1/
DÉFINITIONS GÉNÉRALES
a.
Discrimination :
« 1/ Action de séparer, de distinguer deux ou
plusieurs êtres ou choses a partir de certains critères ou caractères
distinctifs ; distinction : opérer
la discrimination entre l’indispensable et le souhaitable. 2/ Fait de
distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus mal) quelqu’un ou
un groupe par rapport au reste de la collectivité ou par rapport a une autre
personne : Le sexisme est une
discrimination a l’égard des femmes. Discrimination raciale. », Dictionnaire
Larousse en ligne.
« La discrimination, en tant que différenciation
entre individus ou groupes d’après des critères particuliers, induit un traitement inégalitaire des personnes,
renforcé par les coutumes, voire par les lois d’une société donnée. Le terme
« discrimination » est marqué par une connotation négative dans les
sociétés démocratiques, qui mettent le principe
d’égalité au centre de leurs valeurs. Il désigne ainsi toutes les formes de
distinctions opérées dans la vie sociale aux dépens d’individus ou de groupes,
justifiées par une partie de la population, mais jugées comme inacceptables et
contraires aux normes édictées par la majorité », Encyclopédie Larousse en
ligne.
Typologie :
Une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (H.A.L.D.E) est créée en 2004. Elle fusionne par la suite avec Le Défenseur des Droits, qui identifie et définit 20 types de discriminations prohibées par la loi française : http://www.defenseurdesdroits.fr/connaitre-son-action/la-lutte-contre-les-discriminations L’âge ; l’apparence physique ; l’appartenance ou non à une ethnie ; l’appartenance ou non à une nation ; l’appartenance ou non à une race ; l’appartenance ou non à une religion déterminée ; l’état de santé ; l’identité sexuelle ; l’orientation sexuelle ; la grossesse ; la situation de famille ; le handicap ; le patronyme ; le sexe ; les activités syndicales ; les caractéristiques génétiques ; les mœurs ; les opinions politiques ; l’origine ; le lieu de résidence.
La discrimination
positive
« Elle consiste à favoriser certains groupes de personnes victimes de discriminations systématiques ; politique qui vise a rétablir l’égalité des chances.
Largement
appliquée aux USA (affirmative action)
à partir des années 1960, sous la forme d’une politique de quotas en faveur des
afro-américains. Sous président Nixon, contre l’avis des organisations
communautaires et de lutte contre les discriminations. Il s’agit de donner une
priorité ou un traitement préférentiel aux personnes issues de populations
discriminées dans l’accès aux études universitaires et aux emplois qualifiés.
Cette politique a fait l’objet de plusieurs procès pour inconstitutionnalité.
En France, elle
est débattue depuis les années 1990 comme un instrument possible d’intégration
des populations d’origine immigrée. Considérée comme contraire au principe
d'égalité devant la loi, la discrimination positive fondée sur l’origine
ethnique tendrait par ailleurs selon ses détracteurs à stigmatiser davantage
les populations concernées ; elle nécessiterait en outre l’établissement de
statistiques sur l’origine raciale, ce qui soulève de nombreuses questions
d’ordre pratique et éthique. Il existe cependant des expériences de
discrimination positive en matière d’éducation (avec la mise en place de
procédures d’admission spéciale dans les grandes écoles pour des lycéens
provenant de Z.E.P.). En outre, la loi prescrit des quotas en faveur de la
représentation politique des femmes (loi sur la parité de 1999) et de l'accès des handicapés à
l'emploi. », Encyclopédie Larousse en ligne.
b.
Préjugé :
« 1/ Jugement sur quelqu’un, quelque chose, qui est
formé a l’avance selon certains critères personnels et qui oriente en bien ou
en mal les dispositions d’esprit a l’égard de cette personne, de cette
chose : avoir un préjugé contre quelqu’un. 2/ Opinion adoptée sans examen,
souvent imposée par le milieu, l’éducation : avoir les préjugés de sa
caste », Dictionnaire Larousse en ligne.Synonymes : idée
préconçue, parti pris, jugement a priori, « prêt-a-penser ».
Philosophie
Très tôt, la philosophie veut lutter contre les opinions par opposition à la vérité (cf. le mythe de la Caverne de
Platon ;la dialectique de Socrate ; le doute cartésien (« le
malin génie »).
