Deux nouveaux clubs universitaires introduisent le débat comme activité
Le débat
continue de faire de plus en plus d’adeptes dans les institutions de formation
supérieure à Port-au-Prince. Après le Centre Technique de Planification et
d’Economie Appliquée (CTPEA) et l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), en 2011, les
étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de Technologie (ENST) et de
l’Université Quisqueya (UniQ) viennent de créer chacun leur club de débat. Il
faut souligner que l’introduction du débat au club du CTPEA et de l’UniQ, est
une initiative d’anciens membres des clubs de débat du réseau de FOKAL.
Des jeunes du club ECHO de l'ENST et du CTPEA |
Le groupe ECHO
est un mouvement de jeunes dynamiques qui se donne pour mission de fédérer des
étudiants dans plusieurs institutions de formation supérieure et universités en
Haïti, en y créant des clubs ECHO avec pour objectifs de créer un réseau de
jeunes dynamiques travaillant au développement d’ Haïti, de contribuer à la
formation des étudiants en identifiant des initiatives jeunes susceptibles de
contribuer et à leur épanouissement. Le débat est une de ces initiatives jeunes
que ce groupe supporte et veut implanter dans l’ ensemble des clubs de son
réseau.
Le débat, une ressource clé pour les étudiants haïtiens
Le responsable des programmes jeunessse de FOKAL a présenté
aux étudiants présents du club ECHO de l’ENST (plus d’une soixantaine) le programme
de débat de la fondation, et leur a parlé rapidement des opportunités et
bénéfices qu’offrent l’apprentissage et la pratique du débat. Dans son
discours, il a surtout insisté sur la nécessité pour les étudiants, dans leur
quête de transformation des institutions de la société, dans leurs mouvements
de revendications sociopolitiques, de croire en la capacité à convaincre par la
force de l’argument mais non par l’argumentation de la force, un leitmotiv de FOKAL.
Des membres du club de débat de l'université Quisqueya |
La rencontre du club de débat de l’université
Quisqueya, créé en avril 2012, a eu pour objectif de présenter à ces 16 membres
présents (le club en a 33 dont une majorité d’étudiantes) l’exécutif et le
bilan des activités du club depuis sa création, de mieux mobiliser ces membres,
et de soumettre une plan pour le développement du club. Le coordonnateur du
programme de débat de FOKAL leur a présenté le programme de débat de FOKAL,
expliqué les attentes à espérer de l’exercice du débat pour les étudiants de l’université,
et enfin étudié avec eux les possibilités d’organiser rapidement une formation
au débat pour les 33 membres du club.
Ce club milite
pour que le débat s’impose dans leur université, et recrute des étudiant-es
issus de plusieurs filières de l’UniQ (droit, relations internationales,
économie, sciences politiques, et gestion). Le club avait organisé le 8 mars 2013,
à l’occasion de la Journée mondiale de la femme, un match de débat (dans le
format Public forum), entre 2 équipes composées chacune de 2 débatteurs, dont l'un est une ex-membre de clubs de débat de FOKAL. Le débat a porté sur la
question suivante : « Faut-il
rémunérer la femme au foyer ? ».
Débattre, un exercice pas comme les autres
Ce sujet a été
l’occasion pour le coordonnateur du PIJ de FOKAL d’expliquer aux étudiants les exigences de l’exercice
du débat. Tout d’abord, il en a profité pour leur parler de l’importance
d’avoir un sujet bien construit, autrement dit controversé et équilibré. Il
leur a démontré les faiblesses de l’énoncé débattu le 8 mars : il est
maladroitement exprimé car il ne précise pas l’institution ou le pouvoir public
qui prendra la responsabilité d’une telle politique. Il aurait mieux fallu
préciser que l’Etat (ou les pouvoirs publics) devrait rémunérer la femme au
foyer.
Le débat organisé par le club de Quisqueya le 8 mars 2013 |
S’il s’avère
impossible de verser à la femme au foyer un salaire, le responsable du programme de débat de FOKAL a avancé l’idée
d’une déduction fiscale sur les revenus du couple. Les impôts prélevés sur le
salaire de l’époux seront fortement réduits pour compenser le
« travail » fourni par sa conjointe dans le foyer. Ainsi la pression
exercée par les femmes entrant sur le marché du travail sera considérablement atténuée,
et le travail de ces femmes au foyer sera sensiblement valorisé. Cela
représenterait une transformation sociale majeure, et un changement de
paradigme dans la définition et la dimension économique du travail.
L'équipe de débatteurs qui soutient la résolution du débat |
Le coordonnateur leur a expliqué que l’équipe
négative pourrait arguer que cette politique risque de ralentir l’émancipation
des femmes en général : pas d’incitation à faire des études supérieures, à
poursuivre une carrière et à avoir leur indépendance économique. Le danger est
que le vide créé par ces femmes au foyer sur le marché du travail profiterait
aux hommes qui s’accapareraient automatiquement toutes les fonctions les plus
lucratives, tous les postes à responsabilité, ce qui constituerait une régression
de la société.
Conclusion
A la fin de cet exercice d’analyse de ce sujet de
débat, les étudiants sont devenus plus motivés. Ils ont compris l’atout
indéniable pour un étudiant de posséder cette compétence de pouvoir construire
correctement une réflexion, de convaincre avec la seule force de ses arguments,
et d’être capable d’identifier les faiblesses d’une argumentation et de voir
l’enjeu d’une problématique en discussion. Ils ont surtout compris qu’un débat
exige de la documentation, une maîtrise du discours, et de la rigueur
dans le raisonnement.
Rendez-vous est
pris le dimanche 24 mars avec le club de cette université privée de renom, pour
une formation sur les techniques d’argumentation (construire, réfuter et
reconstruire un argument) sans pour autant s’enfermer dans un format de débat
en particulier (le format de débat parlementaire britannique leur sera enseigné
plus tard). Ils espèrent organiser un prochain débat dans le club, mieux
préparé cette fois-ci, avec pour but de faire davantage d’émules au débat.
Logo du club de débat de l'université Quisqueya |
Après ce lancement réussi, le club ECHO de
l’ENST, par contre, ambitionne de faire du débat une activité de passerelle et
de rapprochement entre les étudiants de plusieurs universités publiques et
privées, avec le projet d’ une compétition inter-universités, dans un futur
proche. Des manuels de débat, une courtoisie de
FOKAL, ont été offerts à chacun de ces 2 clubs universitaires.
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur PIJ
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