Le club ECHO du
Centre des Techniques de Planification et d’Economie Appliquée (CTPEA), un
établissement d’enseignement supérieur public, a organisé le week-end du 20 et
21 octobre, avec le support de FOKAL, une compétition de débat. Après la
formation au débat qu’a organisé le coordonnateur du PIJ de FOKAL pour les
membres de ce club, le week-end précédent, un tournoi s’en est suivi comme en
2011. Cette deuxième édition a tout l’air d’une tradition qui prend forme.
Ricardo Nicolas intervenant lors de la formation au débat |
La formation au
débat de 2 jours avait réuni une quarantaine d’étudiants, anciens et nouveaux,
issus des 4 années du CTPEA. Désormais rompus aux techniques du format de débat
Karl Popper, les débatteurs ont créé entre eux 8 équipes pour participer au
tournoi de ce week-end dans l’enceinte de leur établissement au Bicentenaire.
Les équipes sont affublées de noms folkloriques du genre, Lincoln, Mohamed
Yunus, Paul Krugman Team, Book-Lovers Team, NRJ, Les Jeunes débatteurs, Phoenix,
Les Derniers débatteurs. Ceci a donné à la compétition un air de confrontation
idéologique entre partisans d’économistes.
Bien qu’il n’y
ait pas eu un public plus conséquent du fait de l’éloignement du lieu tournoi, ceci
n’a pas empêché que la compétition tient son rang : davantage d’équipes (8
au lieu de 6), plus de motivation chez les débatteurs, une meilleure maîtrise du format, une couverture médiatique raisonnable (sur le site d’Haïti libre,
Facebook, dans la newsletter de FOKAL). La grande faiblesse de cette deuxième
édition a été du coté de l’organisation qui a malheureusement versé dans le tâtonnement dans la planification et l’improvisation dans le déroulement du
tournoi.
La juge Magalie Civil commentant la finale du tournoi |
FOKAL a fourni pour la seconde fois son concours par l’attribution d’ouvrages et de primes aux débatteurs et dans la constitution du panel des juges pour arbitrer les matches de débat (8 juges) : Le coordonnateur lui-même ; Gutenberg Destin, Magalie Civil, Ricardo Nicolas, Bengie Alcimé, 4 animateurs des Programmes Initiative Jeunes (PIJ) de FOKAL ; Réal Chérizard un cadre de FOKAL, Cleeford Pavilus et Wilbens Siguineau, 2 cadres de la Banque Interaméricaine de Développement ; Abraham Gateau, un ancien débatteur du programme de débat de FOKAL ; et Jean-Marie Pierre, haut cadre de la Direction du Ministère de la Jeunesse et des Sports.
Le Tour éliminatoire : concentration, conviction, détermination
Le tour
éliminatoire a démarré à 10H30 au local du CTPEA au Bicentenaire, devant un public
composé d’étudiants et de quelques professeurs de l’institution. Les 8 équipes étaient
réparties dans 2 groupes de 4, chaque équipe jouant contre une autre de son
groupe. Il y eut 3 rounds de matches. Dans chaque round, 3 matches sont joués en même temps dans 3 espaces de
l’établissement.
Un débatteur interrogeant son adversaire au cours du débat |
Chaque équipe a
donc joué 3 matches au cours des 3 rounds, soit un total de 12 matches joués au total au cours de cette journée du
20 octobre. Chaque débat était arbitré par un jury de 3 membres. A l’issue du
tour éliminatoire, deux équipes, « Book-Lovers Team » et « Les Jeunes
débatteurs », ont surclassé leurs rivales de leur groupe pour se hisser en
finale.
Les équipes étaient fortement motivées cette année.
Et malgré l’effort de concentration que le débat exige, les échanges entre les
équipes n’ont pas baissé en rythme ni en intensité durant les 7 heures qu’a
duré la journée de ce tour de qualification. Le stress des débuts donne suite à
une montée en puissance des équipes qui rivalisent d’arguments, de talent et de
stratégies pour convaincre les jurys et le public du bien-fondé de leur point
de vue. Loin d’être considéré seulement comme un jeu, les équipes faisaient
montre de beaucoup de détermination pour gagner leur match.
L’aide humanitaire, pour ou
contre ?
Huit équipes,
soit 24 débatteurs au total (3 par équipe) se sont affrontées autour de la
résolution suivante : L’aide
humanitaire constitue un obstacle au développement d’Haïti. Le sujet a été
proposé par le comité organisateur du tournoi après consultation du
coordonnateur du programme de débat de FOKAL, qui a vérifié 1) que le sujet
soulevait réellement une controverse 2) qu’il était équilibré, c’est-à-dire
qu’il offrait la possibilité de défendre le pour et le contre de manière
équitable.
2 débatteurs s'affrontant arguments contre arguments |
Chaque équipe avait
l’occasion de défendre le coté pour et le coté contre de l’énoncé. Quoique les
équipes n’avaient qu’une semaine pour se préparer au tournoi, le débat a quand
même tenu ses promesses à savoir de très bons arguments développés, des
répliques bien dosées, des questions pertinentes, du fair play entre les
débatteurs, des juges compétents dont les votes n’ont souffert d’aucune
contestation.
