lundi 11 mars 2013

Le débat poursuit sa percée à l’université


Deux nouveaux clubs universitaires introduisent le débat comme activité

Le débat continue de faire de plus en plus d’adeptes dans les institutions de formation supérieure à Port-au-Prince. Après le Centre Technique de Planification et d’Economie Appliquée (CTPEA) et l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), en 2011, les étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de Technologie (ENST) et de l’Université Quisqueya (UniQ) viennent de créer chacun leur club de débat. Il faut souligner que l’introduction du débat au club du CTPEA et de l’UniQ, est une initiative d’anciens membres des clubs de débat du réseau de FOKAL.

Des jeunes du club ECHO de l'ENST et du CTPEA
Le coordonnateur des Programmes Initiative Jeunes (PIJ) de FOKAL, a été invité, le samedi 9 mars 2013, séparément par les représentants de ces 2 clubs de débat universitaires nouvellement créés. Les étudiants de l’UniQ Les étudiants de l’ENST, sous le leadership des responsables du groupe ECHO du CTPEA, ont souhaité sa présence au lancement inaugural de leur club. 

Le groupe ECHO est un mouvement de jeunes dynamiques qui se donne pour mission de fédérer des étudiants dans plusieurs institutions de formation supérieure et universités en Haïti, en y créant des clubs ECHO avec pour objectifs de créer un réseau de jeunes dynamiques travaillant au développement d’ Haïti, de contribuer à la formation des étudiants en identifiant des initiatives jeunes susceptibles de contribuer et à leur épanouissement. Le débat est une de ces initiatives jeunes que ce groupe supporte et veut implanter dans l’ ensemble des clubs de son réseau.

Le débat, une ressource clé pour les étudiants haïtiens

Le responsable des programmes jeunessse de FOKAL a présenté aux étudiants présents du club ECHO de l’ENST (plus d’une soixantaine) le programme de débat de la fondation, et leur a parlé rapidement des opportunités et bénéfices qu’offrent l’apprentissage et la pratique du débat. Dans son discours, il a surtout insisté sur la nécessité pour les étudiants, dans leur quête de transformation des institutions de la société, dans leurs mouvements de revendications sociopolitiques, de croire en la capacité à convaincre par la force de l’argument mais non par l’argumentation de la force, un leitmotiv de FOKAL.
Des membres du club de débat de l'université Quisqueya

La rencontre du club de débat de l’université Quisqueya, créé en avril 2012, a eu pour objectif de présenter à ces 16 membres présents (le club en a 33 dont une majorité d’étudiantes) l’exécutif et le bilan des activités du club depuis sa création, de mieux mobiliser ces membres, et de soumettre une plan pour le développement du club. Le coordonnateur du programme de débat de FOKAL leur a présenté le programme de débat de FOKAL, expliqué les attentes à espérer de l’exercice du débat pour les étudiants de l’université, et enfin étudié avec eux les possibilités d’organiser rapidement une formation au débat pour les 33 membres du club.

Ce club milite pour que le débat s’impose dans leur université, et recrute des étudiant-es issus de plusieurs filières de l’UniQ (droit, relations internationales, économie, sciences politiques, et gestion). Le club avait organisé le 8 mars 2013, à l’occasion de la Journée mondiale de la femme, un match de débat (dans le format Public forum), entre 2 équipes composées chacune de 2 débatteurs, dont l'un est une ex-membre de clubs de débat de FOKAL. Le débat a porté sur la question suivante : « Faut-il rémunérer la femme au foyer ? ».

Débattre, un exercice pas comme les autres

Ce sujet a été l’occasion pour le coordonnateur du PIJ de FOKAL d’expliquer aux étudiants les exigences de l’exercice du débat. Tout d’abord, il en a profité pour leur parler de l’importance d’avoir un sujet bien construit, autrement dit controversé et équilibré. Il leur a démontré les faiblesses de l’énoncé débattu le 8 mars : il est maladroitement exprimé car il ne précise pas l’institution ou le pouvoir public qui prendra la responsabilité d’une telle politique. Il aurait mieux fallu préciser que l’Etat (ou les pouvoirs publics) devrait rémunérer la femme au foyer.

Le débat organisé par le club de Quisqueya le 8 mars 2013
L’analyse qu’il a faite de 2 arguments présentés dans ce débat a révélé aux étudiants leurs limites. Pour l’équipe affirmative qui a justifié cette politique, «  Tout travail mérite un salaire ». Mais comment définit-on le « travail » ? Doit-on considérer les taches domestiques comme gérer la maison, s’occuper des enfants, les faire étudier, comme un travail ou bien comme une responsabilité du couple. Questions que ne manqueront d’agiter l’équipe opposée. Comment « rémunérer » ce soi-disant travail ?  Bref, comment pourrait-on mieux argumenter la position affirmative?

S’il s’avère impossible de verser à la femme au foyer un salaire, le responsable du programme de débat de FOKAL a avancé l’idée d’une déduction fiscale sur les revenus du couple. Les impôts prélevés sur le salaire de l’époux seront fortement réduits pour compenser le « travail » fourni par sa conjointe dans le foyer. Ainsi la pression exercée par les femmes entrant sur le marché du travail sera considérablement atténuée, et le travail de ces femmes au foyer sera sensiblement valorisé. Cela représenterait une transformation sociale majeure, et un changement de paradigme dans la définition et la dimension économique du travail.
L'équipe de débatteurs qui soutient la résolution du débat

Le coordonnateur leur a expliqué que l’équipe négative pourrait arguer que cette politique risque de ralentir l’émancipation des femmes en général : pas d’incitation à faire des études supérieures, à poursuivre une carrière et à avoir leur indépendance économique. Le danger est que le vide créé par ces femmes au foyer sur le marché du travail profiterait aux hommes qui s’accapareraient automatiquement toutes les fonctions les plus lucratives, tous les postes à responsabilité, ce qui constituerait une régression de la société.

Conclusion


A la fin de cet exercice d’analyse de ce sujet de débat, les étudiants sont devenus plus motivés. Ils ont compris l’atout indéniable pour un étudiant de posséder cette compétence de pouvoir construire correctement une réflexion, de convaincre avec la seule force de ses arguments, et d’être capable d’identifier les faiblesses d’une argumentation et de voir l’enjeu d’une problématique en discussion. Ils ont surtout compris qu’un débat exige de la documentation, une maîtrise du discours, et de la rigueur dans le raisonnement.

Rendez-vous est pris le dimanche 24 mars avec le club de cette université privée de renom, pour une formation sur les techniques d’argumentation (construire, réfuter et reconstruire un argument) sans pour autant s’enfermer dans un format de débat en particulier (le format de débat parlementaire britannique leur sera enseigné plus tard). Ils espèrent organiser un prochain débat dans le club, mieux préparé cette fois-ci, avec pour but de faire davantage d’émules au débat.
Logo du club de débat de l'université Quisqueya

Après ce lancement réussi, le club ECHO de l’ENST, par contre, ambitionne de faire du débat une activité de passerelle et de rapprochement entre les étudiants de plusieurs universités publiques et privées, avec le projet d’ une compétition inter-universités, dans un futur proche. Des manuels de débat, une courtoisie de FOKAL, ont été offerts à chacun de ces 2 clubs universitaires.

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur PIJ

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