C’est peu dire. Il jouit en effet d’une excellente santé. Le succès du
programme chez les jeunes, l’engouement des filles qui s’imposent comme des
débatteuses redoutables, le désir manifesté par des établissements secondaires
du pays pour s’approprier ce programme, l’augmentation exponentielle des
tournois de débats dans le réseau sont autant de succès qui méritent d’être
soulignés au crédit de nos efforts pour faire du débat, une autre manière
d’apprendre pour la jeunesse haïtienne. Depuis 20 ans.
Ce programme a 20 ans d’existence. 2016 a été l’année de sa
célébration. Introduit en Haiti en 1996 par Michèle D. Pierre-Louis, la
fondatrice et présidente de FOKAL, le débat est un programme fondateur de la
fondation. Il a été conçu pour être un
outil pour l’apprentissage à la démocratie, à la citoyenneté, à la résolution
de conflits, à la tolérance, au respect de l’autre, et au maniement des
concepts philosophiques liés à l’argumentation et au raisonnement.
Depuis environ 7 ans, plusieurs tournois nationaux, régionaux, locaux
et inter-scolaires ont été organisés en nombre par la fondation et les clubs
sous notre supervision, pour permettre à ces jeunes de se mesurer les uns aux
autres, d’apprendre à se connaitre, de faire l’exercice du débat
contradictoire, et de faire vivre une expérience de vie nouvelle, que de plus
en plus de parents, de directeurs d’écoles, des observateurs dans nos
compétitions, nous encouragent à poursuivre.
Qu’avons-nous fait de ces
jeunes ?
Des milliers de jeunes dans plusieurs communautés rurales, villes et quartiers
du pays ont bénéficié de nouvelles capacités que ce soit dans l’art
d’argumenter et de convaincre, de l’habileté à communiquer en public et à mener
de manière autonome la recherche documentaire pour préparer des arguments. Nous
leur avons fait discuter de
sujets qui affectent leur vie et leur communauté dans une atmosphère de franche camaraderie,
de rationalité et de rigueur intellectuelle, valeurs, habiletés et
comportements qui sous-tendent les pratiques démocratiques.
Plus de 400 jeunes des 2 sexes, engagés dans 14 clubs de débat répartis
sur le territoire, participent chaque année à cette « école » qui
leur apprend autrement, accompagnés par 28 formidables animateurs et animatrices bénévoles,
dévoués à cette cause. Non seulement les jeunes ont appris à construire une
réflexion critique, à convaincre par la force de leurs arguments, et non par
les arguments de la force, mais aussi la curiosité et l’honnêteté
intellectuelles, la tolérance, le respect de l’autre, bref le vivre ensemble.
Parole du jeune débatteur, Kant Lundi
(Jérémie), sur son expérience du débat : « La
démocratie, c’est le droit qu’a chacun de parler comme il l’entend, mais sans
faire de diffamation. Je crois que le débat, grâce aux arguments qu’ils
avancent, permettra aux jeunes d’être plus ouverts, plus tolérants ».
« La leçon que j’ai tirée du tournoi, c’est que le débat est une
école, conclut-il. On y apprend beaucoup de choses. J’aimerais que cette initiative
soit implantée partout dans le pays. Ainsi les jeunes qui en sont touchés débattraient
davantage de sujets dont ils tireraient différents points de vue. »
Ce sont les
valeurs que FOKAL promeut, défend et auxquelles la fondation instruit les
jeunes investis dans son programme de débat. Savoirs, savoir-faire, savoir-être
et savoir-vivre sont autant de capacités que le débat inculque à ces garçons et
filles, élèves du secondaire, pour les transformer en des citoyens responsables
et des futurs leaders de demain. C’est le but et la mission que de FOKAL s’est
donnée pour tirer notre jeunesse des pesanteurs de la société, des manquements
et ratés de l’école, des errements de nos gouvernants, des désillusions du
quotidien, et des peurs du lendemain.
Les chantiers à venir
L’épreuve
que FOKAL a vécue avec l’affaire Massimadi, festival international LGBTI (lesbien, gay, bisexuel,
transgenre ou inter-sexe), organisé en septembre 2016 par Kouraj, une association
haïtienne de défense des droits humains, événement pour
lequel FOKAL a été injustement accusé de faire l’apologie de l’homosexualité,
et a souffert de graves menaces sur les réseaux sociaux, nous a appris une grande
leçon : en dépit des avancées que nous avons eues depuis 20 ans avec le
programme de débat, avec les jeunes, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos
lauriers.
