« Salut ! Je vous félicite, vous et les autres
animateurs pour cette activité qui m’a permis d’augmenter et d’orienter mes
idées. Mais je vous invite à me répondre à cette question : quelle démarche une
équipe qui veut gagner un match doit-elle effectuer ? »
Cette
citation est celle d’un jeune du club de centre-ville après avoir participé à
un tournoi de débat. Elle traduit non seulement sa satisfaction d’avoir
participé à une activité qui lui soit utile intellectuellement, mais aussi son
désir de progresser dans le débat et d’apprendre beaucoup plus. En effet, après
que son équipe ait été battue en demi-finale dans le cadre du tournoi de débat
organisé par le club de BMC (centre-ville), samedi 7 juin, dans les locaux de la
FOKAL, le jeune débatteur Beauvil, membre du club, qui en est à sa première
expérience de débat, nous a fait part par texto de sa préoccupation. Nous partagerons
ses propos avec vous après le bilan de ce tournoi organisé par le club.
L’organisation et le déroulement
Cette
activité s’est inscrite dans le cadre des obligations faites par la
coordination du Programme Initiative Jeunes de FOKAL aux 14 clubs de débat de
son réseau, d’organiser des tournois locaux visant à permettre aux jeunes
d’acquérir davantage d’expérience au débat. Ces tournois renforceront et
amélioreront la qualité de ces débats en vue d’un meilleur apprentissage. Mais
elle répond aussi à la politique des animateurs du club qui veulent non
seulement inculquer aux jeunes le gout du débat par la pratique et l’expérimentation,
mais aussi faire en sorte que ces jeunes soient prêts pour les prochains
tournois régionaux et nationaux.
En
ce sens, ce tournoi a été organisé à la suite d’un mois de formation pratique
sur les techniques de débat pour les membres du club. Le sujet est le même
énoncé des deux tournois régionaux dans le sud les 13 et 14 juin, et dans
l’Ouest le 21 juin : « Les pays en voie de développement
victimes de catastrophes naturelles doivent bénéficier d’un allègement de leur
dette ». Ainsi nos débatteurs ont eu l’occasion de se familiariser avec les
notions, les argumentations et les défis se cette résolution, ce qui leur
facilitera la tâche quand ils auront à la débattre au tournoi régional.
Huit
(8) équipes de trois débatteurs, soit 24 jeunes dont 8 filles. En fait, cela
n’a pas été facile de constituer les équipes ; le club étant composé d’anciens
et de nouveaux membres, les premiers tendaient à former des équipes sur la base
de leur familiarité et de leurs expériences ensemble, au détriment des nouveaux
qui sont évidemment novices dans le domaine. Nous avons dû réorienter les choix
en s’assurant qu’il y ait au moins un ancien débatteur dans chaque équipe. Nous
avons désigné un capitaine pour chaque équipe avec la responsabilité de
planifier les séances de préparation et de garder le contact avec les
animateurs. Nous avons été été impressionnés par le leadership de la majorité
des capitaines. Ils/elles ont pris au sérieux leurs responsabilités.
Le tournoi local, un défi pour les
clubs
Une
difficulté à laquelle mon collègue Ricardo Nicolas et moi avons été confrontés a
été le manque de ressources humaines pour organiser la compétition. Réaliser un
tournoi de débat nécessite au moins 1 coordonnateur (trice), 1 commissaire,
des juges, des time-keeper.
Malheureusement, le club n’a pas pu mobiliser toutes ces ressources (nous
reviendrons sur la question des juges), et il a fallu un très gros travail pour
préparer les quatre espaces où devaient se dérouler les différents matchs (pour
chaque round, quatre matchs se déroulaient en même temps), distribuer les
documents nécessaires (calendrier, bulletin de juge, ordinogramme, etc.),
rassembler les jeunes pour les consignes, orienter les juges etc.
Si
on peut parler d’un déficit de planification, on pense que ce problème est
surtout dû à la démobilisation de la majorité des anciens débatteurs du club
qui pourraient servir de personnes-ressources. Malheureusement, une fois à
l’université, ils délaissent le club, car il n’y a pas vraiment de structure
mise en place pour les garder dans le club. Ce problème est posé
particulièrement pour notre club qui ne constitue pas un espace de proximité
comme une école qui favorise des rencontres régulières, même en dehors des
activités du club.
