Le plus grand
événement annuel de débat de la planète a eu lieu cette année à l’Université
Nationale d’Irlande, à Galway, du 13 au 26 Aout dernier. Haïti, grâce aux
efforts de FOKAL, y a participé par le biais de ses 4 représentants dont 3
débatteurs : Djim Guerrier et Jothsaïna Pierre du club de débat de Santo,
Nixon Destiné du club de débat de Cote-Plage, et Jean-Gérard Anis, leur coach
et coordonnateur du Programme Initiative Jeunes de FOKAL.
La délégation haïtienne: Nixon, Jothsaina, Djim & Anis |
Le Global Youth
Forum (GYF) organisé chaque année dans un pays différent par l’International
Debate Education Association, dont FOKAL est membre, a réuni en Irlande pour
cette 13e édition, 250 jeunes et leurs entraîneurs, venant de
quarante deux pays des 5 continents. Le GYF vise à développer le leadership des
jeunes par le débat, et à promouvoir la compréhension mutuelle entre les jeunes
des pays participants. Les pays d’Afrique noire ont été absents. Cinq grandes
activités animent ces 15 jours du Youth Forum.
Le
Karl Popper Debate Championship (KPDC)
Le KPDC, une confrontation d’idées, d’arguments,
d’évidences et d’intelligences, oppose généralement les équipes de
chaque pays. Cette année, nous avons échoué dans notre ambition d’accéder au
second tour. Au tour éliminatoire, l’équipe haïtienne a perdu, à chaque fois
sous le score de 2 à 1, ses débats
contre le Japon, l’Irlande, la Serbie, et USB, une des 3 équipes américaines.
Nous n’avions pas eu les résultats des matches sans délibération du jury contre
la Russie et Team 36 (une équipe de débatteurs indépendants). Pour Nixon, leur
défaite a été en quelque sorte une victoire sur eux-mêmes car « …chaque match nous a aidés à nous améliorer
pour le match suivant ».
Un match de débat entre le canada et la Tunisie, arbitré par Anis |
Le jury (3
juges-arbitres par match), lors des délibérations, après les matches, a pointé
en résumé 3 faiblesses de notre équipe : l’insuffisance de preuves pour
supporter leurs arguments (là où d’autres fournissent 3 à 4 évidences par
argument) ; l’approche trop restreinte des sujets (2 sujets préparés et 4
sujets-surprise) qui limite les enjeux ; une mauvaise gestion du temps qui
a entravé la coordination de leurs discours successifs. Néanmoins, ils ont
relevé que leurs arguments ont été bien structurés et logiquement cohérents. A
l’évidence, cela ne suffit pas pour gagner un débat.
La Lituanie,
championne du KPDC 2013, a battu en finale sous le score 6 à 1 le Pakistan,
cette même équipe championne de l’édition 2012 au Mexique.
Les sessions de formation
Les sessions de formation Mixed Team Track où durant 3
jours de manière intensive, les formateurs d’IDEA approfondissent le format
Karl Popper, et apprennent aux jeunes comment être un bon débatteur, créer de
bons arguments, analyser un énoncé, fonder un cas solide difficile à réfuter,
préparer un sujet-surprise, avec moult exercices pratiques de débat. « Cela a été fantastique, car j’ai progressé
énormément, au point que mon équipe a gagné 3 de ses 6 matches. J’ai compris à
ce moment-là combien le débat est important dans la vie » dixit Jothsaina,
la benjamine de notre équipe.
Les débatteurs haïtiens et pakistanais |
Le British
Parliamentary Track (ouvert seulement aux jeunes entrant cette année à
l’université), a initié les autres jeunes qui vont l’université cette année à
ce nouveau format de débat. C’est un format utilisé pour les débats au niveau
universitaire qui simulent un débat entre le Gouvernement représenté par un
Premier ministre et ses membres et l’Opposition menée par le Chef de
l’opposition et ses députés.
Ces 2 sessions
de formation distinctes ont abouti à 2 tournois séparés, le Mixed Team
Tournament (Djim et Jothsaina y ont participé) et le British Parliamentary
Tournament que Nixon a intégré. Dans les 2 tournois, les équipes sont formées
de jeunes de pays, de sexe et de niveau différents s’affrontent. « Connaitre les capacités des autres et
débattre avec eux est aussi une autre forme d’apprentissage » nous
explique Jothsaina, très enthousiaste et très inspirée par sa participation au
Youth Forum.
Le Youth Forum, une ambiance extraordinaire
Le Country Expo,
grande fête durant laquelle chaque délégation présente les produits et la
culture de son pays, l’Elective night au cours duquel jeunes ou coaches
enseignent un talent particulier aux participants qui veulent, les excursions
et les visites guidées dans la ville-hôte sont des activités généralement très
attendues et très appréciées par les participants.