La liberté d’expression, la tolérance sont des conquêtes sociales et
démocratiques fragiles en Haiti, qui sont constamment harcelées par l’ignorance,
les discours extrémistes de tous bords, l’intolérance de nos concitoyens, ou
tout simplement par la bêtise humaine. Cela nous force à demeurer vigilant. De
ce fait, FOKAL
affiche sa détermination à continuer de travailler pour promouvoir les débats,
les discussions avec les jeunes, à l’intérieur des 14 clubs de notre réseau, sur
des sujets qui affectent leur vie et leur communauté dans
une atmosphère de tolérance, de rigueur intellectuelle et de respect mutuel.
Ainsi, le
Programme Initiative Jeunes de FOKAL lancera au début de cette année une grande
consultation en ligne sur le web, pour connaitre l’impact du débat sur les
anciens bénéficiaires du programme, pour connaitre leurs besoins améliorer le
programme. Nous allons aussi faciliter une large diffusion de « Paroles de
jeunes », un
ouvrage illustré, publié en décembre 2015, résultat d’une
consultation nationale de 3 mois, auprès de 450 jeunes du pays sur leurs préoccupations
pour leur avenir, et les initiatives, les pistes de résolutions qu’ils
proposent aux décideurs du pays.
Parole de Dinon Murlène (Cap-Haïtien), à propos du
livre : «Pour moi, le livre est une vision de la jeunesse. Donc, publier
un livre pareil est comme offrir aux adultes, aux autres qui le liront, une
possibilité de savoir ce que pensent les jeunes; c’est comme les intégrer dans
la vie sociale et politique de notre pays.[…] Les opinions inscrites dans ce
livre, c’est comme dire aux lecteurs que les jeunes aussi ont leur mot à dire.
Et quelques fois, ces mots qu’ils disent sont importants et valables. C’est
comme dire aussi à ces gens qu’il ne faut pas négliger la jeunesse, à cause de
sa jeunesse.»
Aux décideurs du pays, Dinon prévient : « Même si nous
sommes des jeunes, nous ne sommes pas des bons à rien ! ».
Qu’est-ce
que nous attendons de vous ?
Nous avons besoin de relais dans la société, dans nos communautés
rurales et urbaines, dans tous les milieux institutionnels habituellement
fréquentés par les jeunes, pour les accompagner et les aider à faire fructifier
ces compétences acquises. Nous avons besoin d’allié-es qui veulent renforcer
ces valeurs que FOKAL promeut et défend. Nous avons besoin des guides comme
vous parents, éducateurs, directeurs de conscience ou d’opinion, pour orienter
les jeunes vers des modèles de vie que nous voulons pour eux.
Les jeunes veulent être entendus [l’initiative Open Up ! Connecter les jeunes à la société (1), de
notre partenaire européen IDEA NL (2), est une excellente
illustration], ont besoin d’être guidés, veulent
apprendre. Nous leur devons un discours de vérité pour les
aider à vaincre leurs peurs ou comprendre les contradictions du monde. Nous
devons leur enseigner l’humilité devant le succès chèrement acquis, compassion et
solidarité devant les malheurs d’autrui, la patience face à des désirs pressés
de réussite ou de possessions matérielles, l’espérance en des lendemains
meilleurs et non en des lendemains qui
chantent.
Nous demandons aux parents, éducateurs, partenaires nationaux et
internationaux, supporteurs ou passionnés du débat, de prendre part à cette
mission. Nous leur demandons de se joindre à nos efforts pour faire de nos
jeunes des acteurs de changement pour leur pays, d’accompagner nos actions pour
rendre à notre jeunesse la fierté d’être…jeune.
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes
FOKAL
(1) Promu par IDEA NL,
l’initiative "OPEN UP! apporte la voix des jeunes adultes, des volontaires
et des animateurs de jeunes de différentes communautés à travers l'Europe dans
un débat enthousiaste où ils auront l'occasion de présenter leurs points de vue
et solutions aux défis actuels auxquels l'Europe est confrontée.
Après un intense débat dans
leur pays, ces groupes de jeunes adultes talentueux ont développé des MESSAGES
CLÉS et transmettent ces messages à Bruxelles pour d'autres débats. Ils
renforcent l'importance de développer les compétences essentielles clés et de
promouvoir la pensée critique lorsqu'on envisage l'avenir des nouvelles
générations.
Pour en savoir plus sur l’initiative OPEN UP !,
consulter l’article http://vaguedufutur.blogspot.com/2017/01/open-up-connecter-les-jeunes-la-societe.html , ou aller à www.openupconnect.org ou www.nl.idebate.org .
(2) International Debate Education
Association, aux Pays-Bas
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