Camp-Perrin, un club particulier dans le réseau
Le coordonnateur
des PIJ de FOKAL s’est rendu dimanche 9 décembre, dans l’après-midi, au club de
Camp-Perrin, accompagné de 7 des 12 nouveaux juges formés la veille aux Cayes. Ils
ont retrouvé sur place 2 autres juges de Camp-Perrin. Cette visite au club avait
pour objectifs de rencontrer les jeunes, mais surtout de donner l’opportunité
aux nouveaux juges de faire l’expérience d’arbitrer un débat. Les 2 animateurs
de Camp-Perrin, Alex et Rébert, avaient organisé pour l’occasion un match de
démonstration avec 6 volontaires, toutes des filles du club.
Le club de
Camp-Perrin a la particularité d’avoir un effectif en grande majorité composé de
filles (22 filles étaient présentes à la réunion et seulement 4 garçons) et de
détenir un palmarès très envieux dans le réseau des clubs : Camp-Perrin a
été champion national aux compétitions de débat d’été 2011 et 2012, et 2 filles
du club ont été sacrées meilleures débatteuses dans ces 2 tournois nationaux.
Ces jeunes de ce club sont très motivées et très dévoués à leur club, et
totalement acquises au débat.
Après les mots
de bienvenue de l’animateur Alex très respecté par les jeunes, après les
félicitations du coordonnateur pour la performance du club et ses encouragements
dans leur marche vers d’autres palmarès dans le débat, après le tirage au sort
pour attribuer la position que va défendre chaque équipe, le match a démarré,
avec un panel de 9 nouveaux juges pour l’arbitrer. La résolution était la
suivante : « La consommation du
charbon de bois devrait être interdite en Haïti ».
Un débat de d’exhibition, une démonstration de talents
L’équipe
affirmative, très en verve, a soutenu que cette mesure, si elle est appliquée, ralentirait le phénomène de déforestation
croissante qui voit 20 millions d’arbres coupés chaque année, que cela diminuerait
les dégâts lors des cyclones à cause de l’érosion des sols non protégés par
les arbres, enfin que cela améliorerait
les conditions de vie des charbonniers dont la fabrication du charbon
dégrade sa santé.
Ce dernier
argument a fait l’objet d’une vive réfutation de l’équipe négative qui affirme,
évidences à l’appui, que, au contraire, cette
interdiction ruinerait la vie du charbonnier en le privant de quelque chose qui
le fait vivre. L’équipe a rejeté d’un seul coup les 2 premiers arguments de
la position affirmative, en faisant valoir qu’il suffit de planter ou de
replanter des arbres pour que les problèmes de déforestation et d’érosion des
sols cessent.
Deux arguments
ont constitué le cas négatif : le
charbon de bois constitue la principale source de revenus des paysans ;
et c’est le plus souvent le seul
combustible disponible que consomment 80% des ménages haïtiens.
L’électricité est chère et n’est pas disponible tout le temps, le gaz n’est pas
fiable. Selon l’équipe négative, « quand
quelque chose est utilisé par la majorité de la population, il n’est pas bon de
l’interdire ».
Cette
affirmation sans appel n’a pas empêché l’équipe affirmative de rejeter ces 2
arguments en démontrant qu’il y a non seulement de meilleures sources de
revenus pour le paysan comme l’agriculture et l’élevage, mais aussi de
meilleurs combustibles non néfastes à l’environnement disponibles tels que le
gaz, l’énergie solaire et éolienne.
Si l’enjeu du
débat pour l’équipe négative a été le cout réel de la consommation du charbon
de bois en Haïti (très élevé, selon les débatteurs qui préconisent
l’utilisation d’autres combustibles existants non néfastes à l’environnement),
pour la position négative, l’enjeu a été plutôt d’assurer un revenu décent aux
paysans dans un pays où la majorité vit avec moins de 1 USD par jour. Leur alternative
à l’interdiction est de planter des arbres.
Le verdict des juges
Les 9 juges ont remercié
et félicité les 2 équipes qui leur ont gratifié d’un débat d’une bonne facture
malgré que certaines débatteuses aient peu d’expérience à débattre et qu’elles
avaient seulement 2 jours pour préparer ce match.
Les points positifs
qu’ils relevés au cours de ce débat, ont été la présentation méthodique du cas
avec des arguments clairs et structurés, le respect rigoureux du format Karl
Popper, la qualité des réfutations, et l’effort de fournir des supports aux
arguments et à faire ressortir des 2 cotés l’enjeu du débat, la qualité des
questions posées, la vigueur des débatteurs à convaincre, le travail d’équipe.
Néanmoins, ils
ont relevé certaines faiblesses relevant de la performance individuelle ou de
l’attitude des débatteuses qui ont une forte tendance à se parler entre elles
et d’ignorer le jury au cours des contre-interrogatoires, les reconstructions
maladroites d’arguments réfutés qui ne sont pas assez bien soutenus,
l’entêtement de 2 d’entre elles à ne pas vouloir répondre directement aux
questions posées.
Le comportement des débatteuses a été globalement
positif, et empreint même d’une forme de professionnalisme tant les débatteuses
remplissaient leur rôle avec courage et intelligence. Cinq des 9 juges ont voté
encore moins de 6 mois après son sacre au tournoi national dé cet été au Cap-Haïtien,
Mysterlande Christophe de l’équipe négative, comme meilleure débatteuse du
match.
Le coordonnateur
a déclaré aux jeunes et leurs 2 animateurs que le club dispose d’un réservoir
de débatteurs talentueux, que leur persévérance dans l’effort, un travail
sérieux dans la préparation d’un débat et leur motivation constituent des
atouts essentiels qui font la différence dans une compétition de débat. Il a offert
à chaque débatteuse un guide de débat Karl Popper, et à Mysterlande, 2 autres
manuels de débat. Il a fourni également au club de Camp-Perrin, plusieurs
manuels et guides de débat à mettre à la disposition de ces membres.
Jean-Gérard Anis
Coordonnateur du
PIJ - FOKAL
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