Il est utile de
fournir une synthèse des diverses argumentations exprimées au cours des
différents matches de débat. Les arguments les plus cités des équipes
affirmatives, c’est-à dire celles qui défendent la résolution, ont été les
suivants :
L’aide
humanitaire favorise le maintien les structures traditionnelles du
sous-développement en agissant sur les symptômes non sur les causes. Elle crée
une situation de dépendance qui entraine le pays dans un cercle vicieux. L’aide
humanitaire ne s’insère pas dans une stratégie de développement vu qu’elle
freine les capacités de l’Etat, et constitue un instrument de domination des
pays donateurs qui annihile le rôle régulateur de l’Etat.
Les équipes négatives,
c’est-à dire celles qui défendent le point de vue opposé n’étaient pas en
reste. Selon elles, l’aide humanitaire affecte positivement les secteurs
moteurs du développement (éducation, santé, infrastructures) en leur
fournissant les leviers dont le pays a besoin pour son envol. Elle participe à
la croissance car elle draine des fonds importants qui sont injectés dans
l’économie nationale. Et enfin l’aide humanitaire favorise le transfert de
capacités techniques et de technologies qui nous font cruellement défaut.
Un débatteur défendant son point de vue au cours du débat |
En conclusion, 2
visions s’opposent. Une équipe affirmative qui conclut que du fait que l’Etat
est incapable d’absorber l’aide humanitaire, celle-ci devient par conséquent un
obstacle et nous rend plus pauvres. Et comme elle est un « cheval de Troie »
pour ouvrir de nouveaux marchés aux puissances pourvoyeuses, nous devons la
refuser et chasser les ONG du pays à l’instar du Rwanda.
Par contre, une
équipe négative s’est élevée en faux contre cette vision des choses car dire
que l’aide humanitaire est un obstacle au développement du pays, c’est avouer
l’incapacité et les faiblesses de l’Etat. Selon elle, ce sont les acteurs
locaux qui sont inefficients, c’est la corruption qui gangrène l’efficacité de
l’Etat. Pas l’aide.
La finale : une épreuve entre talents
La finale a été jouée dimanche 9 octobre au Kaliko
Beach club, sur la cote des Arcadins, une quarantaine de kms au nord de la
capitale. Plus d’une soixantaine d’étudiants du CTPEA, ainsi que six du pool
des 9 juges du tournoi, ont été conduits en bus sur le site de l’hôtel.
"Oh mon Dieu, qu'est-ce qu'il dit là?", semble dire cette débatteuse |
Après le discours d’ouverture du coordonnateur des
Programmes Initiative Jeunes de FOKAL, Jean-Gérard Anis, qui a présenté les 2 équipes
finalistes et les 7 juges du jury, la finale a démarré à 12H30 pm. Elle a
opposé l’équipe « Les Jeunes débatteurs », composée de Benzico PIERRE,
Jean Edouard ULYSSE et Réginald SURIN, à celle de Book-Lovers Team formée de
Pierre Philippe W. REGISTE, Karlotine WESHE et Shelsonyna MICHEL.
Benzicot Pierre, Meilleur débatteur du tournoi |
Le match a été de bonne facture. Même si les
équipes ont repris les arguments qu’ils ont déjà développés au tour
éliminatoire, les débatteurs les ont étoffés avec de meilleurs supports et des
données statistiques. Par moment le débat gagnait en intensité, mails les
débatteurs globalement tendus, peut-être à cause de la hauteur de l’enjeu, ou
bien la peur de commettre des gaffes que l’adversaire pourrait exploiter.
L’équipe « Les Jeunes débatteurs », qui a
défendu le coté opposé à la résolution, a remporté haut la main le match sur un score de 5 votes contre 2, et a été
sacrée Championne » de la deuxième édition du tournoi de débat du club
ECHO. Benzicot Pierre, un débatteur de l’équipe championne, a obtenu le titre
de Meilleur débatteur du tournoi.
Le comité organisateur du tournoi de débat |
De primes alléchantes ont été remises aux
débatteurs de la finale : des I-Pad aux débatteurs de l’équipe championne ;
des disques durs externes à l’équipe finaliste ; des ouvrages et des
contenus sur CDs (dons de FOKAL) aux
autres débatteurs. Les membres du comité organisateur ont félicité les
débatteurs de la finale, remercié chaleureusement les membres du jury et FOKAL
pour leur support et de leur générosité.
Les enseignements du tournoi
Ce tournoi a montré encore une fois la capacité de
jeunes du club Echo du CTPEA à prendre des initiatives louables au sein de leur
établissement. Même si l’organisation de cette seconde édition du tournoi de
débat a été poussive, elle n’a pas nui à la réalisation de la compétition ni à
la mobilisation des débatteurs.
Ce tournoi est révélateur d’un besoin des étudiants
du CTPEA pour développer davantage leur esprit critique, leurs capacités de
réflexion, pour disposer d’autres outils méthodologiques afin de mieux
comprendre les préoccupations économiques et les enjeux sociaux du pays. Ce
qui, on l’espère, les aidera à mieux appliquer les solutions économiques que
leur formation leur apprend. N’est-ce pas leur métier ?
Une débatteuse présentant ses arguments |
On
pourrait déplorer une présence plus marquée des responsables académiques et une
plus forte participation des étudiants du CTPEA au tournoi. Mais, il est un
fait certain que l’initiative progresse et qu’elle fera durablement son chemin.
Le rendez-vous est déjà donné pour un autre tournoi l’année prochaine,
probablement avec un autre format de débat.
Jean-Gérard Anis,
Coordonnateur des Programmes Initiative Jeunes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire