1/ DEFINITIONS GENERALES
Égalité : « 1/ Qualité de ce qui est égal,
équivalence. 2/ Absence de toute discrimination entre les êtres humains, sur le
plan de leurs droits : Egalité politique,
civile, sociale. », Dictionnaire Larousse en ligne.
« L’égalité
est le caractère d’un rapport : relation d’identité entre deux termes
référés à une norme. L’égalité est donc doublement relative : elle
suppose, d’une part, la relation entre les termes que l’on compare et, d’autre
part, la relation entre ces termes et l’unité de référence. Ainsi, deux corps
peuvent être égaux en poids sans être égaux en taille.
Appliquée
à la communauté humaine, la question de l’égalité varie donc selon les références
que l’on retient. Trois types d’égalité peuvent être retenus : l’égalité
de nature, l’égalité de droit, l’égalité économique ». Encyclopédie
Larousse en ligne.
Notion à consulter : équité.
Égalité des sexes
Terme
qui concerne le droit et l’impartialité. Il concerne la défense de l’égalité
entre les hommes et les femmes dans la vie sociale : du point de vue
politique, juridique et social.
Genre
« Le
terme est d’abord utilisé dans les sciences médicales, la psychologie et la
sociologie, puis promu par l’histoire des femmes depuis les années 1980. En
France, on lui a longtemps préféré des expressions comme « sexe
social » ou « différence sociale des sexes ». Aujourd’hui
généralisé, le concept de genre s’inscrit dans une perspective constructiviste
qui analyse les différences hommes/femmes comme des constructions sociales et
culturelles, et non comme découlant des différences de nature. »[1]
« Genderstudies » (« théories du
genre »)
Suite à
la révolution sexuelle de 1969, le mouvement féministe prend de l’ampleur aux
USA. Et le concept de ‘genderstudies’ prend naissance dans les années 1970.
« Women’sstudies »
Se
développent dans les universités américaines avec leurs laboratoires de
recherche, leurs revues, leurs éditions. Les women’sstudies sont fortement
liées au mouvement féministe de l’époque. La plupart d’entre elles incarnent un
féminisme radical, qui plaide la séparation des sexes.
Littérature sur
le genre
Les références françaises
-Simone de
Beauvoir, Le Deuxième Sexe (1949) : analyse les modalités
sociologiques, psychologiques, économiques de la hiérarchie entre les sexes et
montre l’universalité du rapport de domination des hommes sur les femmes.
Classique du féminisme.
-Michel Foucault,
L’archéologie du savoir (1969), Histoire de la sexualité (1976-84). Ses
travaux questionnent le genre et le sexe.
-Pierre Bourdieu,
La domination masculine (1998),
sociologue. Etudie les rapports de domination dans la société et la violence
symbolique qui en découle.
-Elisabeth Badinter,
L’un et l’autre (1986), défend une
conception égalitariste des deux sexes.
-Françoise
Héritier, Masculin/féminin.
Dissoudre la hiérarchie (2002). Analyse le caractère universel de la domination
masculine et les conditions d’un changement pour les femmes.
Les références américaines
-Margaret Mead,
L’un et l’Autre Sexe (1948).
Anthropologue. Travaux menés en Océanie. Elle souligne le caractère culturel et
construit des identités des sexes.
-Carol Gilligan,
Une si grande différence (1986).
Psychologue. S’intéresse surtout aux conceptions de la morale chez les deux
sexes.
-Luce Irigaray, Speculum. De l’autre femme (1974). Dénonce
l’impérialisme masculin de la philosophie occidentale et recherche une nouvelle
éthique des rapports sexuels.
Notions à consulter : féminisme, féminisme
différencialiste, féminisme égalitariste, queer
A - Cadre légal : instruments juridiques régissant
les droits des femmes en Haïti :
Instruments
internationaux[2]
-Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme (article premier et article 2).
-Convention des Nations Unies sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDEF), 1979. Le Comité pour
l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, assure un suivi de
l’adhésion des Etats à la CEDEF. Il
formule des recommandations, encourage la collecte de statistique sur la
violence contre les femmes et les filles, etc. La convention a été ratifiée par
Haïti.
- Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la
violence à l’égard des femmes.
-Programme d’action de Beijing, adopté
par les Nations Unies lors de la 4ème conférence mondiale sur les
femmes en 1995.
-Convention Interaméricaine pour la
prévention, la sanction et l’élimination de la violence faite aux femmes (Belom
Do Para). Elle affirme le droit de chaque femme à vivre dans un climat
libre de violence, tant dans sa vie publique que dans sa vie privée. La convention
a été ratifiée par Haïti.
-Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant. Ratifiée par Haïti.
Instruments
nationaux
Malgré
un ensemble d’outils juridiques promouvant les droits des femmes, le cadre
juridique haïtien comporte des lois discriminatoires portant préjudice aux
femmes et qui les maintiennent dans une situation juridique défavorable par
rapport aux hommes :
-Le Code civil de 1826comporte des articles
portant préjudice aux femmes : ceux traitant de l’adultère (par exemple,
articles 284, 285, 286 287), la définition du mariage, le traitement des
divorces, le traitement discriminatoire par rapport aux enfants nés en dehors
des liens du mariages, etc. Ces articles placent la femme dans une position
d’infériorité par rapport à l’homme.
-Le Code pénal définit de manière différenciée
le traitement des femmes et des hommes par rapport à des infractions
similaires, ainsi que le traitement des droits des femmes par rapport à la
santé de la reproduction et de l’avortement ; et met en avant l’absence
d’égalité des époux face à l’adultère.
-Le Code du travail codifie un traitement
inégal pour les travailleurs domestiques qui sont dans la majorité des femmes
et leur enlève les droits les plus élémentaires des travailleurs, et articles
relatifs aux enfants en domesticité qui sont en majorité des filles.
-Un
manquement général en ce qui concerne la définition des agressions sexuelles.
Le viol est traité comme une atteinte à l’honneur et non pas comme une
violation de l’intégrité physique de la personne. Par ailleurs, sont passés
sous silence des faits sociaux permanents, tels que le concubinage et le
plaçage.
-Les
pratiques ont souvent préséance sur les lois.
-Constitution de 1950 : octroi de
tous les droits politiques par la femme haïtienne : « tous les
haïtiens âgés de 21 ans accomplis, de l’un et l’autre sexe, exercent les droits
politiques et civils s’ils réunissent les conditions déterminées par la
constitution et par la loi ». = Droit
de vote des femmes.
- La
législation de 1982 constitue une porte ouverte pour l’émancipation de la femme,
avec notamment le décret du 8 octobre
1982, qui vient battre en brèche la supériorité de l’homme, le patriarcat
et répond aux vœux des conventions internationales ratifiées par Haïti.
-Le décret du 3 mars 1975 : octroi de
droits dans le domaine du travail et accès au grand jury criminel.
-Le décret du 8 octobre 1982 relatif au
statut de la femme mariée.
-La Constitution Haïtienne de 1987
B - Cadre institutionnel et initiatives de l’Etat haïtien
-1994 :
le Ministère à la Condition Féminine et
aux Droits des Femmes (MCFDF) créé par décret le 8 novembre. Sa mission est
de concevoir, de définir et de faire appliquer les politiques de l’Etat dans le
domaine de la Condition Féminine et des Droits des Femmes. Il est fragilisé,
par plusieurs tentatives de fermeture, par les tenants du pouvoir, prétextant
un budget trop couteux et un bilan trop faible. Le MCFDF réagit en 1997 par un
Plaidoyer pour le maintien du Ministère et la réalisation effective de sa
mission. Actuelle ministre : Marie Yannick Mézile. Site Internet : http://www.mcfdf.ht
-2004 :
Mise en place de la Concertation
Nationale contre les Violences spécifiques faites aux femmes[3] :
organisme de coordination tripartite gouvernement/société civile/agences
internationales, qui a pour but de favoriser une coordination entre les
différentes initiatives gouvernementales et non gouvernementales, nationales et
internationales, en cours dans le domaine de la lutte contre les violences
faites aux femmes.
-2005 :
Un Plan National de lutte contre les
violences faites aux femmes (période 2006-2011) est adopté à l’initiative
du gouvernement, de la société civile, d’institutions internationales et des
membres de la Concertation Nationale. Le
Plan dresse une liste d’actions à mener : 1/ Mettre en place un système de
collecte systématique de données quantitatives sur la violence contre les
femmes ; 2/ renforcer les services de prise en charge des victimes à
travers différentes institutitons et d’augmenter leur nombre ; 3/ prévenir
la violence à l’égard des femmes et favoriser la coordination d’une procédure
de réaction à l’échelle nationale ; 4/ renforcer la capacité des
insitutions publiques à jouer pleinement leur rôle.
-2005 :
le gouvernement de transition adopte un décret introduisant des changements dans le Code Pénal Haïtien
datant de 1835.
-2007 :
Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes publie une
étude : « Une réponse à la
violence faire aux femmes en Haïti, étude sur la violence domestique et la
violence sexuelle en Haïti », disponible en ligne : http://sgdatabase.unwomen.org/uploads/Haiti%20-%20une%20reponse%20a%20la%20violence%20faite%20aux%20femmes%20en%20haiti.pdf . Cette
étude a pour but de poser les bases permettant de renforcer la mise en œuvre du
Plan National de lutte conter les violences faites aux femmes.
Malgré
ces initiatives et à l’exception du Ministère à la Condition féminine et aux
droits des femmes, un manque de volonté politique concernant la conversion du
droit international en mesures nationales de protection pour les femmes et les
filles se fait sentir.
C - Responsabilités du gouvernement et recommandations
Amnesty
International recommande diverses « mesures qu’Haïti doit prendre afin de
satisfaire à la notion de diligence requise : l’adoption des lois
condamnant et érigeant en infractions les diverses formes de violence liée au
genre ; la formation des fonctionnaires ; l’introduction des
politiques et de mécanismes pratiques pour la protection des droits des femmes
et des filles ; la mise en place d’un travail visant à ce que les femmes
et les filles ayant été en butte à la violence puissent faire appel aux
mécanismes judiciaires disponibles et que ceux-ci répondent à leurs
besoins ».
D - Organisations et réseaux de défenses des droits des
femmes en Haïti
-Ligue
Féminine d’Action Sociale (1934)
-Mouvement
Féministe Haïtien (1982)
-Kay
Fanm (1985)
-Fanm
d’Ayiti
-Solidarité
FanmAyisyen (SOFA)
-RasanblemanFanmPopilè
-RasanblemanFanmRevolusyonè
-Fanm Je
Klere (FAJEK)
-FanmAyisyenLeveKanpe
(FALEK)
-KonbitliberasyonFanm
-Comité
féminin de lutte contre la torture
-Ligue
Haïtienne de défense des droits de la femme rurale
-FanmYo
La – Collectif féminin pour la participation politique des femmes
-Enfofanm
-Fonds
Haïtien d’Aide à la Femme (FHAF)
-Alliance
des Femmes Haïtiennes (AFHA)
-Coordination
Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes (CONAP)
Avec :
Centre
haïtien de recherches pour la promotion féminine (CHREPROF), créé en 1978
Centre
National et international de documentation et d’information des femmes en
Haïti, créé en 1987.
A consulter
Nérestant, Micial, La
femme haïtienne devant la loi, Karthala, 1997
3/ DÉFIS ET PERSPECTIVES
A –
Histoire des violences contre les femmes
Histoire
contemporaine :
Sous Duvalier, l’assassinat politique, les arrestations
arbitraires d’opposants politiques et les violences sexuelles sont utilisés
pour répandre la terreur. Sous Aristide, l’insécurité et les violences connaissent
des sommets. En 1991, Aristide est chassé
du pouvoir par un coup d’Etat militaire. Au cours des 3 années de régime
militaire qui suivent, la violence sexuelle visant les femmes et les filles
fait partie des tactiques répressives auxquelles ont recours les forces
militaires du pays. En 2004, lorsqu’Aristide est chassé pour la deuxième fois
par un soulèvement armé, de nombreux gangs recourent au viol comme arme
d’humiliation et de terreur. Oxfam Solidarité enregistre 35 000 cas de viols et
d’agressions sexuelles entre 2003 et 2005.
Après le
séisme, la violence dans les camps
A la
suite du séisme, le nombre de déplacés et de sans-abris voit naitre de nombreux
camps dans la Zone Métropolitaine de PAP. (Consulter la
fiche 19 : Conditions de vie, habitat, transport)
Les
témoignages recueillis par Amnesty International permettent d’identifier les
principaux facteurs favorisant les risques de violences fondées sur le
genre dans ces camps :
-manque
de sécurité et de police à l’intérieur des camps et inadéquation de la réponse
policière aux plaintes des victimes
-manque
d’éclairage la nuit
-précarité
et insécurité des abris
-latrines
et douches inadéquates
-surpopulation
des camps et promiscuité
-violence
et gangs armés agissant en toute impunité.
-manque
d’accès à des activités génératrices de revenus.
-manque
de mesures visant à protéger les victimes d’agressions sexuelles, de sorte à ne
pas systématiser les agressions.
