Le Nouvelliste | Publié le 30
septembre 2013
« Si les politiques ne s'occupent pas de la jeunesse, le vent du
changement, en contexte démocratique, conduira la jeunesse à s'occuper des
politiques afin que les engagement aient un sens.»
Les dernières décennies du XXe siècle se sont caractérisées par la méfiance
du citoyen haïtien, les jeunes en particulier, à l'égard de la politique, la
grande majorité des élites et un grand nombre de citoyens conséquents ont
délaissé le terrain politique, laissant la voie libre à tous les dangers. Les
chercheurs en sciences politiques ont cherché depuis de longues années à comprendre
les origines de ce malaise dans la démocratie et de cette désaffection de la
chose publique.
La problématique du désenchantent démocratique n'est pas nouvelle dans le
débat politique haïtien et beaucoup de penseurs politiques y ont fait référence
depuis plusieurs années. Le désenchantement signifie l'affaiblissement de la
conviction des citoyens dans la démocratie et le détournement de ses
manifestations. L'histoire des sociétés démocratiques contient plusieurs
exemples de moments historiques qui ont été marqués par ce manque d'intérêt du
citoyen pour la chose publique et un certain malaise dans la démocratie.
Cette désaffection par rapport au politique s'exprime par différents moyens
et à différents niveaux. On peut trouver des formes de désaffection passive à
travers notamment l'abstention lors des élections ou le rejet des partis
politiques ou de l'action syndicale. Mais elle peut aussi prendre des formes
plus actives avec notamment les manifestations, les occupations ou les sit-in
comme c'est le cas aujourd'hui dans les pays développés avec les mouvements des
indignés dans leurs luttes contre les programmes d'austérité.
Selon une étude faite en juillet 2010 par les auteurs Lunde et Luzincourt,
les Haïtiens conçoivent la politique de manière fondamentalement différente à
la conception occidentale. Bien qu'issus de différents milieux
socio-économiques et sociopolitiques, tous les participants partageaient une
vision négative de la «politique». La politique nationale est considérée par
les jeunes comme un jeu à résultat nul, le but étant de contrôler les
ressources de l'État. Selon eux, les politiciens sont des « grands mangeurs »
qui s'attaquent aux ressources publiques à des fins personnelles, en essayant
de « manger » autant qu'ils le peuvent pendant qu'ils sont en position de
force. Aux yeux des jeunes, la politique est une activité sale associée à la
corruption et au vol, et non un moyen pour les citoyens ordinaires de
participer à la prise de décision. «Les politiciens sont vus comme des criminels.»
«Ce sont des voleurs.» «Ils remplissent tout simplement leurs poches.» Il est
clair que, indépendamment de leur origine socioéconomique, les jeunes
participants percevaient la politique en Haïti comme fondamentalement immorale,
dû au comportement passé et présent de nos acteurs politiques.
La classe politique vieille de plus d'un demi-siècle souffre d'une mauvaise
image, d'un déficit de crédibilité, manque d'idéologie définie, absence
d'éthique des aînés, trahison, transhumance, absence d'un plan ou programme de
développement clair et détaillé, etc.... tels sont entre autres aux les
facteurs considérés comme un obstacle à la promotion des jeunes dans la vie
politique haïtienne.
« En France, on dit qu'il n'y a pas assez de jeunes en politique, mais on
dit aussi que la France est un pays assez vieux. Ce n'est pas le cas d'Haïti
qui est très jeune alors que la plupart des dirigeants des partis sont âgés. »
En Haïti, on a du mal à assurer la relève dans plus d'un parti politique. On
évoque souvent le manque d'expérience des jeunes dans la direction des partis.
