vendredi 14 décembre 2012

Les nouveaux juges du Sud à l’épreuve du débat à Camp-Perrin


Camp-Perrin, un club particulier dans le réseau

Le coordonnateur des PIJ de FOKAL s’est rendu dimanche 9 décembre, dans l’après-midi, au club de Camp-Perrin, accompagné de 7 des 12 nouveaux juges formés la veille aux Cayes. Ils ont retrouvé sur place 2 autres juges de Camp-Perrin. Cette visite au club avait pour objectifs de rencontrer les jeunes, mais surtout de donner l’opportunité aux nouveaux juges de faire l’expérience d’arbitrer un débat. Les 2 animateurs de Camp-Perrin, Alex et Rébert, avaient organisé pour l’occasion un match de démonstration avec 6 volontaires, toutes des filles du club.



Le club de Camp-Perrin a la particularité d’avoir un effectif en grande majorité composé de filles (22 filles étaient présentes à la réunion et seulement 4 garçons) et de détenir un palmarès très envieux dans le réseau des clubs : Camp-Perrin a été champion national aux compétitions de débat d’été 2011 et 2012, et 2 filles du club ont été sacrées meilleures débatteuses dans ces 2 tournois nationaux. Ces jeunes de ce club sont très motivées et très dévoués à leur club, et totalement acquises au débat.

Après les mots de bienvenue de l’animateur Alex très respecté par les jeunes, après les félicitations du coordonnateur pour la performance du club et ses encouragements dans leur marche vers d’autres palmarès dans le débat, après le tirage au sort pour attribuer la position que va défendre chaque équipe, le match a démarré, avec un panel de 9 nouveaux juges pour l’arbitrer. La résolution était la suivante : « La consommation du charbon de bois devrait être interdite en Haïti ».

Un débat de d’exhibition, une démonstration de talents

L’équipe affirmative, très en verve, a soutenu que cette mesure, si elle est appliquée, ralentirait le phénomène de déforestation croissante qui voit 20 millions d’arbres coupés chaque année, que cela diminuerait les dégâts lors des cyclones à cause de l’érosion des sols non protégés par les arbres, enfin que cela améliorerait les conditions de vie des charbonniers dont la fabrication du charbon dégrade sa santé.



Ce dernier argument a fait l’objet d’une vive réfutation de l’équipe négative qui affirme, évidences à l’appui, que, au contraire, cette interdiction ruinerait la vie du charbonnier en le privant de quelque chose qui le fait vivre. L’équipe a rejeté d’un seul coup les 2 premiers arguments de la position affirmative, en faisant valoir qu’il suffit de planter ou de replanter des arbres pour que les problèmes de déforestation et d’érosion des sols cessent.

Deux arguments ont constitué le cas négatif : le charbon de bois constitue la principale source de revenus des paysans ; et c’est le plus souvent le seul combustible disponible que consomment 80% des ménages haïtiens. L’électricité est chère et n’est pas disponible tout le temps, le gaz n’est pas fiable. Selon l’équipe négative, « quand quelque chose est utilisé par la majorité de la population, il n’est pas bon de l’interdire ».

Cette affirmation sans appel n’a pas empêché l’équipe affirmative de rejeter ces 2 arguments en démontrant qu’il y a non seulement de meilleures sources de revenus pour le paysan comme l’agriculture et l’élevage, mais aussi de meilleurs combustibles non néfastes à l’environnement disponibles tels que le gaz, l’énergie solaire et éolienne.



Si l’enjeu du débat pour l’équipe négative a été le cout réel de la consommation du charbon de bois en Haïti (très élevé, selon les débatteurs qui préconisent l’utilisation d’autres combustibles existants non néfastes à l’environnement), pour la position négative, l’enjeu a été plutôt d’assurer un revenu décent aux paysans dans un pays où la majorité vit avec moins de 1 USD par jour. Leur alternative à l’interdiction est de planter des arbres.

Le verdict des juges

Les 9 juges ont remercié et félicité les 2 équipes qui leur ont gratifié d’un débat d’une bonne facture malgré que certaines débatteuses aient peu d’expérience à débattre et qu’elles avaient seulement 2 jours pour préparer ce match.



Les points positifs qu’ils relevés au cours de ce débat, ont été la présentation méthodique du cas avec des arguments clairs et structurés, le respect rigoureux du format Karl Popper, la qualité des réfutations, et l’effort de fournir des supports aux arguments et à faire ressortir des 2 cotés l’enjeu du débat, la qualité des questions posées, la vigueur des débatteurs à convaincre, le travail d’équipe.

Néanmoins, ils ont relevé certaines faiblesses relevant de la performance individuelle ou de l’attitude des débatteuses qui ont une forte tendance à se parler entre elles et d’ignorer le jury au cours des contre-interrogatoires, les reconstructions maladroites d’arguments réfutés qui ne sont pas assez bien soutenus, l’entêtement de 2 d’entre elles à ne pas vouloir répondre directement aux questions posées.

Le comportement des débatteuses a été globalement positif, et empreint même d’une forme de professionnalisme tant les débatteuses remplissaient leur rôle avec courage et intelligence. Cinq des 9 juges ont voté encore moins de 6 mois après son sacre au tournoi national dé cet été au Cap-Haïtien,  Mysterlande Christophe de l’équipe négative, comme meilleure débatteuse du match.


Le coordonnateur a déclaré aux jeunes et leurs 2 animateurs que le club dispose d’un réservoir de débatteurs talentueux, que leur persévérance dans l’effort, un travail sérieux dans la préparation d’un débat et leur motivation constituent des atouts essentiels qui font la différence dans une compétition de débat. Il a offert à chaque débatteuse un guide de débat Karl Popper, et à Mysterlande, 2 autres manuels de débat. Il a fourni également au club de Camp-Perrin, plusieurs manuels et guides de débat à mettre à la disposition de ces membres.

Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du PIJ - FOKAL

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