Cependant
ces difficultés n’ont pas empiété sur le planning. Le nécessaire a été fait pour
commencer à l’heure (dix heures comme prévu). Les jeunes ont été ponctuels et
tous les matchs ont été joués à l’exception de la finale qui a été reportée
pour samedi 14 juin, à cause de juges non disponibles. Ainsi, les jeunes ont eu
à débattre sur toute une journée, allant de 10h am à 4h pm. Un repas chaud et
une boisson rafraîchissante aux débatteurs et aux juges.
Une nouvelle génération de juges
Comme
nous l’avons mentionné plus haut, la disponibilité de ressources humaines a été
l’un des problèmes majeurs confrontés dans le cadre de la réalisation de ce
tournoi. En effet, le tournoi étant organisé dans un contexte où la majorité
des animateurs et animatrices qui font généralement office de juges dans les
tournois nationaux, régionaux ou locaux sont occupés (es) soit à organiser
leurs propres tournois ou à préparer la compétition régionale, soit à
travailler sur le Livre blanc de la jeunesse qui est un projet en cours de FOKAL.
Le
tournoi a bénéficié des services et de la compétence d’une nouvelle génération de
juges dans le programme de débat. Quatre d’entre eux, notamment Fritz JEAN,
Jonas ANELUS, Rimsky THELISME et Eunice DESANNÉ qui ne font pas partie des
juges officiels du programme de débat, ont bien assuré leurs tâches et leur
fonction ce samedi à FOKAL. Les trois premiers avaient suivi l’année dernière
une formation pour de juges de débat, animée par le coordonnateur Jean-Gérard ANIS
du Programme Initiative Jeunes de la fondation.
Ces
nouveaux juges ont pour la plupart déjà acquis des expériences dans d’autres
tournois locaux réalisés cette année dans d’autres clubs de la région
métropolitaine. Quant à Eunice, elle a déjà jugé des matchs au sein de notre
club, mais ce tournoi a été son baptême de feu. Bengie ALCIMÉ, l’un des juges
les plus expérimentés du programme nous a été également d’une grande aide.
Les débats
La
majorité des équipes ont eu tendance à circonscrire le débat dans le domaine
économique, négligeant l’aspect environnemental souligné par le problème des
catastrophes naturelles ; ce qui a donné lieu à des arguments de ce type: « l’allègement de la dette permet aux pays en
voie de développement d’éviter chez eux une forte augmentation du taux de
pauvreté » (argument
affirmatif) ou bien « parce que cela leur permet de rembourser
facilement leur dette » (argument affirmatif) ou encore « parce que l’allègement de la dette des PVD
fragiliserait les institutions financières » (argument négatif).
Il
faut noter que ces arguments ont été correctement défendus et supportés, mais
ils n’ont pas pris en compte le fait que des pays en voie de développement
soient victimes de catastrophes naturelles, ou bien font la part belle à des
raisonnements purement économiques. Par contre, on peut relever d’autres
arguments ont été plus conformes à l’énoncé : « l’allègement de la dette permettrait aux PVD de répondre à leurs
besoins immédiats » (argument affirmatif) ; « l’allègement de la dette des PVD permettrait
aux pays créditeurs d’assurer leur soutien aux pays victimes des catastrophes »
(argument affirmatif), « cela
augmenterait la dépendance économique » (argument négatif).
Les leçons du tournoi
Les
feuilles de match et les bulletins des juges livrés à notre analyse ont dévoilé
que, contrairement au dernier tournoi local réalisé dans le club, les
performances de ces vingt-quatre (24) débatteurs (euses) ont été au-dessus de
la moyenne. En effet, tenant compte des commentaires des juges et des points
accordés à chacun (e), nous pouvons affirmer sans aucun doute que le niveau du
débat, malgré certaines faiblesses enregistrées au niveau de la reconstruction
par la majorité des juges, a été satisfaisant dans l’ensemble.