Nous devrions aussi demander qu'est-ce que nos hommes politiques ont fait pour
impliquer les jeunes dans cette dynamique ? Depuis bien longtemps, les jeunes
ne font plus confiance à leurs élus et tournent le dos à la politique. «Tous,
les mêmes, ils ne cherchent que leurs propres intérêts», est un des leitmotive
dans la bouche des jeunes pour expliquer leur désaffection. Quelle en est la
cause? Pourquoi les jeunes ne sont pas intéressés par la politique ? Questions
récurrentes aux réponses multiples et diffuses. Plusieurs facteurs sont à
l'origine de ce phénomène. Ils considèrent que la politique tourne trop souvent
à la polémique, qu'elle ne fait pas le lien avec le quotidien des gens.
Peu de jeunes se reconnaissent dans l'une des formations qui composent la
scène politique. Ils préfèrent adhérer à une ONG plutôt qu'à un parti
politique. Les mouvements socioculturels de jeunes fleurissent comme des
champignons en Haïti. C'est dire que les jeunes se retrouvent plus dans le
travail associatif que dans le politique. Le discrédit jeté sur certains partis
politiques après l'expérience de l'alternance ajouté à une classe politique
vieillissante qui refuse le renouvellement générationnel et qui rejette tout apport
de sang neuf en sont des illustrations probantes.
Plus d'un se demande pourquoi les jeunes Haïtiens boudent la politique.
En fait, ce n'est pas les jeunes qui boudent la politique. C'est la
politique qui boude les jeunes. Est-ce qu'il y a vraiment une véritable
politique chez les partis d'aller vers les jeunes. ? Il est à noter que les
partis politiques sont organisés pour cibler les hommes et les personnes âgées.
Elles ne sont pas des structures adaptées ni aux jeunes ni aux femmes. Et donc,
c'est la politique qui boude les jeunes et les femmes dans ce pays. La
dépolitisation des jeunes est un constat qui dure depuis plus d'une décennie.
L'idée que les jeunes seraient éloignés de la politique et ne feraient preuve
que de peu intérêt à son égard est assez largement répandu. Pourtant, si l'on
peut constater chez eux une crise du crédit accordé à nos instances
représentatives et à la classe politique, les jeunes ne se distinguent pas du
reste de la population.
En réalité, les jeunes ne se désintéressent pas de la politique, ils s'y
intéressent autrement. La jeunesse d'aujourd'hui ne vit plus les mêmes
expériences que les générations précédentes : la société, les repères
idéologiques et les grandes problématiques ont changé. Par conséquent, le
rapport à la politique n'est plus le même, il s'exprime autour d'attentes
nouvelles, dans la recherche de nouvelles formes et par des modes d'action
renouvelés, qui continuent de témoigner cependant d'un attachement profond aux
valeurs républicaines et démocratiques.
Désenchantement, déception, désillusion sont autant d'expressions que la
jeunesse haïtienne utilise pour définir son désintérêt du politique. Comment
expliquer cette désaffection du politique ? La jeunesse haïtienne figure-t-elle
dans les priorités des partis politiques? Le malaise social, caractérisé par le
chômage notamment des diplômés, le poids des attentes et le choc des déceptions
ne conduisent-ils pas à une crise de confiance dans les discours
politico-politiciens? Comment faire naître l'implication et l'engagement des
jeunes dans la vie politique? Autant de questions dont la jeunesse haïtienne
souhaiterait avoir des réponses de la part de nos leaders politiques. « Donner
la chance aux jeunes Haïtiens pour favoriser l'émergence d'élites qualifiées à
même d'apporter du sang neuf à la vie politique. »
Valcer Charles, Président provisoire Collectif Agir pour Haïti (COLLECTIF)
Références Bibliographiques :
- Les jeunes et la politique : un rapport à réinventer. Bastien Engelbach.
- Politique politicienne: une perception de la jeunesse haïtienne.
Henriette Lunde et Ketty Luzincourt .
- 17e Sommet de l'Union Africaine. Discours d'Andy Roland NZIENGUI
NZIENGUI, vice-président de l'Union panafricaine de la jeunesse (UPJ).
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