« L’ambiance
qui a régné au Youth forum est incroyable : des cultures, des langues
différentes, mais un seul idéal : débattre. J’ai chanté avec des Russes,
danser avec les Colombiennes, mangé des friandises japonaises, partagé notre
talent dans la dance latine Chachacha avec des jeunes d’Egypte, du Japon, des
USA, de la Tunisie, de la Macédoine, apprécié le savoir-faire des autres… »
Les observations et le constat de Jothsaina sur son périple en Irlande sont
intéressantes.
Le stand d'Haiti au Country Expo Night |
« Lors de nos excursions dans la ville de
Galway et les lieux touristiques de cette province d’Irlande, j’ai pu constater
que le plus petit détail est important dans la vie. Les Irlandais valorisent la
moindre chose qui existe sur leurs terres, même des roches et les falaises.
Pourtant, Haïti a plus de richesses naturelles que ce pays, mais nous en
faisons peu cas. Les Irlandais respectent scrupuleusement l’environnement (le
pays est très vert) et les lois de la circulation (tous les véhicules ont leur
volant à droite et roulent à gauche). Les grosses voitures comme chez nous
sont rares, pourtant l’Irlande est de très loin plus riche qu’Haïti. »
Les leçons apprises
L’engouement des
jeunes pour le débat au Youth Forum est sans commune mesure par rapport à notre
expérience en Haïti. Certaines équipes se préparent depuis 3 mois, des
débatteurs participent à leur 2e forum ou 3e forum de
suite, des pays se font représenter par 2 (Canada, Pakistan) et même 3 équipes
(Etats-Unis) tant leur envie de débattre (et d’en découdre) est grande.
Malgré ce bilan mitigé de notre participation à la
compétition-reine du Youth Forum, nos 3 jeunes ont non seulement vécu une
expérience extraordinaire mais encore ont acquis des compétences, des savoirs
et savoir-faire nouveaux qui sont absolument utiles dans leur formation
académique.
Djim, Nixon & Jothsaina avec leurs amis du Japon et du Laos au Country Expo |
Le programme
national de débat de FOKAL bénéficie également de savoir-faire et d’innovations
pratiques qui seront intégrées dans ses activités et dans son réseau de
clubs : Nous pouvons citer : la méthodologie des formations au débat pour les jeunes. Cette
méthodologie fait la part belle aux
exercices pratiques qui imposent aux jeunes de réfléchir constamment et de
trouver des idées et des arguments sur une kyrielle de sujets controversés.
L’importance du brainstorming
dans la préparation d’un débat entre les membres d’un club de débat. Le brainstorming est très utile au sens
qu’il met en concurrence des idées différentes et contradictoires des jeunes
afin de leur permettre d’identifier celles susceptibles de devenir de bons
arguments pour soutenir une position pour ou contre.
Une vue partielle des participants au Global Youth Forum 2013 |
L’utilité de la recherche documentaire est un point
sur lequel le GYF a beaucoup insisté avec les jeunes et les coaches. Les jeunes
doivent lire et rechercher des informations nécessaires pour trouver les
preuves et les supports à leurs arguments. L’argument est une construction de
la pensée qui doit être supportée par des évidences qu’on peut trouver dans la
masse d’informations disponibles sur le web ou dans les ouvrages.
Pour faciliter une meilleure compréhension d’un
argument, une bonne technique enseignée par les formateurs du GYF est de le présenter sous forme d’avantages ou
d’impacts. Si le débatteur soutient une politique publique, il a tout intérêt à
montrer les avantages qu’elle génère ou ses impacts dans différents
domaines.
Une innovation majeure que FOKAL va intégrer dans
les clubs de débat est le débat impromptu,
c.-à-d. préparé entre 20 à 30 minutes. Le débat impromptu nécessite que les débatteurs et des intervenants individuels réfléchissent et trouvent à la fois le
contenu et les aspects de la prestation des discours constructifs sur une
courte échéance. Les élèves apprennent à analyser rapidement les problèmes, à
parler avec fluidité, sans beaucoup de temps de préparation, et à utiliser
toutes les informations qu'ils ont déjà dans leurs esprits.
Djim Guerrier en plein discours |
Toutes
ces leçons et compétences apprises des formateurs d’IDEA qui seront expérimentées
rapidement dans notre programme de débat œuvreront dans un seul but : renforcer
les compétences et les capacités des jeunes engagés dans nos clubs. Ils ont du
talent à revendre. FOKAL se donne pour mission de les aider à les exprimer à
travers le débat.
Coordonnateur du Programme Initiatives Jeunes - FOKAL
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