègement de la dette des PVD fragiliserait les institutions financières » (argument négatif).

Il faut noter que ces arguments ont été correctement défendus et supportés, mais ils n’ont pas pris en compte le fait que des pays en voie de développement soient victimes de catastrophes naturelles, ou bien font la part belle à des raisonnements purement économiques. Par contre, on peut relever d’autres arguments ont été plus conformes à l’énoncé : « l’allègement de la dette permettrait aux PVD de répondre à leurs besoins immédiats » (argument affirmatif) ; « l’allègement de la dette des PVD permettrait aux pays créditeurs d’assurer leur soutien aux pays victimes des catastrophes » (argument affirmatif), « cela augmenterait la dépendance économique » (argument négatif).

Les leçons du tournoi

Les feuilles de match et les bulletins des juges livrés à notre analyse ont dévoilé que, contrairement au dernier tournoi local réalisé dans le club, les performances de ces vingt-quatre (24) débatteurs (euses) ont été au-dessus de la moyenne. En effet, tenant compte des commentaires des juges et des points accordés à chacun (e), nous pouvons affirmer sans aucun doute que le niveau du débat, malgré certaines faiblesses enregistrées au niveau de la reconstruction par la majorité des juges, a été satisfaisant dans l’ensemble.

Ces derniers font souvent mention que les  débatteurs ne prennent pas le temps de réfuter correctement les arguments. Une autre lacune, non moins importante, porte sur le rôle et le discours des troisièmes débatteurs des équipes qui n’ont pas fait pas ressortir les enjeux du débat. C’est une question sérieuse sur laquelle tous les coaches devraient travailler sérieusement, car très souvent on n’arrête pas d’expliquer aux troisièmes orateurs de préciser dans leur discours ce qu’ont été les enjeux du match sans toutefois leur montrer clairement comment y procéder.

A ce sujet nous conseillons le texte très intéressant de Steven L. Johnson Comment gagner un débat: guide pour débattre dans le style des championnats mondiaux de débat universitaire  qui consacre le chapitre 3 (page 45) à la question des enjeux. Cet ouvrage distribué à tous les animateurs (trices) des 14 clubs de débat et à certains débatteurs comme primes, est disponible dans les bibliothèques du réseau de FOKAL.

En ce qui attrait aux argumentations, les tableaux de suivi des débats semblent indiquer que les débatteurs ont fait de leur mieux. Le sujet n’étant pas familier aux jeunes, ils/elles ont dû effectuer beaucoup de recherches et lire des documents assez lourds en termes de niveau de conceptualisation pour produire des raisonnements et construire leurs arguments; nous pouvons en témoigner pour avoir suivi certaines de leurs séances de travail.

D’un autre côté, des débatteurs et des débatteuses se sont plaints du fait que le cas affirmatif est beaucoup plus soutenable que le cas négatif. Les résultats des débats tendent à infirmer cette impression, car sur les quatorze(14) matchs joués dans ce tournoi, environ 43% des équipes gagnantes, soit 6 sur quatorze 14 ont défendu le cas négatif.

Conclusion

Cette compétition de débat organisée dans le club BMC c’est un pari réussi. Les objectifs ont été atteints : les jeunes sont satisfaits de l’expérience, ils (elles) ont été plusieurs à nous écrire pour nous remercier pour l’activité car elle leur a été très profitable et ensuite on a pu avoir une idée de l’équipe qu’on aura pour le tournoi régional et identifier les lacunes à combler.

Cette compétition a été l’occasion pour nos débatteurs d’acquérir de nouvelles expériences et de s’améliorer. Par ailleurs, nous encourageons vivement la coordination à faire appel à eux en cas de besoin et à organiser d’autres séances de formations pour les anciens débatteurs afin qu’ils puissent mettre leur savoir-faire au service du programme que nous pouvons considérer comme une école, et partager ce qu’ils y ont eux-mêmes appris.

Revenons à présent à la question de notre débatteur annoncé au début. En fait, nous ne croyons pas qu’il existe une formule générale pour gagner débat. L’important est de s’assurer qu’on place toutes les chances de son côté.

D’abord, il y a les aptitudes nécessaires pour débattre que tout le monde peut posséder : lecture, concentration, écoute attentive de l’adversaire, capacité de raisonnement, prise de notes au cours du débat etc.

Ensuite il faut une bonne préparation : on ne doit pas se contenter d’effleurer l’énoncé du débat, mais il faut le travailler en profondeur afin de cerner tous ses aspects et de maîtriser les points essentiels.

Pour finir, on se rappelle que le débat est un travail d’équipe. L’esprit d’équipe doit être présent pendant les préparations et pendant le déroulement du match, sinon une équipe de débatteurs court tout droit vers l’échec. Il y a pleins d’autres conseils qu’on pourrait donner, mais ce sont là les plus importants à notre sens.

Cependant il ne faut jamais oublier que le plus important dans le débat ce n’est pas de gagner mais d’apprendre le plus que possible ! Comme nous aimons à le dire au club de BMC, c’est tout à fait une autre manière de voir le monde, et on sera toujours ouvert au débat tant qu’on gardera en tête que le débat n’est autre qu’un rapport à l’autre !

Wedly MOZEAU

 Animateur du club de BMC

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