A consulter
-Amnesty International, « Aftershocks :
womenspeak out againstsexual violence in Haiti’s camps », 2011, en
ligne : http://www.amnesty.org/en/library/asset/AMR36/001/2011/en/57237fad-f97b-45ce-8fdb-68cb457a304c/amr360012011en.pdf
-Amnesty international, « Ne leur tournez pas le
dos, La violence sexuelle contre les filles en Haïti, 2008, en ligne :
B –
Travail et pouvoir : représentativité des femmes
Dans le Plan Stratégique du PNUD 2014-2017[4]
qui considère la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des
femmes comme une des plus hautes priorités, il est écrit : « Les
femmes sont agents de changement pour décider leur présent et leur futur; elles
doivent être au centre des décisions et à l’avant-garde des politiques pour
garantir une vraie démocratie équitable, inclusive et juste. L’égalité entre
les sexes, troisième des huit Objectifs du Millénaire, représente à la fois un
moyen et une fin pour parvenir à la consolidation du développement durable dans
tout le monde ».
En
Haïti, malgré le fait que les femmes aient obtenus les mêmes droits politiques
que les hommes il y a plus de 50 ans, la représentativité des femmes au pouvoir
aujourd’hui reste faible.
-Un
rapport du PNUD[5] indique
que le pourcentage de femmes au Parlement
est de 4% en Haïti, tandis qu’il est
de 19% en République Dominicaine.
-Création
d’un Bureau de l’équité de genre au
Parlement, le 2 décembre 2013, sous l’initiative de la députée Marie Jossie
Etienne, initiative soutenue par le PNUD. La mission du Bureau est de donner un
soutien technique aux parlementaires à travers l’analyse de genre des projets
de lois en cours, ainsi que de faire des propositions aux parlementaires. Marie
Jossie Etienne affirme : « Le but final est que les hommes et les
femmes aient les mêmes droits pour participer aux affaires publiques du pays.
L’égalité des sexes est un facteur incontournable à la construction d’un état
de droit en Haïti ».
-Dans l’exécutif, les femmes sont
sous-représentées, jusqu’à tout récemment, sous le régime Martelly, où l’on
connaît un changement.
-Dans le gouvernement dirigé par Jacques Edouard Alexis
(2006-2008), 2 ministères sur 18 dont dirigés par des femmes : Commerce et
Condition Féminine.
-Dans le gouvernement de Michèle Pierre-Louis
(2008-2009), on en compte 3 : Commerce, Condition Féminine, Affaires
Sociales.
-Dans le gouvernement de Jean-Max Bellerive (2009-2011),
on en compte 4 : Affaires étrangères, Condition Féminine, Culture,
Commerce.
-Dans le gouvernement de Garry
Conille, on en compte 3 : Tourisme, Condition Féminine, Santé.
-Dans le gouvernement de Laurent Salvador Lamothe, on en
compte 6 au début de son mandat et 10 actuellement (sur 23), dans le cadre du
remaniement ministériel. Le taux monte à 44%.
A consulter
-Dorce, Marie-Claude, « 44% de femmes au
gouvernement : égalité réelle ou instrumentalisation ? », Tout
Haïti, 22 mars 2013, en ligne : http://touthaiti.com/touthaiti-actualites/2043-44-de-femmes-au-gouvernement-egalite-reelle-ou-instrumentalisation
-Laroche, Alix, « Haïti : des organisations de
femmes applaudissent l’arrivée de nouvelles femmes au gouvernement »,
Haïti Press Network, 23 janvier 2013, en ligne : http://www.hpnhaiti.com/site/index.php/politique/8486-haiti-politiquedes-organisations-de-femmes-applaudissent-larrivee-de-nouvelles-femmes-au-gouvernement
Réalisé par Jean-Gérard Anis
& Carine Schermann
FOKAL Mars-Avril 2014
[1] Article de Martine Fournier, “Les gender studies pour
les nul(le)s”, en ligne : http://www.scienceshumaines.com/les-gender-studies-pour-les-nul-le-s_fr_27748.html
[2]Rappel : La Constitution haïtienne (article 276-2)
accorde aux traités internationaux ratifiés par Haïti le même statut qu’à la
législation nationale. Elle prévoit également l’abrogation de toutes les lois
incompatibles avec les dispositions de ces traités internationaux.
[3]Pour des informations sur le groupe de travail, consulter
la base de données du Secrétariat général de l’ONU : http://sgdatabase.unwomen.org/searchDetail.action?measureId=27943&baseHREF=country&baseHREFId=605
[4]Plan stratégique du PNUD 2014-2017 : http://www.undp.org/content/dam/undp/library/corporate/UNDP_strategic-plan_FRENCH_v5_web.pdf
[5] Rapport sur le DéveloppementHumain, 2013 :http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2013_french.pdf
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