La notion de préjugé n’apparaît
qu’au siècle des Lumières : Voltaire et Kant en parlent notamment. Kant,
dans Logique,
définit les préjugés comme étant « des jugements provisoires acceptés
comme principes ». Voltaire, dans son Dictionnaire
Philosophique portatif, définit le préjugé ainsi : « le préjugé est une opinion sans
jugement. Ainsi dans toute la terre on inspire aux enfants toutes les opinions
qu’on veut, avant qu’ils puissent juger. »
2/ EN
HAITI
A – La
question du handicap
Volonté politique d’intégrer les personnes handicapées
A l’échelle internationale
-1998 : signature
de la Déclaration de San Juan de Porto Rico : reconnait la nécessité pour
les personnes handicapées de participer au processus démocratique.
-2008 : ratification de la Convention Interaméricaine
pour l’Elimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes
handicapées.
-2009 : Ratification de la Convention Relative aux
Droits des Personnes Handicapées (CRDPH)
A l’échelle nationale
-2007 : Création du Secrétariat d’Etat a l’intégration
des personnes handicapées (SEIPH), dans le but d’élaborer une politique
nationale en faveur des personnes handicapées. Gérard Oriol : secrétaire
actuel.
-2012 : Promulgation de la loi portant sur
l’intégration des personnes handicapées (LIPH) : promouvoir des principes
et des valeurs concourant a l’intégration des personnes handicapées dans toutes
les sphères de la société haïtienne.
Les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes handicapées
-Accès aux soins de santé limité
-Problèmes d’accessibilité aux services, bâtiments publics et transports en
commun
-Un système éducatif qui ne prend pas en compte les déficiences
-Réticences à intégrer les personnes handicapées dans les systèmes d’emploi
-Absence de support juridique
Discrimination et stigmatisation
Les discriminations et la stigmatisation viennent s’ajouter a ces problèmes
d’ordre structurels. L’étude « La représentation et l’évaluation du
handicap en Haïti » a mis en lumière 3 types de réactions au sein de la
communauté : 1/ Agresser par les mots (pour mieux marquer sa différence).
2/ Eviter le contact (pour éviter ‘la contagion’). 3/ Ignorer l’existence de
l’autre.
Les termes péjoratifs les plus couramment employés sont « kokobé »,
« égaré, gosso modo, gros nanm… ». Par extension, les personnes
handicapées sont également qualifiées de « mendiants » ou de
« massissi ».
« Ces comportements participent a la persistance d’une discrimination,
et ce dans tous les domaines d’activités étudiés dans ce projet :
l’éducation, l’emploi, la santé, ou même au sein de sa propre cellule
familiale. Dans le domaine de l’emploi, les personnes handicapées sont réduites
à l’étiquette d’invalides inaptes au travail.Beaucoup se réfugient dans la mendicité.
Dans le domaine de la rééducation, la participation de la famille est
essentielle. Parfois les parents eux-mêmes constituent un obstacle au
diagnostic et au traitement de l’enfant, car ils assimilent le comportement de
leur enfant a du crétinisme ou a une malédiction, la dimension magico-religieuse et supranaturellede l’origine du handicap
restant encore vivace ».
Les croyances magico-religieuses en cause
Dans un article Denis Poizat établit les liens entre les croyances vodou et
le rapport a la maladie et a la déficience du corps. Par exemple, il est
intéressant de remarquer qu’en créole le ko
kraze (corps écrasé), le ko dekonpoze
(corps décomposé) ou le ko demanbre
(corps démembré) désignent le corps malade, mais peuvent également désigner le
corps possédé par le lwa.
A consulter
-Brus, Aude et Lisa Danquah,
« La représentation et l’évaluation du handicap en Haïti, Port-au-Prince,
2012 », pour la Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le
Handicap ; la London School of Hygiene and tropical medicine ;
Internaitonal Centre for Evidence in Disability et Handicap International,
2013, en ligne : http://www.hiproweb.org/uploads/tx_hidrtdocs/RE02Haiti.pdf
-Poizat, Denis, « Le vodou, la
déficience, la chute », Reliance n#29, 2008, en ligne sur le site de
Cairn : http://www.cairn.info/revue-reliance-2008-3-page-9.htm
-« Les soins de santé pour la
population rurale d’Haïti : exclusion et appauvrissement des
vulnérables », Médecins Sans Frontières, 2005.
-« Culture et santé mentale en
Haïti », Organisation Mondiale de la Santé, 2010, en ligne: http://www.who.int/mental_health/emergencies/culture_mental_health_haiti_fr.pdf
B – Discrimination
à caractère sexuel
Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
-Homophobie assez prégnante en Haïti.
-Manifestations anti mariage homosexuel le 12 juillet 2012, plusieurs
milliers de manifestants. Forte mobilisation des églises protestantes. Aucun
projet de loi sur le mariage n’était en cours, mais les manifestations visaient
à prévenir cette éventualité, notamment inspiré des revendications du Mariage
pour Tous en France. En France, la loi autorise le mariage homosexuel depuis le
17 mai 2013.