Ces
derniers font souvent mention que les
débatteurs ne prennent pas le temps de réfuter correctement les
arguments. Une autre lacune, non moins importante, porte sur le rôle et le discours
des troisièmes débatteurs des équipes qui n’ont pas fait pas ressortir les
enjeux du débat. C’est une question sérieuse sur laquelle tous les coaches
devraient travailler sérieusement, car très souvent on n’arrête pas d’expliquer
aux troisièmes orateurs de préciser dans leur discours ce qu’ont été les enjeux
du match sans toutefois leur montrer clairement comment y procéder.
A
ce sujet nous conseillons le texte très intéressant de Steven L. Johnson Comment
gagner un débat: guide pour débattre dans le style des championnats mondiaux
de débat universitaire qui consacre
le chapitre 3 (page 45) à la question des enjeux. Cet ouvrage distribué à tous
les animateurs (trices) des 14 clubs de débat et à certains débatteurs comme
primes, est disponible dans les bibliothèques du réseau de FOKAL.
En
ce qui attrait aux argumentations, les tableaux de suivi des débats semblent
indiquer que les débatteurs ont fait de leur mieux. Le sujet n’étant pas
familier aux jeunes, ils/elles ont dû effectuer beaucoup de recherches et lire
des documents assez lourds en termes de niveau de conceptualisation pour
produire des raisonnements et construire leurs arguments; nous pouvons en
témoigner pour avoir suivi certaines de leurs séances de travail.
D’un
autre côté, des débatteurs et des débatteuses se sont plaints du fait que le
cas affirmatif est beaucoup plus soutenable que le cas négatif. Les résultats
des débats tendent à infirmer cette impression, car sur les quatorze(14) matchs
joués dans ce tournoi, environ 43% des équipes gagnantes, soit 6 sur quatorze 14
ont défendu le cas négatif.
Conclusion
Cette
compétition de débat organisée dans le club BMC c’est un pari réussi. Les
objectifs ont été atteints : les jeunes sont satisfaits de l’expérience, ils
(elles) ont été plusieurs à nous écrire pour nous remercier pour l’activité car
elle leur a été très profitable et ensuite on a pu avoir une idée de l’équipe
qu’on aura pour le tournoi régional et identifier les lacunes à combler.
Cette
compétition a été l’occasion pour nos débatteurs d’acquérir de nouvelles
expériences et de s’améliorer. Par ailleurs, nous encourageons vivement la
coordination à faire appel à eux en cas de besoin et à organiser d’autres
séances de formations pour les anciens débatteurs afin qu’ils puissent mettre
leur savoir-faire au service du programme que nous pouvons considérer comme une
école, et partager ce qu’ils y ont eux-mêmes appris.
Revenons
à présent à la question de notre débatteur annoncé au début. En fait, nous ne
croyons pas qu’il existe une formule générale pour gagner débat. L’important
est de s’assurer qu’on place toutes les chances de son côté.
D’abord,
il y a les aptitudes nécessaires pour débattre que tout le monde peut posséder
: lecture, concentration, écoute attentive de l’adversaire, capacité de
raisonnement, prise de notes au cours du débat etc.
Ensuite
il faut une bonne préparation : on ne doit pas se contenter d’effleurer
l’énoncé du débat, mais il faut le travailler en profondeur afin de cerner tous
ses aspects et de maîtriser les points essentiels.
Pour
finir, on se rappelle que le débat est un travail d’équipe. L’esprit d’équipe
doit être présent pendant les préparations et pendant le déroulement du match,
sinon une équipe de débatteurs court tout droit vers l’échec. Il y a pleins
d’autres conseils qu’on pourrait donner, mais ce sont là les plus importants à
notre sens.
Cependant
il ne faut jamais oublier que le plus important dans le débat ce n’est pas de
gagner mais d’apprendre le plus que possible ! Comme nous aimons à le dire au
club de BMC, c’est tout à fait une autre manière de voir le monde, et on sera
toujours ouvert au débat tant qu’on gardera en tête que le débat n’est autre
qu’un rapport à l’autre !
Wedly
MOZEAU
Animateur du club de BMC
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