-Les terminologies employées en créole sont très péjoratives : masisi,
madivin, makomè, mix. Le collectif
Kouraj, promouvant la lutte contre les discriminations fondées sur
l’orientation sexuelle, a décidé de faire entrer ces mots dans son propre
vocabulaire pour espérer en changer les connotations. Au lieu de parler de
‘communauté LGBT’, il emploie l’expression ‘communauté M’. « Lorsque la discrimination d’un
groupe est normale et passe par l’usage de certains termes, il y a au moins
deux possibilités. Changer radicalement les mentalités de façon à ce que la
population arrête d’employer les mots qui symbolisent et réifient la
différenciation du groupe visé ou bien changer directement la connotation de
ces mots. KOURAJ a choisi de suivre cette seconde stratégie ».
A consulter
- Définition de l’homosexualité par
l’Encyclopédie Encarta 2008.
Pour le sexisme :
Consulter la
fiche 8 : « Egalité homme/femme : où mener le combat ?
Travail, violence, pouvoir ».
C – Discrimination
à caractère racial
de couleur en Haïti
Micheline Labelle dans son ouvrage Idéologies
et classes sociales en Haïti, étudie les discours et les représentations
liées au préjugé de couleur en Haïti. Elle dresse une typologie de classes et
distingue la « bourgeoisie « mulâtre » traditionnelle », qui
occupe les places dominantes dans la production et réalisation de la
valeur ; et la « petite bourgeoisie noire » de PAP,
« classe sociale dont les agents occupent des places relativement
éloignées des sommets de la division sociale du travail. Elle catégorise leurs
activités professionnelles, leurs zones de résidence, leurs salaires, etc.
A travers des tests soumis a un panel représentatif, elle étudie « les
connotations émises par ces signes porteurs de la marque somato-biologique que
sont : le mulâtre, le grimaud, le noir… ; de la liaison établie entre
tel type de couleur et tel stéréotype, tel préjugé, telle valorisation ». Elle
démontre que beaucoup de discours sont fondés sur un imaginaire collectif, bien
éloigné de la réalité : « Si le type de couleur est un signifiant
découpé par une perception de classe, on retrouvera dans les divers aspects du
signifié qui s’y rattachent, le mécanisme par lequel l’idéologie de classe
fonctionne et se reproduit. Le traitement idéologique pourra masquer en totalité
les liens qui existent entre les phénomènes réels et recourir des lors a du pur
imaginaire ».
Voici les terminologies utilisées qu’elle recueille :
Noir/noire
Marabout
Indien/indienne
Coolie
Oriental
Siroline
Brun
Griffe/griffonne
Café au lait
Rouquin
Clair
Rouge
Grimaud/grimelle
Chabin/chabine
Métis blanc
Mulâtre/mulâtresse
Octavon/octavonne
Quarteron/quarteronne
Blanc/blanche
Bonbon siro
Ti kanel
Sang-mêlé
Caïmite
Mamelouc
Cannelle
Sacatra
Alezan
Câpre
Jaune
Nicole Siméon raconte dans un article anecdotique les incidents à caractère
discriminatoire qui lui sont arrivés, et définit en fin d’article ce que
sont : la discrimination, le
profilage racial, le racisme, la ségrégation raciale et la xénophobie.
A consulter
-Siméon, Nicole, « Que dire d’être
noir dans la ‘république’ de Pétionville ? », Le Nouvelliste, 12
juillet 2012, en ligne : http://www.touthaiti.com/touthaiti-actualites/255-que-dire-d-etre-noir-dans-la-republique-de-petion-ville
-Saint-Fort, Hugues, « Vers la
résurgence du préjugé de couleur en Haïti ? », Touthaiti.com, 15
juillet 2012, en ligne : http://touthaiti.com/culture-loisirs/294-hugues-saint-fort-vers-la-resurgence-du-prejuge-de-couleur-en-haiti
-Labelle, Micheline, Idéologies et classes sociales en Haïti,
1987, éd. CIDIHCA et Presses de l’Université de Montréal ; également
disponible en ligne : http://classiques.uqac.ca/contemporains/labelle_micheline/ideologie_de_couleur_en_haiti/labelle_ideologie_couleur.pdf
-Trouillot,
Michel-Rolph, “Culture, color and politics in Haiti”, Race, 1994, Rutgers UniversityPress.
-Nichols,
David, From Dessalines to Duvalier. Race,
colour and National Independence in Haiti, 1998, McMillanPublishers.
-Trouillot, Lyonnel (dir), La vie et ses couleurs, éd. C3, 2012
Préjugé racial et tensions : République Dominicaine/Haïti
A - Discrimination
culturelle
Elle remonte au 19ème siècle et est entretenue tout au long du
siècle par l’élite dominicaine.
Les périodes de cristallisations de l’anti-haïtianisme :
-Sous Dessalines (1804-1806)
-Sous Boyer, pendant l’occupation
de la République Dominicaine (1822-1844)
-Pendant l’occupation américaine
d’Haïti (1916-1924) : forte immigration haïtienne en République
Dominicaine
-Sous Trujillo (1931-1960) :
racisme institutionnalisé. Campagne d’extermination d’un grand nombre
d’haïtiens en République Dominicaine le 2 octobre 1937. Le nombre de victimes
est estimé entre 5000 et 25 000. Sébastien Voyneaux explique[1] :
« ce massacre s’est appuyé sur le ‘profiling’. Pour s’assurer de la
nationalité, on demandait au suspect de dire ‘perejil’, persil en espagnol, mot
réputé imprononçable par un Haitien, qui articule ‘pelegil’ ». L’opération
aurait un rapport direct avec une volonté de dominicanisation de la frontière.
-La présence contemporaine
haïtienne en République Dominicaine est toujours citée comme étant « el problema haitiano ».
-Balaguer publie des écrits où il
expose ses théories raciales anti-haïtiennes : La realidaddominicana, en 1947 ; Laisla al revès, en 1983.
B - Discrimination
juridique
Violation du droit interne et du droit international par la République
Dominicaine :
La République Dominicaine recourt à des expulsions massives et à des
expulsions routinières d’Haïtiens[2] et à de
nombreuses violations des droits fondamentaux de la personne.
Des dispositions légales prévoient la protection en cas d’expulsion des
étrangers :
-Article 22 de la Convention
américaine relative aux droits de l’Homme
-Article 4 du Protocole n°4 à la
Convention Européenne des droits de l’Homme.
-Article 13 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
La décision du Tribunal
constitutionnel de la République Dominicaine[3] :
Le 26 septembre 2013, la Cour Constitutionnelle de Saint-Domingue décide de
retirer la nationalité à des centaines de milliers d’enfants et petits-enfants
d’immigrés nés sur le sol dominicain. Ce jugement concerne plus de 250 000
descendants d’Haïtiens, devenant ainsi apatrides.
Jusqu’à 2010, le droit du sol était en vigueur en République Dominicaine,
droit auquel la Cour Constitutionnelle a mis un terme puisqu’elle s’applique de
manière rétroactive : toute personne née depuis 1929 en République
Dominicaine de parents/grands-parents immigrés se voit dépourvu de la
nationalité dominicaine, et devient de
facto apatride.
Des recours contre cette décision sont actuellement à l’étude, notamment
auprès de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.
A consulter
-Corten, André, « Politique
migratoire et société de rente », Revue canadienne des études
latino-américaines et Caraïbes, vol. 16, n°32, 1992, en ligne : http://www.jstor.org/stable/41800676?seq=1
-Voyneaux, Sébastien,
« République Dominicaine : le traitement infligé aux Haïtiens et aux
Dominicains d’origine haïtienne, une discrimination
institutionnalisée ? », Observatoire des Amériques, n°33, 2005.
-HumanRights Watch, «Illegal people: Haitians and
Dominico-Haitians in the Dominican Republic», Reports Vol. 14, No 1 (B), 2002,
en ligne: http://www.hrw.org/reports/2002/domrep/
-« Le
dispositif de l’arrêt TC 0168/13 du Tribunal constitutionnel de la République
Dominicaine », Le nouvelliste, 11 novembre 2013, en ligne : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/123693/Le-dispositif-de-larret-TC-016813-du-Tribunal-constitutionnel-de-la-Republique-dominicaine.html
Le préjugé de langue est également fort en
Haïti :
Consulter la fiche
15 : « Langues et culture : enjeux du bilinguisme haïtien et du
multilinguisme régional ».
D- Discrimination à
caractère religieux
Consulter la fiche 14 : « Quelles religions dans un contexte d’Etat fragile ? »
Réalisé par Jean-Gérard Anis
& Carine Schermann
FOKAL Mars-Avril
2014
[1] Dans son article: « République Dominicaine : le traitement
infligé aux Haïtiens et aux Dominicains d’origine haïtienne, une discrimination
institutionnalisée ? »
[2]Consulter le rapport de HumanRights Watch pour les
chiffres.
[3]Pour avoir le texte de l’arrêt, consulter l’article du
Nouvelliste.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire